L'amphi E de la faculté de droit de l'université Nantes est plein à craquer. Ce 7 décembre 2017, près de 700 étudiants sont venus assister en masse à un cours magistral d'un genre (très) particulier : le procès du Père Noël. Le célèbre personnage à la barbe blanche est ici pour répondre à deux chefs d'accusation : esclavagisme de lutins et maltraitance sur rennes. Une quinzaine d'étudiants en droit, en robe d'apparat, prennent place sur l'estrade qui, pour l'occasion, fait office de chaire en bonne et due forme. À leurs côtés, deux avocats, Loïc Cabioch et Franck Boëzec, qui ont bien voulu se prêter au jeu de ce procès loufoque.
Apprendre en s'amusant
L'expérience, portée par l'association étudiante Les Tribuns nantais, a été initiée par la Fédération francophone de débats de Paris qui, en décembre 2015, a mis sur pied le procès de Dark Vador, figure emblématique de l'épopée "Star Wars".
"Nous souhaitions proposer une déclinaison de ce concours d'éloquence mêlant théâtre et improvisation. L'objectif était de permettre aux étudiants en droit de s'exercer dans un contexte plus léger", rappelle Frédéric Lefèvre, étudiant en troisième année de droit et président de l'association nantaise.
Au menu de ce procès fictif : un Père Noël en grande forme, usant à outrance de mimiques et attitudes drolatiques, et des témoins plus convaincants que jamais – des malheureux lutins maltraités, Lulu et Robin, au représentant du Front de libération des lutins, remonté comme une pendule, en passant par la palefrenière amoureuse de ses rennes et l'inspecteur Gibbs du BIPN (Bureau d'investigation du pôle Nord), conscient d'avoir décroché l'enquête du siècle.
Si l'initiative est avant tout ludique, elle sert aussi à montrer aux étudiants la réalité du métier.
Contacté à peine un mois avant l'événement, Maître Loïc Cabioch, parrain de l'association, a accepté avec enthousiasme de rejoindre le projet : "L'intérêt pédagogique de cette démarche est indéniable. Si l'initiative est avant tout ludique, elle sert aussi à montrer aux étudiants la réalité du métier : nous passons la majeure partie de notre temps à plaider en salle d'audience. Plus ils s'y frotteront tôt, plus ils seront capables de s'adapter à l'environnement d'une cour en situation réelle."
Leçon retenue
À en juger par les mines réjouies du public et les salves d'applaudissement, la formule semble avoir parfaitement fonctionné. Entre questions ubuesques ("Le Père Noël versait-il sa part au Pôle Nord emploi et aux allocations lutines ?") et réparties cinglantes ("Vous dites avoir de la bouteille dans votre métier. C'est aussi ce que j'ai entendu sur votre compte"), les joutes enflammées se sont succédé pendant plus de deux heures. Dans l'assemblée, on pouvait entendre quelques "Oh, oh, oh !" d'admiration devant tant d'aisance.
"Nous avons rarement l'occasion de prendre la parole en cours. J'aimerais vraiment faire cet exercice pour m'entraîner à argumenter à l'oral", confie Mathilde, 20 ans, apprentie avocate. Si, au terme des plaidoiries de Maîtres Cabioch et Boëzec, les jurés ont reconnu le Père Noël coupable, la présidente de la cour, pressée par le public scandalisé, a dû révoquer leur décision et prononcer l'acquittement. Le Père Noël n'est finalement pas une ordure...