Le doctorat industriel luxembourgeois ? Un système Cifre repris et amélioré ! Éric Tschirhart le dit avec un large sourire. Le vice-recteur académique de l'université du Luxembourg défend avec ferveur l'initiative mise en place par son établissement en 2008 à la suite d'une sollicitation forte du monde industriel. "Plusieurs entreprises nous ont demandé de réfléchir avec elles à une nouvelle forme de partenariat en matière de recherche", explique l'universitaire. Le doctorat est arrivé assez vite dans la conversation, dans un contexte où la politique du gouvernement prônait un transfert rapide des savoirs et des technologies.
Après une première expérience menée en 2008, la coopération s'est formalisée pour arriver à une organisation bien rodée, financée à 100% par les industriels. Pour une durée de trois ou quatre ans, ces derniers s'engagent à hauteur de 90.000 € au minimum. Cette somme permet de dégager le salaire des doctorants (2.500 € bruts par mois). Les thèmes de recherche sont décidés de concert par l'université et les entreprises. Le recrutement des doctorants se fait ensuite par annonce, en fonction des sujets. Pour un poste offert, l'université reçoit entre 50 et 100 candidatures. "La prise de risque est importante pour nous comme pour l'entreprise, concède Éric Tschirhart. Nous nous devons donc d'être sélectifs."
CDD et statut étudiant pour les doctorants
À l'heure actuelle, 25 étudiants de l'université se sont engagés dans la voie du doctorat industriel. Dix-sept entreprises les accueillent, parmi lesquelles Arcelor Mital, l'ESA (Agence spatiale européenne), Goodyear ou encore la société européenne de satellite (SES) Astra. Les élèves conservent leur statut étudiant et bénéficient d’un contrat à durée déterminée, signé directement avec l’entreprise partenaire ou avec l’université – qui reçoit alors de la part de l’industriel le salaire du doctorant. "Pour assurer leur suivi, un comité d'encadrement de thèses a été mis en place, constitué de deux personnels académiques et d'un industriel, explique le professeur. Tous les six mois, un point d'étape est réalisé."
Les questions de droit de la propriété intellectuelle (PI) sont également posées en amont, pour éviter toute mauvaise surprise. En la matière, la répartition est claire : 50% des droits de PI vont au chercheur. "Une position très anglo-saxonne", admet Éric Tschirhart.
Objectif : 10% de doctorats industriels en 2016
Pour l'instant, seuls les domaines des technologies de l'information, de la construction et de l'ingénierie sont concernés. "Nous souhaitons ouvrir le doctorat à la finance, au droit et aux biotechnologies", explique le vice-recteur, conscient que l'initiative s'adresse à des entreprises pouvant se permettre de débloquer une somme conséquente, et ayant une visibilité à quatre ans.
D'ici à 2016, l'université entend atteindre 10% de doctorats industriels parmi les quelque 600 doctorants accueillis en son sein. Une dynamique qui va dans le sens de la politique fixée par le gouvernement luxembourgeois. Aujourd'hui, l'établissement est financé à 70% par l'État et à 30% par des fonds extérieurs (Commission européenne, fonds de recherche, partenariats industriels, etc.)... Avec l'objectif d'infléchir la balance pour réduire la part étatique. "À l'image d'un magasin d'habits qui ne peut pas vendre des doudounes toute l'année sous peine de passer plusieurs mois de l'année sans activité, il est essentiel que nous diversifiions nos sources de financement", conclut Éric Tschirhart.