"Dans un secteur, le numérique, en perpétuelle mutation, l’enjeu majeur pour un développeur en herbe consiste à maîtriser les bons outils au bon moment. Plutôt que de suivre d’un bloc un cursus de cinq ans – dont une partie des technologies enseignées risque de se périmer avant l’entrée sur le marché du travail – pourquoi ne pas privilégier les allers-retours entre des formations intensives, très pratiques, et des expériences en entreprise ?", suggère Anna Stépanoff, à la tête de la Wild Code School, un réseau de dix écoles fondé sur une pédagogie par projets.
Vu le poids social très fort du diplôme initial sur les carrières, ce discours peut certes encore paraître original, mais il n’est plus marginal, selon l’experte en éducation. L’un des catalyseurs de cette évolution : la GEN (Grande école du numérique). Visant à ouvrir à des décrocheurs ou demandeurs d’emploi ces métiers d’avenir, toujours en quête de talents, cette initiative a permis, depuis février 2016, à 400 formations d’obtenir une reconnaissance de l’État, assortie d’un soutien financier. Dans le cadre du volet numérique du Plan d’investissement par les compétences, lancé ce jeudi 5 avril 2018, de nouvelles aides vont d’ailleurs être débloquées (lire notre encadré).
Une évolution des mentalités
"La Grande école du numérique a mis en lumière ces nouvelles manières de se former et aidé les cursus courts à entrer dans les mœurs. Alors que la Wild Code School envisage de se développer à l’international, nous nous apercevons qu’il y a un vrai savoir-faire en France – et même un peu d’avance – en matière de pédagogies innovantes", renchérit Anna Stépanoff.
De fait, le réseau affiche une grande diversité, avec des parcours de 3 mois à 32 mois, souvent centrés sur la programmation, mais dédiés pour certains à la gestion de projet ou au marketing. "60 % des formations labellisées sont nouvelles et elles irriguent tout le territoire", se félicite Samia Ghozlane, directrice de la GEN, notant que le taux de 20 % de femmes dans les promotions tend vers l’objectif de départ de 30 %. Quant aux moins de 26 ans éloignés de l’emploi, ils représentent 31 % des promotions – contre 50 % espérés initialement.
"Je ne sais pas dans quelle mesure le label GEN est identifié par les jeunes, reconnaît Mathilde Chaboche, qui accueille dans les promotions de Passerelle Numérique, une formation portée par Centrale Marseille - auparavant appelée SimplonMars - un tiers de décrocheurs, un tiers de bacheliers et un tiers d’étudiants ayant abandonné à l’université ou en BTS. Mais les conseillers et médiateurs qui guident les jeunes au sein des écoles de la deuxième chance ou des missions locales ont changé de perspective. S’ils pouvaient juger auparavant l’informatique comme un horizon hors d’atteinte, ils ont découvert ces autres voies d’accès et les recommandent."
Une recherche de lisibilité
La reconnaissance institutionnelle a fait bouger les lignes, reste à poser des points de repère dans ce réseau foisonnant. Face à la diversité des intitulés, la GEN s’est lancée dans un référentiel de métiers et de compétences qui devrait être publié en interne d’ici à septembre 2018. Mais se pose aussi la question d’une évaluation des différentes initiatives et de leur efficacité réelle : "Peut-être le temps est-il venu aujourd’hui de faire un bilan avec des audits de terrain, pour asseoir la crédibilité du label. Pour l’heure, les statistiques d’insertion affichées dans le rapport d’activité de la GEN reposent sur des déclarations des écoles elles-mêmes", observe Sophie Viger, directrice de la Web@cadémie et de la Coding Academy, portées par Epitech.
Peut-être le temps est-il venu aujourd’hui de faire un bilan avec des audits de terrain, pour asseoir la crédibilité du label.
(S. Viger)
D’ici à la fin du premier semestre, un nouvel état des lieux devrait déjà permettre de savoir quels sont les cursus qui connaissent un essor et quels sont ceux qui auraient mis la clé sous la porte. Toujours est-il que certains ont engagé leurs propres démarches de certification. 18 % des membres du réseau sont inscrits au RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles). Passerelle Numérique sanctionne son cursus par un diplôme d’établissement, tandis que l’UHA 4.0, portée par l’université de Haute-Alsace, permet d’accéder à une licence professionnelle en développement informatique.
"Les employeurs du secteur numérique déplorent régulièrement le manque de vocations, mais ils ont tendance à se focaliser sur les masters. Localement, chaque fois que je le peux, je les incite à se tourner aussi vers des bac+2 ou 3, quitte à envisager des formations complémentaires", note Pierre-Alain Muller, directeur de l’UHA 4.0, qui souhaiterait aussi que le label GEN donne directement droit à l’inscription au RNCP, afin d’ouvrir sans tarder les cursus à l’apprentissage – modalité appréciée par leurs partenaires économiques.
Du côté de Webforce 3, on espère aussi un mode de financement plus clair de la formation professionnelle : "Parmi les candidats reçus à nos tests d’entrée, les deux tiers ne s’inscrivent finalement par faute de prise en charge", note son président, Alain Assouline. Sur ce point précisément, le plan "10.000 formations pour le numérique" qui vient d’être enclenché devrait apporter des recours.
Un nouvel appel à labellisation pour la GEN
À l’occasion du lancement du plan "10.000 formations au numérique", jeudi 5 avril 2018, la Grande école du numérique a annoncé l’ouverture d’un nouvel appel à labellisation, dans le cadre du plan d’investissement compétences, piloté par le ministère du Travail. L’appel est ouvert à partir du 5 avril 2018 avec une échéance au 21 juin 2018. Une seconde vague pourra être lancée à la rentrée 2018 en fonction des résultats de la première vague notamment en matière de couverture des métiers en tensions et de couverture territoriale des formations qui seront labellisées, précise l’institution.