Le jeu, pour sensibiliser, pour informer mais aussi pour former. Dans le monde de l’enseignement supérieur, quels avantages peuvent être tirés de ces concepts ?
Depuis quelques années, le profil des apprenants se modifie. On voit des enseignants se plaindre d’avoir du mal à capter l’attention des étudiants. Désormais, ces derniers viennent chercher autre chose que du simple contenu. Ils arrivent en cours avec un savoir, puisé notamment sur Internet.
Au contact des professeurs, il veulent pouvoir contextualiser les enseignements théoriques grâce à des cas concrets. Et c’est ce qu’apporte le jeu. Avec mes collègues du Play research lab, nous allons chaque année dans les écoles et les universités de la région pour présenter les serious games aux étudiants.
Depuis trois ans, nous utilisons les newsgames pour les sensibiliser au sujet : ils choisissent un fait d’actualité (printemps arabe, affaire du Mediator, etc.) et développent un jeu sur ce thème. A la fin des ateliers, on s’aperçoit que les étudiants ont recoupé leurs sources, mené des échanges pertinents et développé un véritable esprit critique.
Un autre aspect du jeu est également important : c’est le droit à l’erreur…
En effet. Le jeu est un outil que l’on cultive depuis longtemps, car il déculpabilise les apprenants. Et puis, autre argument non négligeable : nous vivons dans une société qui se complexifie et où le besoin de rester enfant plus longtemps est palpable. Dans ce contexte, le jeu permet de mieux accompagner les étudiants.
Le budget de développement d’un jeu peut atteindre le million d’euros
Vous évoquez les enjeux pédagogiques mais quid de l’aspect économique ? Le développement d’un serious game représente aujourd’hui un coût important, que ne peuvent pas se permettre la plupart des établissements…
C’est un fait : fabriquer un serious game coûte cher. Le budget de développement d’un jeu peut atteindre le million d’euros. C’est pourquoi l’idée du serious gaming [détourner un jeu existant pour en faire un outil "sérieux"] est intéressante : elle devrait permettre de réaliser des économies. Mais il faut encore étudier les possibilités et regarder si les économies d’échelle sont réelles. Transformer un jeu en lui ajoutant des niveaux, n’est-ce pas finalement plus coûteux que de tout développer, à l’image d’une maison en ruines qu’il faut reconstruire ?
Une autre question essentielle se pose : pour détourner un jeu – la bataille navale par exemple –, l’enseignant doit accepter de s’emparer de l’outil, le faire sien et adapter ses cours. C’est pourquoi, l’aspect "évaluation" est un axe très important de discussions : on s’interroge sur l’évaluation des dispositifs mais aussi des utilisateurs et des écosystèmes. Les établissements sont-ils prêts à utiliser le jeu ? Disposent-ils d'un parc informatique efficient ? Et les professeurs ? Ont-il la culture du jeu ou faut-il les former ?
Ce qui est certain, c’est qu’il y a des axes de développement à imaginer et surtout des accompagnements à mettre en œuvre.
"Le serious game désigne un jeu vidéo ayant été créé à des fins pédagogiques ou utilitaires. Le serious gaming est un concept plus global, qui définit la manière dont peuvent être détournés certains jeux pour devenir des outils "sérieux". Prenez par exemple la bataille navale. Elle peut être utilisée en cours de mathématiques pour apprendre la notion de repères orthonormés. Pour les jeux vidéo, on parle de "modding".
Enfin, la gamification consiste à insérer un aspect ludique dans un objet sérieux. Un constructeur automobile a ainsi équipé l’une de ses voitures d’un tableau de bord interactif, sur lequel s’affichent des pétales de fleurs lorsque la conduite est jugée éco-responsable."