Orientation : stop aux clichés sur les différences filles/garçons !
Les filles studieuses et littéraires, les garçons matheux et plus ambitieux. Peut-être partagez-vous, inconsciemment ou pas, cette idée que certaines filières et carrières sont plus adaptées aux filles, et d’autres aux garçons. Peut-être même ces clichés pèsent-ils déjà malgré vous sur vos premiers choix d’orientation. Et si on essayait de comprendre comment se construisent ces stéréotypes pour mieux s’en libérer ? Cinq questions/réponses pour mettre KO quelques idées reçues.
Les filles réussissent-elles mieux à l’école ?
Oui, les filles réussissent mieux à l’école. C’est un fait. Elles redoublent moins (52 % des filles arrivent en terminale sans retard contre 40 % pour les garçons). Elles sont plus nombreuses à décrocher le DNB (86 % contre 81 %) et le bac (86,7 % contre 82,3 %) et ont plus souvent des mentions. À l’université, les garçons sont minoritaires (les filles représentent 59,2 % des effectifs).
Mais de là à en conclure que si les filles sont plus scolaires, c’est parce que, justement, ce sont des filles, il y a un pas qu’il ne faudrait pas franchir trop rapidement. D’après les sociologues, les scientifiques qui étudient les sociétés humaines, l’écart de réussite entre les filles et les garçons s'explique non par une différence de cerveau, mais d’éducation : les parents et les enseignants ne se comportent pas de la même manière selon le genre.
L’écart de réussite entre les filles et les garçons s'explique par une différence d’éducation
Des filles, on attend qu’elles soient sérieuses et appliquées, voire “dociles”. Quant aux garçons, on considère presque normal qu’ils soient agités. Conséquence, les filles adoptent très jeunes des comportements qui vont leur permettre de mieux réussir à l’école. Elles lisent davantage et leurs cahiers sont plus soignés. Elles sont également moins absentes ou en retard aux cours et plus rarement renvoyées de classe.
Les garçons sont-ils meilleurs en maths et les filles meilleures dans les matières littéraires ?
En troisième, 82,3 % des filles maîtrisent les compétences de base en français contre 68 % pour les garçons. Ces derniers sont en revanche légèrement meilleurs en mathématiques – ils sont 87,6 % à en maîtriser les compétences de base contre 86,8 % pour les filles.
Alors, aux garçons la bosse des maths et aux filles la fibre littéraire ? Pas si vite ! D’après les sociologues, si les filles réussissent légèrement moins bien que les garçons en mathématiques, cela n’a rien à voir avec le genre, mais plutôt avec la persistance de stéréotypes. Dans l’esprit de nombreux parents et de professeurs, les maths, l’informatique, la technique et, de façon générale, les sciences sont d’abord l’affaire des garçons (voir encadré). Ces derniers vont donc être stimulés dans ces matières, tandis que les filles, elles, le seront davantage dans les disciplines littéraires. Résultat : très tôt dans leur scolarité, elles creusent l'écart en français, tandis que les garçons progressent plus vite en mathématiques.
Les filles sont-elles moins ambitieuses que les garçons ?
Alors que les filles réussissent mieux à l’école que les garçons, elles font cependant des études moins prestigieuses. Pourquoi ? Cela commence avec les choix d’orientation au lycée. Ainsi, même quand elles sont très fortes en mathématiques, les filles se dirigent moins souvent que les garçons vers les filières scientifiques. Paradoxal, non ?
Au final, elles ne représentent que 45,2 % des élèves de terminale S, seulement 10,6 % de ceux de STI2D et… moins de 30 % des étudiants des écoles d’ingénieurs. La raison est notamment qu’elles sont moins encouragées, voire poussées, par leur entourage vers ces filières.
Les filles choisiraient leur orientation selon l’idée qu’elles se font de la place et du rôle des femmes dans la société
“On considère que c’est moins ‘gênant’ pour une fille que pour un garçon de ne pas avoir un profil scientifique”, affirme Françoise Vouillot, psychologue, maîtresse de conférences à l'Institut national d'étude du travail et d'orientation professionnelle du CNAM. Les filles choisiraient leur orientation, non pas en fonction de leurs réels goûts ou compétences, mais selon l’idée qu’elles se font de la place et du rôle des femmes dans la société : “Les filles et les garçons ont très tôt dans la tête des images ce que doivent être les hommes et les femmes” souligne la psychologue. Aux filles, le soin, la patience et la douceur, aux garçons, les sciences et le sport…
Ces stéréotypes sont véhiculés inconsciemment par les parents et les enseignants. Mais, ils ne sont pas les seuls “responsables”. Les manuels scolaires participent, eux aussi, à la persistance de ces préjugés. Les héros et les savants y sont presque toujours des hommes.
Existe-t-il des métiers de garçons et des métiers de filles ?
Dans certains métiers comme ceux de la santé, l’éducation, la beauté par exemple, les filles sont surreprésentées. À l’inverse, dans d’autres, elles font presque figure d’exception : mécaniciens, pompiers, ou chef d’entreprise… Faut-il en déduire qu’il existe des professions réservées aux hommes et d’autres aux femmes ?
En réalité, et contrairement à une idée encore largement répandue, “tous les métiers peuvent être exercés par les deux sexes”, affirme Catherine Dufour, auteure du “Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesse”. Selon elle, si les filles choisissent plutôt des métiers ‘dits de femmes’ et inversement pour les garçons, c’est que les choix d’orientation se font à l’adolescence, à un moment où l’affirmation de l’identité sexuelle est essentielle : les filles ont envie de ressembler à des filles et réciproquement pour les garçons.
“Or, quand une fille suit une formation ‘masculine’ : elle n’est plus vue comme ‘une vraie fille’. Et c’est encore plus vrai pour les garçons qui ont tendance à s’interdire les métiers ’féminins’”, déplore Françoise Vouillot. Ce qui n’est pas sans poser problème. Surtout pour les filles qui sont les premières perdantes dans l’affaire. En atteste leur surreprésentation dans les secteurs les moins porteurs, les moins rémunérateurs et à des postes moins prestigieux.
Les choses peuvent-elles changer ?
Les filles sont-elles condamnées à occuper des métiers moins valorisés ? Françoise Vouillot ne le pense pas pour autant : “Il faut dire aux jeunes qu’une partie de leurs choix et de leurs goûts relève de la reproduction de stéréotypes et qu’en matière d’orientation et de carrière, il n’existe pas de déterminisme. Mais on ne parviendra à changer profondément les choses qu’à la condition que les tâches domestiques soient mieux réparties entre les hommes et les femmes”.
Une partie des choix et des goûts des jeunes relève de la reproduction de stéréotypes
D’après la psychologue, au moment de choisir leur orientation, les filles se projettent, le plus souvent inconsciemment, dans leur futur rôle de mère. “Elles ont parfaitement intégré l’idée que l’essentiel de la charge de la maison et des enfants leur reviendra. Elles limitent donc leurs ambitions”, martèle-t-elle.
À ces filles, Catherine Dufour n’a qu’un message : “Osez !”. Pour les convaincre d’investir TOUS les métiers, cette ingénieure en informatique est allée à la rencontre de femmes passionnées. Agent secret, aventurière, cosmonaute, inventeuse, fondatrice d’empire financier, politicienne… Rien que des métiers qui font rêver. Elle en a tiré un livre dont le titre, à lui seul, est déjà tout un programme : “Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses”. À lire sans modération ! Cela vous donnera peut-être quelques bonnes idées.
La démonstration de l'exercice de géométrie
Deux chercheurs en psychologie de l’université d’Aix-Marseille, Pascal Huguet et Isabelle Régner, ont fait une expérience dont les résultats parlent d’eux-mêmes. Ils ont demandé à des centaines d’enfants âgés de 11 à 13 ans de reproduire de mémoire une figure géométrique complexe après l’avoir visualisée quelques minutes.
- À un premier groupe, on indique qu’il s’agit d’un exercice de géométrie. Les performances des garçons sont alors largement supérieures à celles des filles.
- À un deuxième groupe d’enfants, on indique qu’il s’agit non pas d’un exercice de géométrie mais de dessin. Les performances des filles augmentent et deviennent même supérieures à celles des garçons alors qu’il s’agit de la même tâche.
Conclusion : les filles sont tellement persuadées “qu’elles sont nulles” en géométrie que cela influe sur leurs performances. La faute à un manque de confiance en elles.
Source : “Sur le chemin de l’égalité, filles et garçon, de l’école à l’enseignement supérieur”, enquête de la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), mars 2012.