"Nous aurons, à la rentrée, deux jeunes qui iront en Hongrie et deux autres en Italie, pour se former, durant six à douze mois, aux métiers de cuisinier et de serveur", se réjouit Thierry Dupin, directeur du CFA (Centre de formation d'apprentis) Maison familiale rurale de Vendée. Ce dernier fait partie des 36 centres de formation d'apprentis issus de 14 pays de l'Union européenne qui testeront, à la rentrée 2016, la mobilité longue des apprentis. Ce consortium bénéficie du soutien des Compagnons du Devoir et du Tour de France.
"Les centres de formation ont travaillé plus d'un an pour concrétiser l'ambition de Jean Arthuis, député européen, de donner aux apprentis des possibilités équivalentes à celles des étudiants en matière de mobilité", explique Antoine Godbert, président de l'Association pour la mobilité longue des apprentis en Europe et ancien directeur de l'agence Erasmus + pour la France.
Fin juin 2016, la Commission européenne a validé l'initiative et budgété 786.000 euros de financement ad hoc pour la soutenir durant dix-huit mois.
Parmi les 36 centres de formation participant à l'opération, près de la moitié sont des CFA français. Si cette première année est considérée comme une phase de test, l'objectif est, dès l'année prochaine, d'augmenter le nombre de structures partenaires et d'étendre l'opération à tous les niveaux de formation.
28 jours de mobilité pour les apprentis, un semestre pour les étudiants
Chaque année, le programme Erasmus + permet déjà à 4.500 apprentis français de niveau IV et V de partir vivre une expérience qualifiante en Europe. Mais la durée moyenne de cette mobilité est très courte, souvent moins de 28 jours, quand les jeunes étudiants partent au moins un semestre, voire deux.
"Il y a deux ans, nous avons bien créé un Brevet professionnel européen maçonnerie. Mais l'apprenti vit seulement deux semaines de mobilité par an durant les deux ans de sa formation ", regrette Philippe Dreyfus, directeur du CFA-BTP de Loire-Atlantique.
Pour les promoteurs de la mobilité longue des apprentis en Europe, il existe, de fait, une rupture d'égalité entre apprentis et étudiants traditionnels. "Il nous manque un cadre juridique au niveau européen", confie Antoine Godbert. Et ce dernier de reconnaître que l'expérimentation n'est pas facile à mettre en place : chaque pays a son système d'apprentissage, le droit du travail et celui de la formation ne sont pas harmonisés au niveau européen...
Sans compter que le système européen ECVET de crédits d'apprentissage pour l'enseignement professionnel – devant assurer la transparence et la lisibilité des diplômes professionnels entre les pays – connaît, selon les principaux intéressés, une mise en œuvre moins aisée que pour les crédits ECTS, destinés aux étudiants. La route vers un "Erasmus des apprentis" aussi populaire celui des étudiants risque d'être encore longue !
Fin 2015 a été lancé un autre projet pilote privé d'"Erasmus des apprentis", porté par 11 grandes entreprises françaises et allemandes (Allianz, Michelin, Basf, Danone, Siemens, L'Oréal, BNP-Paribas, Engie, Airbus, Safran), et soutenu, en France, par les ministères de l'Éducation nationale et du Travail et le secrétariat d'État aux Affaires européennes.
Le projet consiste en l'échange d'apprentis au sein de ces groupes ayant des filiales de part et d'autre du Rhin. Cette initiative privée concerne une cinquantaine de jeunes de niveau IV (bac pro) et III (BTS) et porte sur une mobilité de deux ou trois mois.
Erasmus + et l' OFAJ (Office franco-allemand de la jeunesse) financent une bourse de mobilité et des cours de langue pour les jeunes engagés dans ce programme.