Le Brexit, un mal pour un bien ? Sans aller jusque-là, la perspective de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, d'ici 2019, agite la sphère universitaire franco-britannique. Le 14 février 2017, la Comue Université Paris-Seine, qui regroupe 15 membres, dont l'Essec et l'université de Cergy-Pontoise, a lancé un appel à manifestation d'intérêt en direction des universités britanniques.
"Avec le Brexit, nul ne peut prédire ce que sera le sort des universités britanniques après 2019, détaille Anne-Sophie Barthez, présidente de la Comue. Elles ne devraient plus bénéficier des fonds européens après cette date. Dans ce contexte, certaines envisagent de développer des filiales en Europe." De quoi inciter la Comue à jouer sa carte, en attirant des partenaires d'outre-Manche.
"PAS UNIQUEMENT UNE OPÉRATION IMMOBILIÈRE"
Cet appel, mis en place en collaboration avec les collectivités territoriales (Région Île-de-France, département du Val-d’Oise, communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise), consiste à proposer aux universités britanniques de venir s'installer sur le futur campus international de Cergy-Pontoise dans le cadre d'un partenariat académique et scientifique.
Les universités britanniques bénéficieraient d'installations et des services du campus dans une optique de formation et de recherche. Quelle forme prendrait cette implantation ? "Nous imaginons des filiales, mais nous sommes ouverts aux discussions, indique Anne-Sophie Barthez. Notre seule exigence est d'avoir avec ces universités une coopération scientifique, que cela ne soit pas uniquement une opération immobilière."
Notre seule exigence est d'avoir avec ces universités une coopération scientifique, que cela ne soit pas uniquement une opération immobilière.
(A.-S. Barthez)
L'appel à idées, qui doit durer jusqu'au 14 juillet, a pour but de "comprendre les attentes de chacun, afin de lancer ensuite un appel à projet", souligne Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'Essec. "À ce stade, nous avons défini une philosophie de coopération, placée sous le signe de l'excellence. Tout le reste se détaillera dans le cadre d'échanges", poursuit-il, en espérant parvenir à mettre en place notamment des doubles diplômes et des échanges d'étudiants.
Les résultats de l'appel à idées seront rendus publics le 14 septembre 2017. Suivra la phase d'appel à projets, avant que les dossiers retenus ne soient dévoilés début 2018. "D'ici un an, nous aimerions avoir identifié une ou deux universités, pour démarrer la phase d'implantation. Cela peut ensuite aller très vite, surtout si les établissements partenaires souhaitent s'implanter dans des bâtiments déjà existants, car nous aurons du foncier disponible", précise Anne-Sophie Barthez.
l'isite dans les têtes
"C'est une très bonne initiative, unique en son genre", estime ainsi Jean-Luc Nahel, chargé de mission Europe à la CPU (Conférence des présidents d'universités). "Nous en avons discuté avec nos partenaires britanniques et ils se montrent intéressés", assure Jean-Michel Blanquer.
Mais la date choisie pour lancer ce projet n'est pas anodine. Avec cet appel, Anne-Sophie Barthez espère augmenter les chances de sa Comue dans la course finale à l'Isite. L'Université Paris-Seine fait partie des neuf regroupements finalistes, qui seront fixés sur leur sort le 24 février. "Notre ambition, dans le cadre de l'Isite, est de construire une recherche internationale classée parmi les 200 meilleures du monde dans 10 ans et dans les 100 meilleures dans nos domaines (économie, finance et management). L'accueil d'universités étrangères va dans ce sens. Mais si notre dossier Isite n'est pas retenu, ce projet se poursuivra tout de même", insiste-t-elle.
Selon The Telegraph, lors d'une rencontre avec des responsables de la Comue Université Paris-Seine début février, les universités d'Oxford et de Warwick auraient exprimé leur envie de répondre à l'appel de la Comue. Contactée par EducPros, Oxford assure avoir "reçu plusieurs propositions constructives et utiles de la part d'établissements européens depuis le vote du Brexit", mais ajoute "ne pas poursuivre l'idée d'un modèle d'un campus à l'étranger".
Jean-Michel Blanquer, qui confirme que ces rencontres ont bien eu lieu, précise que celles-ci ne portaient "pas uniquement sur ce thème-là et s'inscrivaient au milieu d'autres rencontres avec d'autres établissements britanniques." Le directeur de l'Essec ajoute que, "même si nous avons senti un intérêt, aucun engagement n'a été pris de la part de ces universités."
"Il est unique, à la fois dans la ville et à proximité de la campagne et des grands lacs de Cergy", s'enthousiasme Anne-Sophie Barthez. Lancé en 2015 par la Comue, l'université de Cergy-Pontoise et l'Essec, à terme, ce projet de futur campus international regroupera logements étudiants, lieux de recherche et équipements sportifs. Sur deux kilomètres carrés, il sera installé dans un triangle compris entre le site universitaire de Saint-Martin à Pontoise, celui de Neuville-sur-Oise et Port-Cergy.
La première phase de construction devrait se terminer en 2019. Des bâtiments sont déjà sortis de terre, un fablab ouvrira en mars 2017 et, d'ici à 2019, un centre d'innovation et d'entreprenariat, un learning center ainsi qu'un bâtiment pour l'IUT de l'université de Cergy-Pontoise verront le jour.
Après 2019, la deuxième phase consistera, selon Anne-Sophie Barthez, à "s'approprier les atouts naturels du site, les berges de l'Oise et les grands lacs notamment, afin de développer d'activités sportives, culturelles et de loisir."