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Apprentissage : quand le formateur devient coach

Jean Chabod-Serieis Publié le
Apprentissage : quand le formateur devient coach
Les missions des formateurs en an alternance évoluent. // ©  Richard DAMORET/REA
Face à la crise que connaît l’apprentissage, les enseignants jouent un rôle central. Les établissements soucieux de l’efficacité de leur pédagogie misent sur leur accompagnement. Au point de considérer les formateurs parfois comme des coachs ou des porteurs de projet.

Alors que la réforme de la taxe d'apprentissage ampute les budgets de certains établissements, que les PME restent boudeuses à embaucher des jeunes, et que les jeunes eux-mêmes sont de moins en moins nombreux (- 8% d'apprentis en 2013, - 3,2% en 2014, - 13% au premier trimestre 2015), les établissements recomposent leur offre.

Si quelques-uns envisagent l'alternance comme un stage géant qui leur permet d'empocher la taxe d'apprentissage, d'autres restent soucieux de préserver et de développer les spécificités de l'alternance : relation triangulaire école-jeune-entreprise, implication personnelle du formateur, pédagogie adaptée... Pour ce faire, accompagner les enseignants dans l'évolution de leurs missions devient de plus en plus primordial.

La dynamique de coach

Jean Saavedra, consultant de projet en éducation, en est convaincu : "Le formateur doit avoir une dynamique de coach avec les jeunes qu'il suit. C'est une vision qui suppose une connaissance complète de l'apprenti, du programme du CFA [Centre de formation des apprentis], du projet de l'entreprise. Il faut rester tout le temps en éveil pour que l'apprenti puisse être mis sur les bons projets qui lui permettront de mettre en application ce qu'il a vu en cours."

Celui qui a fondé et dirigé un CFA à Poissy (Yvelines) et accompagné la création de celui de l'Essec, juge que l'enseignant doit connaître parfaitement la situation de l'apprenti dans l'entreprise, les rapports de force qui s'y jouent et ce qui a été dit lors de la signature du contrat. "Le formateur doit vérifier que le deal initial est bien respecté." Pour que les échanges entre formateurs circulent bien, Jean Saavedra conseille d'organiser régulièrement des rencontres informelles, "ne serait-ce que pour que les informations concernant une même entreprise embauchant plusieurs apprentis circulent."

Le formateur doit vérifier que le deal initial est bien respecté.
(J. Saavedra)

Des porteurs de projet

À l'Upec, Sandrine Cadenat, la chargée de mission alternance, parle des responsables pédagogiques – souvent enseignants eux-mêmes – comme de "porteurs de projet". Peut-être une empreinte directe du marketing qu'elle enseigne par ailleurs. "J'accompagne les porteurs de projet que je considère comme des chefs d'entreprise, parce qu'il faut que leur formation corresponde aux besoins du marché, qu'elle fasse envie aux étudiants. Il y a donc une vraie étude de marché, dans une démarche de création où il faut montrer le modèle financier."

L'Upec, qui a commencé l'alternance en 1990, accueille plus de 2.000 alternants sur 30.000 étudiants ; quelque 90 formations sont proposées en apprentissage et, à la rentrée 2015, ce sont 10 nouvelles formations qui verront le jour "sans nouveau poste d'enseignant". Pour chacune de ces formations, les formateurs/porteurs de projet sont accompagnés et auditionnés par un comité de pilotage dédié, baptisé Copifa, qui regroupe le président de l'université, plusieurs vice-présidents, le responsable de la vie universitaire, ainsi que les directeurs de composantes.

Une équipe référente au service des formateurs

Bien accompagner les enseignants pour bien accompagner les jeunes. Tel est le credo de l'école Vaucanson, une école du Cnam fondée en 2010. Elle a créé une équipe permanente de quatre personnes aux statuts divers (professeur associé, contractuel, ingénieur de recherche, etc.) qui sont référents pour les enseignants. "Nous avons une cinquantaine d'intervenants, justifie Pierre Rieben, le directeur, avec un turnover de 10% chaque année. Tous les ans, l'équipe permanente doit ainsi former cinq nouveaux enseignants à notre méthode d'accompagnement par projet : créer les projets, imaginer la pédagogie adéquate..."

Au fil des trois ans d'alternance (de L1 à L3), et grâce à la pédagogie par projet, les jeunes bac pro que forme l'école évoluent vite afin qu'en troisième année ils deviennent "primo-encadrants" dans leur entreprise et qu'ils puissent mener à l'école un projet ambitieux précédé d'une étude de faisabilité. "Tout cela est accompagné par des enseignants de l'école auxquels nous fournissons des instruments, détaille Pierre Rieben, notamment des fiches thématiques de questionnement sur la négociation, la démarche d'enquête, la recherche de solution."

Nous avons une cinquantaine d'intervenants avec un turnover de 10% chaque année.
(P. Rieben)

Des freins à l'implication des enseignants

S'ils sont outillés et accompagnés, les enseignants ne sont pas nécessairement convaincus par la démarche de l'alternance. C'est ce que constate Sandrine Cadenat, à l'Upec, pour les disciplines qui n'ont pas historiquement la culture de l'alternance, comme les sciences humaines ou certaines spécialités médicales telles que les biosciences ou l'ergothérapie. "Pour ces composantes, je suis davantage présente et j'essaie de diffuser cette culture en m'appuyant sur le doyen ou les directeurs d'UFR, ainsi que sur un ou deux enseignants qui me paraissent avoir une oreille plus attentive."

Ce qui fait réagir Jean Saavedra quant à la posture même de l'enseignant. "Le formateur représente davantage que sa discipline : il représente le programme, l'établissement, il met en œuvre la stratégie du CFA. C'est pourquoi il ne peut pas jouer sa partie comme s'il était un prof de l'Éducation nationale en délivrant juste son cours." Une posture à définir avec la direction elle-même, comme un salarié envisagerait d'intégrer une entreprise.

Jean Chabod-Serieis | Publié le