Alors que la licence fait l’objet d’une réflexion ministérielle (un comité d'orientation devrait rendre ses conclusions dans les prochaines semaines), la question du premier cycle figurait au cœur des débats du colloque annuel de la Conférence des présidents d’université, qui s’est déroulé du 11 au 13 mai à Toulouse. En séance plénière, dans l’après-midi du jeudi 12 mai, plusieurs orateurs ont développé le thème de l’innovation en licence.
"Les établissements n’utilisent pas encore à plein les potentialités du LMD" (JP Korolitski)
Jean-Pierre Korolitski, inspecteur général, tout en expliquant les bienfaits de la mise en place du LMD (licence-master-docotrat), a estimé qu’il fallait aller encore plus loin. "Les établissements n’utilisent pas encore à plein les potentialités du LMD pour diversifier encore plus les formations et s’adapter à des publics différents", a-t-il déclaré. Les universités pourraient par exemple assouplir le rythme d’apprentissage pour les jeunes salariés ne pouvant étudier qu’à temps partiel. Surtout, Jean-Pierre Korolitski considère qu’il faut associer et motiver les enseignants comme les établissements dans cet effort d’innovation. Une façon de responsabiliser les universités serait, selon l’inspecteur général, d’en finir avec les habilitations périodiques de la licence. "Peut-on imaginer réellement qu’une université ne soit pas habilitée à délivrer une licence ?", a-t-il interrogé. Passer d’un système d’habilitation a posteriori serait une façon de "leur faire confiance et de les responsabiliser pour leur permettre d’innover plus".
Éclairage international
Andrée Sursock, senior adviser à l’EUA (Association des universités européennes), a apporté un éclairage international sur la question de l’innovation. Elle a, à son tour, souligné l’importance du rôle des enseignants-chercheurs. "Les universités étrangères les plus innovantes sont celles qui disposent d’un service universitaire de pédagogie solide", offrant des ressources documentaires, expertise ou possibilités de formation aux professeurs.
Expliquant que le repérage des bons enseignants passait par l’évaluation, la représentante de l’EUA est revenue sur la réticence des universitaires françaises en la matière. "Plutôt que de parler d’évaluation des enseignants, on préfère parler chez vous d’évaluation des enseignements", a-t-elle pointé.
Des licences « à exigences renforcées »
"Le succès des universités françaises n’est pas assez célébré dans les médias" (A. Sursock)
"Le succès des universités françaises n’est pas assez célébré dans les médias, a par ailleurs jugé la représentante européenne. La CPU devrait mieux expliquer au public français les réussites de ses établissements." Andrée Sursock a notamment cité un article de letudiant.fr, "Pourquoi la France n’a pas permis l’émergence d’un Marc Zuckerberg ?" avec des témoignages d’étudiants sur le trop grand formatage des classes préparatoires et le manque de flexibilité pédagogique des grandes écoles. "Ce bilan plutôt négatif du système des grandes écoles constitue une chance pour les universités qui devraient s’en saisir", a fait valoir la représentante de l’EUA. Quelques minutes plus tôt, Jean-Pierre Korolitski avait quant à lui défendu l’idée de "licences à exigences renforcées" destinées à attirer les "très bons bacheliers et à rehausser l’image de l’université". Une "priorité" déjà mise en œuvre dans certaines universités, comme Paris 2-Assas (avec son collège de droit), dirigée par le premier vice-président de la CPU…
Absence d’équipe pédagogique
"En France, la notion d’équipe pédagogique est inexistante à l’université" (G. Raby)
"En France, la notion d’équipe pédagogique est inexistante à l’université", a relevé Gilles Raby, président du comité de suivi de la licence et de la licence professionnelle. Cet enseignant de l’université de Poitiers a cité l’exemple de l’université de Lausanne qui a créé un fonds d’innovation pédagogique. "Et pourquoi ne pas imaginer un appel national à projets, piloté par une agence nationale de la pédagogie sur le modèle de l’ANR [Agence nationale de la recherche] ?", a-t-il lancé à l’assistance de l’atelier intitulé "Vers une évolution des pratiques pédagogiques".
Autre proposition de Gilles Raby : prendre en compte l’activité de formation dans l’avancée des carrières et dans le passage du statut de maître de conférences à celui de professeur. Pas sûr que cette proposition soit de nature à faire avancer les choses. Car, à entendre les remarques du public, il semble bien que la question de la pédagogie dans l’enseignement supérieur soit encore un gros mot. Comme l’a bien résumé une représentante du SGEN CFDT, "en France, le terme de pédagogie est réservé à l’enseignement primaire".