L’attrait de l’université ne faiblit pas. Cette année, 38,6 % des candidats ont choisi une licence en premier vœu de leur liste sur Admission postbac (lycéens et étudiants en réorientation confondus). Mais ce sont toujours les quatre mêmes filières (Paces, droit, Staps et psychologie) qui concentrent près de la moitié (46,1 %) de ces vœux 1. Et ce malgré la réforme APB.
Les établissements jouent aux équilibristes pour accueillir un maximum de candidats tout en leur offrant les meilleures conditions d'études possible. "C’est une très bonne chose que l'université attire des candidats, mais nous n’avons pas envie de les recevoir sur des marches d’escalier !" martèle Jean-Pierre Vinel, à la tête de l’université Toulouse 3.
Des surprises
Malgré les prévisions effectuées, les surprises sont chaque année plus nombreuses. L’université Paris-Diderot, qui accueille 28.000 étudiants dans l’ensemble de ses filières, a vu affluer près de 73.000 candidatures en L1, dont 17.000 premiers vœux (toutes académies confondues) pour 2.800 places hors Paces. "Cela constitue une augmentation de 30 % par rapport à 2015 !" s’exclame Maximilien Cazayous, vice-président CFVU (Commission formation et vie universitaire).
La filière psycho reste stable, avec environ 8.000 candidats, dont 1.000 vœux 1… pour 115 places. "Ce qui nous a un peu surpris cette année, c’est que sciences de la vie arrive juste après, avec 7.600 demandes, dont 1.700 vœux 1", rapporte Maximilien Cazayous, qui précise que seuls 210 chanceux verront leur souhait se concrétiser.
Comme le prévoit la procédure APB, un tirage au sort pourra départager les candidats, même si cette solution aléatoire ne satisfait personne. Preuve en est avec la décision rendue par le tribunal administratif de Bordeaux, le 16 juin 2016.
Surbooking et Paris sur les capacités
Autre difficulté pour prévoir les effectifs : l'ampleur des désistements des candidats sur APB, sans compter ceux qui ne s'inscriront finalement jamais. Ces situations obligent les universités à pratiquer le surbooking sur Admission postbac, à savoir appeler plus de candidats que de places disponibles.
À l’université de Bourgogne, un surbooking systématique de 10 % est pratiqué pour toutes les filières à la phase 1 d’APB. "Pour les filières 'en tension', comme gestion et Staps-Dijon, nous avons pratiqué, en accord avec le rectorat et avec les composantes concernées, des surbookings supérieurs à 10 %. Nous voulions appeler tous ou le maximum de vœux 1 du secteur, afin de limiter le stress des familles", précise Christelle Serée-Chaussinand, vice-présidente de l'établissement déléguée au cycle licence, qui rappelle que cette collaboration étroite avec le rectorat est la norme depuis quatre ans déjà.
Les licences libres s'y mettent
Même les licences "libres" (sans capacités d'accueil) demandent désormais quelques ajustements de leurs capacités d'accueil. L’université Rennes 1, qui ne compte que des licences de ce type, repérées par une "pastille verte" sur le site APB, a connu un afflux de vœux 1 absolus et relatifs. Ces licences libres ont fait l’objet d’ajustements des données d’appel, compte tenu des capacités des locaux et des taux de désistement constatés les années antérieures (25 % à 30 % selon les filières).
Pour les sciences de la vie, ce sont donc 480 candidats qui ont été appelés pour une capacité d'accueil de 400 places. "Pour la première fois, nous avons dû procéder à une priorisation géographique pour les sciences de la vie, alors que nous avions jusqu'alors un recrutement national", expose Cécile Lecomte, vice-présidente orientation et insertion professionnelle.
Un pari risqué ? "Cette année, on marche sur des œufs concernant le taux de désistement, car la licence à pastille verte, obligatoire pour les bacs généraux, a pu gonfler artificiellement les candidatures", ajoute-t-elle.
des solutions temporaires
Ces paris sur les effectifs se heurtent à la question récurrente des moyens. "On ne peut pas augmenter nos capacités d’accueil : un groupe de 20 étudiants supplémentaires correspond à 500 heures d’enseignement, soit trois emplois d’enseignants-chercheurs, nous n'avons pas les moyens !" déplore Maximilien Cazayous, vice-président CFVU (Commission de la formation et de la vie universitaire).
L’une des pistes explorées : jouer sur l’élasticité de l’emploi du temps. "Nous envisageons d’élargir les plages horaires des cours le soir... Sans aller jusqu’à des cours le samedi", tempère Jean-Pierre Vinel, président de l’université Toulouse 3.
Un joker déjà utilisé à Rennes 1 : "En droit, les TD sont déjà étalés de 8 heures à 20 heures, du lundi au vendredi, et sans compter les samedis matin et après-midi", soupire Cécile Lecomte. L’idée n’est pas d’empêcher qui que ce soit d’intégrer la filière de son choix, mais de tenir compte de nos moyens."
QUid des débouchés ?
Au-delà du problème des capacités d’accueil se pose la question des débouchés. "En psycho, ce serait déraisonnable de prendre davantage d’étudiants, compte tenu du marché de l’emploi", estime-t-on à Paris-Diderot. L’université joue son va-tout avec l’orientation des lycéens : "Nous avons peu d’étudiants pro et techno qui postulent, car lors des journées portes ouvertes et des salons, on les dirige plutôt vers notre IUT", explique Maximilien Cazayous.
Quelques places de gagnées ici et là… Mais ces stratégies cache-misère risquent de ne pas fonctionner bien longtemps. En 2017, on attend 25.500 élèves en terminale générale et technologique de plus qu’en 2016, et près de 4.900 pour la filière professionnelle.
Dès la fin juin, l’Unef va de nouveau mettre en place sa hotline SOS Inscriptions afin d’aider les étudiants à trouver une place dans la filière universitaire de leur choix. "Pour les Staps notamment, nous ferons notre possible pour inscrire les étudiants qui n’auront pas été tirés au sort", annonce Lila le Bas, déléguée générale du syndicat étudiant. "Après les inscriptions, notre point de vigilance sera les bonnes conditions d’études à la rentrée", prévient-elle.