Vous étiez déjà candidat à votre succession à l'été 2017. Soutenu par le conseil d'administration, vous n'aviez pourtant pas été renouvelé par le ministère. Pourquoi vous représenter ?
Tout d'abord, c'est une motivation personnelle, qui a pris forme au travers de contacts que j’ai eu avec les administrateurs de l’école, les personnels et les responsables d’entreprises. Ces derniers m’ont incité à ne pas quitter le navire, à continuer de proposer un projet pour l’école.
Effectivement, il m’a semblé qu’il y avait un espace pour un projet créant de la valeur pour l'établissement, c’est ce qui m’a poussé à proposer ma candidature cet automne. S'il fait sens, il n'y a pas de raison qu'il ne provoque pas l'adhésion des personnels et de l'ensemble du conseil d'administration.
Quel projet portez-vous pour l’école pour cette nouvelle mandature ?
Mon projet repose sur une triple ambition. Pour commencer, il faut orienter l’activité de l’école vers trois enjeux économiques et sociaux, à savoir l’industrie, la transition énergétique et la santé. 90 % de l’activité de l’école s’orientera vers ces grands enjeux. Ensuite, nous devons transformer l’école grâce au numérique, à la fois dans ce qui concerne la gestion de l’établissement et son processus qualité, ainsi que le numérique pour la formation, avec une place transversale pour la recherche. Enfin, il faut faire en sorte que l’école, seule ou avec d’autres, puisse se retrouver autour de la 200e place dans les classements internationaux, le THE ou le QS, par exemple.
Pour ces trois ambitions, la question des alliances se pose, en tant que moyen pour atteindre une ambition. Ces alliances, importantes pour l'école, sont multiples, comme le groupe des Écoles centrales, l'alliance Centrale-Audencia-Ensa, et, évidemment, les liens avec l'université. Sur ce dernier point en particulier, j’ai fait et je fais toujours partie des directeurs d'établissements qui considèrent que le lien université-grande école est à revisiter.
Quel lien imaginez-vous entre Centrale Nantes et l'université ?
Dans le projet que j’ai présenté, j'ai cité trois raisons essentielles pour lesquelles l’école doit mieux s’associer avec l’université. La première raison : nous devons coopérer sur tout ce qui a trait aux sciences de base, comme les mathématiques, la physique. Une école d’ingénieurs est par définition un établissement à fort contenu scientifique, qui doit s’articuler avec l’endroit où l'on trouve ce qu’il y a de mieux en France sur les sciences de base, à savoir l’université. Dans ce contexte, on pourrait imaginer une organisation inspirée de celle des ENS, les élèves normaliens allant suivre des cours à l’université. Par la qualité de nos étudiants, cela pourrait renforcer l’attractivité des filières sciences à l’université et y amener de la diversité.
On pourrait imaginer une organisation comme celle des ENS, les élèves normaliens allant suivre des cours à l’université.
La deuxième raison : il faut augmenter la taille du périmètre ingénierie dans le cadre de la politique de site. La formation Centrale est avant tout généraliste. Ce qui manque en France aujourd'hui, ce sont des formations spécialisées de haut niveau. C’est plutôt Polytech [école d'ingénieurs interne à l'université] qui porte ces filières. Il y a donc un lien à développer avec Polytech.
La dernière raison : l’université est un partenaire incontournable pour la santé. Sur ce thème précis, aux côtés du CHU (centre hospitalier universitaire), l’école ne peut être qu’un appui aux forces de l’université. Ces trois raisons naturelles justifient une articulation rénovée.
La structuration imaginée l'an dernier autour du projet Isite Next est-elle complètement abandonnée ?
L’organisation imaginée dans le projet Next consistait à verser toute la partie sciences et technologies de l'université dans Centrale, qui rejoignait elle-même l'université. Autant l'école que l'université sont arrivées au constat que cela n’était pas possible. Mais ce n’est pas parce que cette organisation initiale n’est pas tenable qu’il ne faut pas réfléchir à autre chose.
Une fois que l'on a réaffirmé l’intérêt de ce rapprochement, il existe plusieurs pistes de réflexion. Si, sur d’autres sites, certaines Écoles centrales ont trouvé des modèles efficaces et partageables, il n'y a pas de raison que ce modèle, comme à Saclay, ne le soit pas à Nantes. Parmi les pistes de réflexion, on pourrait envisager le modèle de Saclay, ou bien de Lyon ou Marseille, soit transposable à Nantes.
Mais il faut avant tout réaffirmer notre volonté : une construction dans laquelle l'école et l'université se renforcent, sans affaiblir notre proximité avec Audencia et l'Ensa, ainsi que le groupe des Écoles centrales Même si l'équation est un peu compliquée, il n'y a pas de raison que l'on ne trouve pas une solution qui fasse ses preuves. Le ministère le sait bien, il est d'ailleurs en train de concevoir de nouveaux outils, qui ouvriront l'ensemble des possibilités en termes de structuration.
Le nouveau modèle de l'Université Paris-Saclay vous inspire-t-il particulièrement ?
Il est très intéressant, car il repose sur une séparation du premier cycle et des deuxième et troisième cycle. Ensuite, il prouve que des acteurs, tout en restant indépendants en termes de personnalité morale et de rapport à la tutelle, sont capables de coordonner ingénierie et technologies de l’information. Ce modèle peut en effet être une piste de réflexion pour nous. Pour l’instant, nous sommes ouverts à toutes les possibilités et, si besoin, nous trouverons d'autres pistes avec l'université, tout en conservant l'ADN de notre école.
Quel est le calendrier des mois à venir pour vous, avec ce rapprochement à construire ?
Pendant les quinze premiers jours, j'ai besoin de reprendre la main sur l'établissement. Au-delà, nous reprendrons les discussions avec l'université et les autres acteurs du site. Nous avons un objectif à six mois, afin de trouver un mode d'organisation partagé par tous les membres du site. Nous sommes dans une démarche positive et constructive. Il faudra être imaginatifs pour trouver une solution partagée.
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