À Toulouse 2 Jean-Jaurès, c'est "non". Les 32.400 étudiants et 2.100 personnels, consultés ces 6 et 7 décembre 2017, étaient appelés à se prononcer sur le projet de nouvelle candidature à l'Idex. 53 % des personnels et 15 % des étudiants se sont exprimés.
Résultats ? 92 % des étudiants et 68 % des personnels ont émis un vote défavorable, même avec l'alternative d'une période transitoire où Toulouse 2 conserverait sa personnalité juridique. Si le vote du conseil d'administration va dans ce sens le 12 décembre 2017, "le projet sera certainement plombé", déclare le président de l'établissement, Daniel Lacroix. Deux jours plus tôt, le conseil académique s'était pourtant prononcé pour, à 44 voix contre 17.
Quatre des six membres fondateurs de la Comue (Communauté d'universités et d'établissements), les universités Toulouse 2 et 3, l'INP et l'Insa, se sont en effet lancés à la reconquête de l'Idex avec un projet d'université intégrée, projet qui doit être déposé le 18 décembre 2017, sous réserve qu'il soit validé par l'ensemble des conseils d'administration. Celui de Toulouse 3 a validé le projet, avec 26 voix pour et 3 contre, ceux de l'INP et de l'Insa n'ont pas encore eu lieu.
Si les établissements regagnaient le label pour lequel ils seraient auditionnés en mars 2018, l'Université de Toulouse pourrait être constituée en janvier 2019.
Un modèle qui contraindrait les facultés à "mendier", selon la CGT
Ce qui "coince", une nouvelle fois : la question de la personnalité morale. Si l'INP et l'Insa la conserveraient, Toulouse 2 et Toulouse 3 la perdraient. Du côté des personnels de Jean-Jaurès, ce sont des craintes sur leurs conditions de travail et la réorganisation des services qui prédominent, du côté des étudiants, ce sont la possible mise en place d'une sélection ou l'augmentation des droits d'inscriptions.
Et même si le fonctionnement devrait s'apparenter à de la "copropriété", assure Jean-Pierre Vinel, le président de Toulouse 3, la possibilité de voir fondre les financements des SHS au profit de ceux des filières techniques et d'ingénierie est un autre sujet d'inquiétude. Ainsi, pour la Ferc Sup-CGT, ce "modèle de gouvernance autocratique" ne pourra donner naissance qu'à un établissement régional "tout puissant", qui "placera de facto les facultés au rang de 'collégiums', contraints chaque année à mendier l'argent nécessaire à leur fonctionnement".
Même si cette consultation, unique sur le site, ne vaut pas décision, Daniel Lacroix indique vouloir tenir compte "des inquiétudes qui se sont manifestées" dans les futurs statuts. "Nous ne pourrons pas infléchir les grandes lignes, comme, à terme, la perte de personnalité morale ou le schéma d'évolution prévoyant la création de plusieurs collèges", précise-t-il. En revanche, les marges de manœuvre pourraient porter sur la gestion des emplois et le budget : "Les collèges pourront-ils garder des enveloppes préfléchées ? Pourront-ils conserver également un plafond d'emplois ?"
Un projet sans l'Isae et Toulouse 1
L'ISAE-SupAero et l'université Toulouse 1 Capitole se sont eux retirés du projet depuis octobre 2017, la délégation de certaines compétences à la future université de Toulouse n'ayant pas réussi à remporter l'adhésion. "Toulouse 1 voulait travailler notamment sur un périmètre plus restreint, autour des masters et des doctorats sur le modèle de TSE (Toulouse School of Economics)", rappelle Jean-Pierre Vinel. Corinne Mascala, la présidente d'UT1, ne voyait pas "comment construire un niveau d'excellence sur un périmètre incluant 100.000 étudiants" et ne voulait pas non plus d'une "fusion" et d'un "mastodonte ingouvernable".
Intégration pourtant incontournable pour décrocher l'Idex, estime Jean-Pierre Vinel. "Il s'agit d'envoyer un signal fort au jury", poursuit-il, "alors que c'est la modification du précédent projet qui avait fait perdre ce label en avril 2016". Label également indispensable pour constituer "une université de rang mondial", puisqu'elle permettrait, selon lui, de faire monter l'université de Toulouse au 95e rang dans le classement de Shangai, alors qu'à ce jour, son université n'y figure qu'au 236e rang. Il reste dix jours aux équipes dirigeants pour mettre tout le monde d'accord et déposer le dossier.
Les partenaires se sont donnés quatre ans pour réussir la "transformation en université intégrée de plein exercice". L'année 0, 2019, démarrerait par l'élection du président de l'Université de Toulouse par un conseil d'administration "stratégique", composé de 30 membres. La principale modification au démarrage consisterait à transformer les deux universités en "collèges" (comme l'Insa et l'INP). Chapeautées par l'UT, elles conserveraient les mêmes périmètres et les mêmes instances mais perdraient certaines prérogatives transférées à l'UT : la délivrance et signature unique des diplômes, la maîtrise du budget, le recrutement, ainsi que la stratégie de formation et de recherche.
Ce niveau disparaîtrait à quatre ans plus tard pour laisser place à sept collèges en lieu et place de plus de vingt composantes : un collège unique d'ingénierie regroupera l'INSA et l'INP, un autre les IUT, auxquels s'ajouteront une faculté des humanités et des SHS, une d'éducation, une de santé, une de sciences, et, enfin, un collège constitué par l'Observatoire Midi-Pyrénées. À ces quatre "fondateurs" s'ajouteraient "les membres du consortium Idex" : CNRS, Inra, IRD, Inserm, CNES, Onera, Météo France, la société Cerfacs et le CHU de Toulouse. L'UT se doterait d'une gouvernance propre à l'Idex, dont le directeur serait un vice-président élu.