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A Barcelone, business schools et entreprises cherchent à repenser la formation des top managers

Jean-Claude Lewandowski Publié le
A Barcelone, business schools et entreprises cherchent à repenser la formation des top managers
Le campus de l'IESE à Barcelone // DR // © 
Début avril 2014, l'IESE a réuni, pendant deux jours, doyens de business schools et patrons de grandes entreprises pour réfléchir à la façon de mieux préparer les managers à la concurrence internationale. Notamment en répondant aux exigences accrues en matière d'innovation et d'entrepreneuriat.

Repenser la formation des dirigeants, afin de mieux concilier le développement du leadership avec la nécessité de stimuler l'innovation et l'esprit entrepreneurial : tel est le sujet sur lequel l'IESE de Barcelone a convié à plancher, pendant deux jours, début avril 2014, patrons de business schools et responsables de grands groupes.

Si la question du leadership reste une priorité pour tous les acteurs, elle se pose en effet sous un jour nouveau, avec la globalisation, mais aussi la complexité croissante des phénomènes et la montée en puissance des pays émergents. "La prise de décision est extrêmement rapide dans ces pays, souligne Pakaj Ghemawat, professeur de stratégie à l'IESE. Certaines firmes chinoises parviennent à concevoir et lancer un nouveau produit en un mois – bien plus vite que les industriels des pays développés. Le management des entreprises globales doit intégrer cette nouvelle donne." Les étudiants sont d'ailleurs de plus en plus demandeurs d'enseignements dédiés à l'innovation et à l'entrepreneuriat, notamment dans les programmes post-diplôme (MBA, Executive Education).

Aller au-dela des cours traditionnels

Mais si la plupart des intervenants, à Barcelone, s'accordaient sur la nécessité d'une évolution, les points de vue étaient plus partagés sur les moyens à mettre en œuvre. Skirant Datar, doyen associé de Harvard Business School, est l'un des rares qui s'intéressent au processus même d'innovation, allant jusqu'à proposer une "méthodologie" qui permette la génération d'idées face à un problème donné, avec une série de modules : mieux comprendre le consommateur, redéfinir la problématique... 

Pour les autres experts, plusieurs constantes apparaissent. A commencer par l'extrême diversité des outils que les business schools peuvent mettre en place : incubateurs, clubs de diplômés créateurs, associations, concours de business plan, summer schools… Bernard Ramanantsoa, directeur général d'HEC, ajoute une autre piste : faire se rencontrer des profils différents – par exemple des managers et des ingénieurs ou des biologistes : ils "ne voient pas le monde de la même manière".

En réalité, la plupart des acteurs estiment que les cours traditionnels paraissent dépassés, et que ce n'est pas dans la classe que l'on stimule l'esprit d'entreprise et l'innovation. "Une grande partie de nos activités dans ce domaine se passent hors de la classe – par exemple dans le cadre de clubs d'innovation", observe ainsi Zhang Weijiong, doyen de la CEIBS. Beaucoup insistent sur la pratique et sur les démarches du type "apprentissage par l'action". Les compétitions étudiantes, les missions en entreprise s'inscrivent dans ce cadre.

La plupart des acteurs estiment que ce n'est pas dans la classe que l'on stimule l'esprit d'entreprise et l'innovation

Plusieurs patrons de business schools ont également souligné le rôle des enseignements électifs. "Nos étudiants sont de plus en plus libres de choisir leurs contenus de cours, expliquait Wendy Alexander, doyenne associée à la London Business School. Cela leur permet d'adapter leur cursus parcours à leurs préoccupations, et d'enrichir leur expérience." Même tonalité chez Michael Pich, professeur à l'Insead.

Comment aller plus loin ? Comment les business schools peuvent-elles innover encore davantage. Bernard Ramanantsoa estime qu'elles doivent s'appuyer sur trois piliers. D'abord, le corps professoral et la recherche, bien sûr, car "les professeurs enseignent l'état de l'art issu des entreprises". Ensuite, les liens approfondis avec un cercle restreint d'entreprises. "Elles nous posent des questions de plus en plus complexes – sur la démographie, la globalisation, ou des sujets comme l'approvisionnement en eau potable…" Reste une troisième source d'innovation : les étudiants eux-mêmes. "Ils peuvent être très innovants – et parfois trop –, que ce soit sur le cursus, les activités extra-académiques, ou les problématiques d'entreprise. Pour un doyen, cela peut être très riche, mais aussi très déstabilisant", indique le patron d'HEC. L'entrepreneuriat et l'innovation n'ont pas fini de bousculer les écoles, en les poussant à trouver de nouvelles voies.

Jordi Canals, doyen de l'IESE : "Pour former à l'innovation, nos écoles doivent innover"
Quels enseignements tirez-vous de cette conférence que l'IESE organisait ?

Innover et entreprendre, c'est une question d'individus, de personnalité et de valeurs. Mais il est possible de développer ces talents par l'éducation. On peut, en se formant, devenir plus entrepreneur, plus innovant. L'enseignement favorise l'innovation. Pour cela, nous devons faire évoluer nos process, adapter notre enseignement, innover. Nous pouvons, par exemple, travailler en classe ou en dehors de la salle de classe, par groupes de tailles différentes…
Par ailleurs, chaque entreprise a son propre modèle d'entrepreneuriat et d'innovation, sa propre culture en la matière. C'est pourquoi il est difficile d'apporter une réponse unique.

Sur ce type de problématique, comment les business school peuvent-elles à la fois travailler ensemble et être en compétition frontale ?

Chaque business school développe sa propre voie, sa propre façon d'aborder les grandes questions. Mais elle doit aussi se tenir à l'écoute, et être ouverte aux solutions adoptées par les autres. Nous sommes donc en concurrence, certes, dans un contexte global, mais nous pouvons aussi coopérer et échanger nos points de vue sur des sujets d'importance. C'est ce que nous venons de faire. C'est une façon de nous adapter à l'environnement. Et cela n'empêche pas chacune de nos institutions de garder son identité.

Jean-Claude Lewandowski | Publié le