1,5 milliard d’euros sur la durée du quinquennat. En annonçant, le 29 mars 2018, le plan d’action de la France en matière d’intelligence artificielle, Emmanuel Macron a dévoilé le budget consacré à ce chantier d’envergure nationale. Si l’enveloppe paraît mince comparée aux milliards injectés dans le domaine par les gouvernements américain et chinois, le président de la République espère malgré tout, avec cette somme, faire de la France l’un des leaders internationaux dans l’IA.
Ce pari sur l’intelligence artificielle “qui est d’abord un pari sur l’intelligence” doit s’appuyer sur tout un écosystème robuste de formation et de recherche. “Nous avons des atouts pour réussir. Nous avons des talents, des excellentes formations, notamment en mathématiques, a souligné Emmanuel Macron lors de son discours au Collège de France. Mais tout cet écosystème doit continuer de se développer”.
Un programme national porté par l’Inria
Pour cela, un programme national pour l’IA va être initié et coordonné par l’Inria, en lien avec les autres organismes de recherche et les universités. Un réseau de quatre ou cinq instituts spécialisés dans le domaine devrait voir le jour. Cette initiative avait été proposée par Cédric Villani dans son rapport remis le 28 mars 2018. “Ces pôles existent, a précisé Emmanuel Macron, citant en exemple l’institut DataIA, porté par un consortium d’établissements parmi lesquels l’université Paris-Sud, l’institut Mines-Télécom, ou encore l’École polytechnique. Mais il faut les développer, pour amplifier d’autres réseaux et étendre le maillage territorial, à Toulouse, Grenoble, etc.” Ce réseau devrait devenir “le vaisseau amiral” de la recherche publique en matière d’IA.
Côté financement, Emmanuel Macron mise beaucoup sur un partenariat accru avec le secteur privé. La loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), qui n’est encore qu’un projet de loi, pourrait supprimer le passage devant la commission de déontologie chargée d'examiner les demandes d'autorisation des chercheurs souhaitant être détachés ou mis à disposition auprès d'entreprises. De plus, ces derniers pourraient passer 50 % de leur temps sur des projets privés, au lieu de 20 % actuellement.
Former, attirer et retenir “les talents”
Pour séduire et retenir les chercheurs, Emmanuel Macron mise sur plusieurs leviers. Premier d’entre eux, le développement de chaires d’excellence dédiées à l’IA. À l’image de “Make our planet great again”, des appels à projets seront également ouverts, pour attirer “les meilleurs enseignants-chercheurs, pour une année ou pour une partie de leur carrière”, mais aussi les “meilleurs projets de recherche”.
Le gouvernement entend aussi miser sur les compétences nationales en soutenant l’émergence de “talents”. “Il y a risque fort d’assèchement du vivier”, a prédit le président de la République, qui souhaite doubler le nombre d’étudiants formés à l’IA, “de la licence au doctorat en passant par les formations courtes”. Si l’annonce reste floue quant à sa mise en œuvre – seules les universités sont par exemple évoquées dans le discours –, Emmanuel Macron assure que les financements publics adéquats seront prévus pour accompagner cette montée en puissance.
Les GAFAM ouvrent des labos à Paris
Pour appuyer le discours du président de la République, venu conclure le sommet Intelligence artificielle qui se tenait le 29 mars au Collège de France, les annonces émanant des acteurs du secteur se sont multipliées : implantation d’un centre de recherche en région parisienne pour Samsung, création d’un laboratoire pour le géant du secteur Deepmind (filiale de Google)… Une initiative saluée par le ministère de l’Enseignement supérieur de Recherche et de l'Innovation, Frédérique Vidal y voyant “un symbole fort du dynamisme de l’écosystème français de l’IA”.
Côté établissements d’enseignement supérieur, plusieurs se sont également engouffrés dans la brèche, à l’image de l’École polytechnique, qui a officialisé la création d’une chaire d’enseignement et de recherche sur le sujet, en partenariat avec Google, ou encore de Skema, qui renforce son partenariat avec Microsoft pour proposer des formations en intelligence artificielle. PSL (Paris sciences et lettres) quant à elle, a annoncé la création à Paris d'un "lieu d'excellence" dédié à l'IA, mené en partenariat avec le CNRS et l'Inria et des acteurs privés, tels que Facebook, Google, Microsoft et PSA.
Facebook, Samsung, Google, Microsoft... Pour l'heure, toutes ces initiatives sont fortement portées par les géants du Web. Reste à savoir si, dans cette course au leadership mondial, les start-up et PME du secteur arriveront à tirer leur épingle du jeu.
Intelligence artificielle, une année de réflexion
Le plan annoncé le 29 mars par Emmanuel Macron est l’épilogue d’une série initiée en mars 2017 par son prédécesseur, François Hollande. À l’époque, son gouvernement dévoilait le rapport “France IA”, qui énumérait déjà une série de propositions. Parmi elles, la nécessité de développer des écosystèmes de formations en IA et que ces dernières soient attractives à l’international.
En septembre 2017, le mathématicien et député (LREM) Cédric Villani se voyait confier une nouvelle mission sur l’IA. Avec pour objectif d’aller plus dans les recommandations que l’état des lieux dressé par France IA, et de dresser une feuille de route sur l’intelligence artificielle pour le gouvernement dans les années à venir.
Ce rapport, remis le 28 mars au gouvernement, a servi de base à l’élaboration de la stratégie portée par Emmanuel Macron.