"Twitter dynamise la soutenance de projets : les étudiants n'ont plus à attendre la fin de la présentation par leurs camarades pour poser des questions." Fin 2013, Gilles Certhoux, professeur d'entrepreneuriat à l'école de management Audiencia Nantes, a expérimenté la plate-forme de microblogging pour rendre les présentations de projets de ses élèves plus interactives. Résultat : trois à quatre fois plus de questions posées aux intervenants qu'en format traditionnel (8 minutes de présentation suivies de 10 minutes de questions-réponses).
Un dispositf interactif 2.0
Dans le cadre de leur cours d'initiation à l'entrepreneuriat, en deuxième année du programme grande école, chaque groupe d'étudiants devait présenter devant les autres un projet de business plan de création d'entreprise. Le dispositif mis en place comprenait un premier vidéoprojecteur utilisé par les étudiants pour faire leur présentation sur PowerPoint.
Un second écran permettait de faire défiler les questions qu'envoyaient sur Twitter les autres groupes d'étudiants via des comptes créés spécialement pour l'occasion. Le professeur avait donné comme consigne aux étudiants présentant leur projet de répondre instantanément aux questions qui surgissaient en cours de présentation.
3 à 4 fois plus de questions qu'en mode traditionnel
Sept classes (268 étudiants en tout) ont testé cette pédagogie 2.0. Le gros avantage du recours au réseau de microblogging ? "L'auditoire est moins passif. Il pose plus de questions via le fil Twitter que quand il doit lever la main", observe Gilles Certhoux. Les étudiants assistant aux présentations de leurs camarades ont posé 3 à 4 fois plus de questions qu'en mode traditionnel et sont allés plus en profondeur dans leurs questions.
Après expérimentation, l'enseignant a envoyé un questionnaire à tous les étudiants pour obtenir leur retour d'expérience. Résultat : 95% ont trouvé la soutenance de projets plus dynamique et se sont sentis plus concernés. Un vrai plébiscite. "L'introduction des réseaux sociaux dans le cours fait découvrir aux élèves un usage collaboratif de ces outils alors que l'usage qu'ils en ont est souvent individuel et centré sur eux-mêmes", estime Gilles Certhoux.
Une autre professeure d'Audencia Nantes a expérimenté de son côté Scoop.it, un outil de veille et de partage d'information, dans le cadre de ses cours de droit pour remplacer les études de cas traditionnelles. "Scoop.it a permis aux étudiants d'intégrer certains concepts plus facilement qu'avec des études de cas classiques", estime Claire Champenois, enseignante de management, organisation et droit.
Des précautions à prendre
Mais avant de doper ses cours aux réseaux sociaux, encore faut-il s'assurer que les étudiants connaissent les outils, et éventuellement réserver un peu de temps pour les former. En effet, 53% des étudiants de Gilles Certhoux n'avaient – à sa grande surprise – jamais utilisé Twitter. "Ils ont beau avoir entre 20 et 23 ans, tous ne sont pas utilisateurs. Je ne l'avais pas anticipé. D'où une certaine inertie au démarrage du cours dans certains groupes."
Attention aussi aux problèmes techniques, prévient également l'enseignant. L'expérience d'Audencia montre la nécessité de s'assurer en amont auprès du service informatique de son établissement qu'il y aura, par exemple, assez de bande passante ou que les bornes wi-fi seront suffisantes. Car l'intérêt d'utiliser Twitter est que les questions arrivent en temps réel. Il serait dommage que le système rame et remette en cause l'innovation pédagogique.
Comme nombre d'écoles, Audencia Nantes dispose déjà de la panoplie classique des outils digitaux : une plate-forme numérique pédagogique (Blackboard), un outil de Web conférence pour réaliser des classes virtuelles et les inévitables MOOCs pour partager les connaissances.
"L'utilisation des réseaux sociaux comme outils pédagogiques prépare nos étudiants à l'usage qu'en font les entreprises", estime Emmanuelle Bernardin, professeure en système d'information et responsable de la cellule d'innovation pédagogique de l'école de management.
L'autre intérêt, selon elle, est aussi la mise en place d'une forme d'apprentissage collaboratif entre étudiants, ce fameux "social learning", concept d'éducation en plein développement. "Le 'social learning' est très apprécié des étudiants qui s'engagent d'autant plus dans un enseignement qu'ils ont le sentiment de contrôler leur apprentissage", conclut Emmanuelle Bernardin.