Jeudi 18 octobre 2012, 7 heures du matin. En posant un pied à Shanghai, la directrice de l’ESSCA se souvient de son premier voyage de reconnaissance en 2006, au moment de monter l’antenne chinoise de l’école : le sentiment d’être un peu perdue au milieu des 23 millions d’habitants de "La Mecque du business" avec son chauffeur de taxi qui, évidemment ne parlait pas anglais… Six ans après la création de l’ESSCA Shanghai, Catherine Leblanc possède ses repères dans la mégalopole au développement exponentiel, où elle s’est «fait un réseau». Et c’est désormais par la prestigieuse université de Fudan que la petite délégation angevine est accueillie à l’occasion de la signature d’un double diplôme.
Depuis son ouverture, le campus shanghaien de l’école, hébergé dans le «bâtiment français» (avec l’Alliance française et Campus France), à cinq minutes seulement en voiture du Bund, le cœur de la mégalopole, a fait du chemin. Ouverts pour accueillir des étudiants français et internationaux, les locaux de 500 m2 ne suffisent plus pour répondre à la demande.
Un succès grandissant auprès des étudiants
Le programme chinois rencontre en effet un succès grandissant auprès des étudiants de l’ESCCA, qui ont la possibilité de partir en troisième ou en quatrième année. Ils sont ainsi passés de 25 par an en 2007 à 115 cette année sur le campus. Un chiffre qui devrait encore augmenter au fur et à mesure que progresse l’apprentissage du mandarin (voir encadré). La preuve avec Juliette, étudiante en troisième année, qui décide de venir effectuer son premier semestre au centre chinois de l’ESSCA : «La Chine est un territoire en expansion, avec énormément d’opportunités professionnelles. Étudier le chinois, c’est un investissement pour l’avenir ! Or, pour une première expérience, l’antenne de Shanghai constituait un cadre rassurant.»
Au programme : business chinois en anglais et mandarin. En troisième année, l’enseignement est constitué pour moitié de cours de chinois et pour moitié de modules sur le monde des affaires en Chine en anglais. En quatrième année, la formation, intégrée au master business Asia, met davantage l’accent sur les cours sur le monde des affaires.
Sur place, les étudiants de l’ESSCA croisent beaucoup d’anciens élèves qui sont de plus en plus nombreux à prolonger l’expérience par un stage, un VIE (volontariat international en entreprise), voire un emploi. Entre 40 et 50 alumni auraient ainsi posé leurs bagages à Shanghai. C’est le cas de Thibault (promo 2012) qui, après un stage de fin d’études, a intégré en qualité de chef de projet IT Consultis, une start-up spécialisée dans le développement Web, montée par des prédécesseurs. Le jeune homme se donne entre deux et cinq ans sur place : «Le temps d’être à l’aise dans une conversation technique et business quotidienne.»
Un campus de plus en plus cosmopolite
À l’instar de Shanghai, le campus de l’ESSCA est de plus en plus cosmopolite. Sur les 150 étudiants (sans compter 35 élèves-ingénieurs en summer programme) qui passent chaque année par l’antenne, deux sur trois seulement viennent directement de l’ESSCA. Les autres sont des étudiants canadiens, allemands, australiens, chiliens ou encore argentins issus des universités partenaires de l’école, attirés par ce programme en anglais dispensé par une trentaine de professeurs du monde entier.
Une vitrine pour attirer les talents
Face à ce développement, l’école cherche à s’agrandir : «Nous avons besoin de 100 m2 supplémentaires, de quoi ouvrir deux classes et deux bureaux supplémentaires, de quoi accueillir environ 40 étudiants par an», détaille Catherine Leblanc qui a profité de son séjour pour visiter un nouvel espace. Mais les loyers ont grimpé et face au «surcoût non négligeable», l’école a décidé d’étudier d’autres possibilités lui permettant de conserver son emplacement actuel. La proximité du Bund, mais aussi du quartier d’affaires et d’établissements d’enseignement supérieur, fait partie de la carte de visite.
Plus qu’une antenne, le campus de Shanghai est également une vitrine pour l’ESSCA qui, à l’instar de nombreux établissements, cherche à attirer les meilleurs talents internationaux. S’il n’accueille pas d’étudiants chinois, ce centre lui permet de présélectionner des étudiants locaux pour ses programmes de master. Leurs dossiers sont ensuite examinés et validés par un jury en France. La parfaite connaissance du terrain de Wei Shen, le jeune directeur chinois des programmes et du développement en Chine de l’ESSCA, a permis d’affiner ces «recrutements».
Sur les 48 étudiants étrangers sélectionnés par l’école en 2012 pour venir en France, dix sont chinois. Une population compliquée à attirer : «Il est difficile de convaincre nos étudiants de venir étudier en Europe, reconnaît Zhigang Yuan, le très francophile doyen de la faculté d’économie de l’université de Fudan qui cherche à développer les partenariats avec l’Europe. Ils préfèrent les universités anglo-saxonnes et notamment américaines. Mais cela change…» Quand ils viennent à l’ESSCA, la majorité d’entre eux opte d’ailleurs pour des cours en anglais, plutôt qu’en français.
Des partenariats pour gagner en visibilité
En parallèle du développement du campus, la signature du double diplôme avec la prestigieuse université de Fudan marque une étape dans l’implantation de l’ESSCA en Chine. Un gage de légitimité. C’est dans la langue de Shakespeare et en mandarin que seront dispensés les enseignements du «Professional Master in International Business», le double diplôme signé le 19 octobre 2012. La vingtaine d’élèves de l’ESSCA choisie pour suivre ce programme partira effectuer sa première année à Fudan, tandis que les 20 Chinois viendront à Angers. Et inversement en deuxième année.
L’ESSCA compte déjà une dizaine de partenariats avec des universités chinoises et un double diplôme avec l’université de Tongji, mais ce partenariat se veut «plus international que les autres formules : 20 de nos élèves vont étudier complètement en mandarin avec des étudiants et des professeurs chinois, souligne Catherine Leblanc. Une belle immersion en vue !»
Les deux partenaires espèrent que la formule fera des adeptes : «Nos étudiants qui passent désormais d’une langue à l’autre sont demandeurs d’un double diplôme», rapporte la directrice. À ce jour, une cinquantaine d’étudiants de l’école disposent selon elle d’un niveau suffisant en mandarin pour tenter l’aventure. Du côté de Fudan, il y aurait déjà davantage de candidats que de places, assurait-on à l’issue de la cérémonie d’inauguration. À croire que le tableau enchanteur d’un Anjou rempli de «châteaux» et de vignes brossé par Wei Shen ait produit son petit effet…
Le «monde chinois», qui englobe la Chine continentale, Hong Kong, Macao et Taïwan, s’impose désormais comme l’une des premières destinations des étudiants de l’ESSCA : «En première année, plusieurs élèves étudient déjà le mandarin depuis quatre ans et beaucoup de familles s’intéressent à cette région», observe sa directrice, Catherine Leblanc. Depuis quelques années, l’école avait pris l’habitude d’envoyer autour de 150 étudiants par an dans l’empire du Milieu : 100 environ à l’ESSCA Shanghai et une cinquantaine dans la dizaine d’universités chinoises partenaires, parmi les plus prestigieuses du pays (Tongji à Shanghai, mais aussi Sun Yat-sen).
Dépaysement garanti : «Ils doivent se sentir d’attaque pour partir en immersion totale. Pour cela, ils doivent parler suffisamment bien la langue», souligne la directrice. En 2012, ce chiffre devrait même atteindre 180, dont 115 sur le campus maison !
Outre les étudiants, ce sont des salariés que l’ESCCA aimerait aussi accueillir sur son campus de Shanghai en expansion. L’école de management, qui reçoit déjà à Shanghai et à Angers des groupes de cadres pour des séminaires mêlant conférences et visites d’entreprises et culturelles, souhaiterait développer davantage le créneau lucratif de la formation continue.
La Chine – et ses 350 entreprises françaises (banques, distribution, secteur automobile, notamment), dont «beaucoup de grands groupes que l’école connaît bien» – constitue à cet égard une bonne porte d’entrée. «Nous pourrions à la fois former les cadres chinois des groupes français à la gestion et à la distribution, et les cadres français qui viennent travailler en Chine», indique Catherine Leblanc. Parmi ses «targets» chinoises, figure notamment le groupe Auchan, dont elle a visité l’un des hypermarchés au cours de son voyage. L’ESSCA a déjà une expérience dans le domaine : «Pour l’Amérique latine, un grand groupe pharmaceutique nous a déjà demandé de recruter localement et de former pour lui ses futurs cadres», conclut Catherine Leblanc.