Retoqué à 42 voix contre, 4 pour et 9 abstentions. Le Cneser (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) a rejeté le décret d’association de quatre écoles – l’EHESS, l’EPHE, l’EFEO et l’ENC — au regroupement PSL (Paris Sciences et Lettres), le 23 novembre 2015.
L’avis, consultatif, de l’instance était requis pour l'ouverture de la Comue (Communauté d'universités et établissements) de la Montagne-Sainte-Geneviève, réunissant notamment Dauphine, l'ENS ou encore Chimie ParisTech, aux quatre établissements parisiens ayant quitté avec fracas un an plus tôt le pôle Hésam.
Et si certains ont jugé cette association d'écoles prestigieuses comme une excellente "prise de guerre" pour PSL, les élus de la communauté universitaire ne l'ont pas vu de cet œil, même ceux par principe favorables aux regroupements.
Un concentré d'élitisme, pour ses détracteurs
"Nous sommes pour la politique de regroupement, mais ce projet est aux antipodes de la philosophie de la loi sur l’enseignement supérieur, juge Franck Loureiro, secrétaire national en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche au Sgen-CFDT. Il ne s’agit absolument pas de réunir les établissements d'un territoire – universités, organismes de recherche, écoles – pour mieux collaborer. PSL concentre uniquement des écoles très élitistes, avec quasiment pas de cycle licence, ni d’université au sens propre, Dauphine sélectionnant à l’entrée."
"Il n'y a que des formations qui font la promotion de la sélection, renchérit Alexandre Leroy, président de la Fage. Cela n'a rien à voir avec la logique de service public et de démocratisation qui doit être au cœur des regroupements."
Le Cneser avait déjà voté contre le décret de création de PSL, en juillet 2014.
180.000 euros pour le président, 140.000 euros pour les deux vice-présidents, quand on connait le revenu d’un président d’université. C'est inacceptable.
(F. Loureiro)
Un rapprochement voulu par la base, pour thierry coulhon
"C’est un processus majeur pour Paris Sciences et Lettres, qui devient un acteur incontournable dans le monde des sciences humaines et sociales, tient d'abord à rappeler Thierry Coulhon, président de la Comue. C’est un peu dommage que cette consultation aboutisse à un vote négatif, alors que ce rapprochement est voulu par la base : il repose sur les communautés scientifiques de nos établissements, déjà investies dans la construction de projets communs. Il est dommage que le Cneser ne soit pas force de propositions et s’oppose, à peu près, à toutes les évolutions en cours dans l’enseignement supérieur et la recherche."
Quant à la concentration d’établissements ultra-sélectifs, et la part très faible d'étudiants de licence, l'ancien président de l'université de Cergy-Pontoise monte au créneau. "C’est un fait : l’ENS, les Mines ou la Fémis sélectionnent les talents de manière très exigeante. Est-ce que le Cneser dénonce le fait que ces institutions aient plus d’étudiants en master qu’en licence ?" interroge-t-il.
"Alors oui, PSL réunit des institutions d’excellence sélectives, nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls, souligne Thierry Coulhon. Le territoire francilien a ceci de particulier que les rapprochements se décident par affinités, en écoutant les communautés, sur des projets communs. En revanche, nous souhaitons bien sûr développer le niveau licence, des projets sont en cours, et notre volonté n’est pas de nous 'bunkériser' dans un entre-soi mais, à l'inverse, d'ouvrir toutes nos magnifiques formations. Comme le prouve déjà le cycle CyPES, qui touche 43% de boursiers et la stratégie d’ouverture sociale des licences de Paris-Dauphine."
Des salaires en question
Le Cneser a aussi été l'occasion pour plusieurs élus de faire part de leurs interrogations quant aux salaires des dirigeants de PSL. "180.000 euros (brut) pour le président, 140.000 euros (brut) pour les deux vice-présidents, quand on connaît le revenu d’un président d’université, qui porte des responsabilités autrement plus importantes, par exemple en matière de sécurité, c'est inacceptable", estime Franck Loureiro.
"Je ne comprends pas bien ce que ce sujet vient faire en Cneser : ces montants ont été fixés, en toute transparence, en janvier dernier, sur la base d’une étude nationale et internationale réalisée par un comité de rémunération, puis validés par un vote du conseil d’administration, précise Thierry Coulhon. Si les présidents d’université ne sont pas assez payés en France, ce salaire n’excède pas le haut de la fourchette des rémunérations de l'ensemble des responsables de l’enseignement supérieur français. Il se situe, à l'inverse, en bas de la fourchette à l'international. Un juste milieu, me semble-t-il."