Anticiper, planifier, diversifier. Telle est, en résumé, la ligne de conduite commune des écoles consulaires face à la diminution des budgets des CCI dont elles dépendent historiquement. Une baisse qui se confirme au fil des années. "Les ressources fiscales des CCI vont diminuer de 32% entre 2014 et 2017", souligne Patrice Guézou, directeur de la formation de CCI France.
À cette baisse des recettes fiscales est venue s'ajouter, en 2014 et 2015, une ponction importante de l'État sur les fonds de roulement des chambres. "On parle de 170 millions en moins en 2014 et 500 en 2015 !" poursuit Patrice Guézou, tout en précisant que "ces baisses ont été diversement répercutées sur les écoles selon les différentes chambres".
Alors qu'un rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale demande à l'État de mettre fin aux prélèvements sur les fonds de roulement, afin de donner une meilleure visibilité sur les recettes fiscales des chambres, la donne budgétaire ne devrait pas changer fondamentalement en 2016. Ce qui pousse aujourd'hui la plupart des écoles consulaires à construire des stratégies d'autonomisation, à un rythme plus ou moins soutenu.
Sortir des effectifs des CCI
Participant clairement de ce mouvement, la mise en place d'associations gestionnaires permet notamment de sortir les salariés des écoles des effectifs des CCI, et donc de limiter l'impact des baisses de budget sur les équipes.
C'est le choix qu'ont fait notamment l'ESC Dijon, mais aussi Neoma (issue de la fusion de l'ESC Rouen et de Reims EM), et plus récemment les ESC Clermont et Brest, rescapées du naufrage de France Business School.
"L'association groupe ESC Clermont a été fondée en juin 2015. Son directoire et son conseil de surveillance intègrent plusieurs parties prenantes : la CCI du Puy-de-Dôme, la CCI de Région, mais aussi des entreprises, des experts et même des diplômés. Une étape qui s'inscrit clairement dans un processus d'autonomisation juridique, social et financier", explique Françoise Roudier, directrice de l'ESC Clermont.
Dans le cas de Clermont, les CCI impliquées ont décidé d'un effort exceptionnel sur les trois prochaines années, afin de remettre en route l'école : ce soutien représentera entre 15 et 20% du budget global de l'école.
Notre politique est d'être à termes le moins dépendants possibles des subventions publiques.
(F. Roudier)
Même schéma à Brest, où la CCI Brest Métropole a fait le choix de s'investir dans les trois prochaines années pour maintenir l'ESC Brest, avec la chambre régionale, membre de l'association gestionnaire.
"L'idée est de refinancer l'école, qui est un axe stratégique pour le territoire, car elle permet de garder des centres de décision et les cadres qui vont avec, ici, à Brest", souligne Mériadec Le Mouillour, directeur de la chambre. Résultat : un soutien à hauteur d'environ 25% du budget global de l'école, qui devrait passer à 12%, voire 10%, d'ici la fin des trois ans.
Être moins dépendant des subventions
Si le cas de ces deux écoles est particulier, en raison de leur obligation de rebondir après l'éclatement de France Business School, l'objectif affiché reste malgré tout celui de l'autonomie : "Notre politique est d'être à termes le moins dépendants possibles des subventions publiques", souligne Françoise Roudier, à Clermont.
Une évolution déjà bien en marche dans d'autres écoles, qui doivent faire face à une baisse très importante du soutien de leur chambre de référence. "La subvention de la CCI n'a cessé de diminuer : elle représentait 2 millions sur les 12 millions du budget global en 2009, contre 1 million sur 18 aujourd'hui", rappelle Stéphane Bourcieu, directeur de l'ESC Dijon. "La baisse a été de 400 000 euros rien qu'entre 2014 et 2015, en raison de la ponction de l'État !"
À Neoma, les deux CCI (Rouen et Reims) ont, pour leur part, mis fin à toute subvention directe en 2015. "L'apport des CCI représentait 6 à 7% du budget global, nous avons fait de gros efforts de gestion pour améliorer la productivité, nous avions anticipé", explique Franck Bostyn, le directeur.
Un effort sans impact sur la pédagogie, puisque le volume salarial lié à l'enseignement n'a cessé d'augmenter depuis la fusion entre les deux écoles.
Des CCI actionnaires, des écoles propriétaires
À côté des efforts de rationalisation, Neoma comme d'autres écoles cherche à diversifier ses sources de revenus, notamment par le fundraising, mais aussi et surtout en visant le nouveau statut d'EESC (École d'enseignement supérieur consulaire), rendu possible par la loi du 20 décembre 2014, et dont plusieurs textes sont venus préciser les modalités récemment.
"L'accord sur la fusion prévoyait déjà une étude de faisabilité sur le passage au nouveau statut, nous allons la mettre en œuvre", explique Franck Bostyn. La CCI de Rouen a d'ores et déjà prévu d'investir dans la future structure.
"Nous avons fait une avance de trésorerie à l'école, d'un montant d'un million d'euros, qui sera transformée en actifs immobiliers", précise Dominique Bécard. Cette avance constituera notre part du capital, et Neoma deviendra propriétaire de ses murs."
Idem à l'ESC Dijon, qui a fait partie des premières écoles à acter le passage au nouveau statut, et qui prévoit également une participation de la CCI au futur capital sous la forme d'actifs immobiliers.
Ouvrir le capital aux entreprises
"Nous attendons des détails de Bercy sur la question de la fiscalisation, et donc le passage au nouveau statut est reporté à janvier prochain, indique Stéphane Bourcieu. Le statut nous permettrait de devenir propriétaires des locaux."
À terme, à l'ESC Dijon comme à Neoma, la perspective est d'ouvrir le capital à des entreprises. "Il s'agirait des entreprises du territoire, qui peuvent y trouver un intérêt", précise Stéphane Bourcieu.
Un mouvement rejoint par plusieurs autres écoles qui ont annoncé leur désir d'adopter le nouveau statut : HEC, Toulouse Business School, GEM et l'ESCP Europe.