La décision devrait être prise "au courant de l'été, sans doute en juillet". L'INJEP, établissement public avec conseils d'administration et scientifique, sous tutelle de la ministre des Sports, de la Jeunesse, de l'Éducation populaire et de la Vie associative, deviendrait un "service à compétence nationale" et un "service statistique ministériel".
"Dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP), l'objectif est de renforcer cet outil qui permet de conduire l'ambition du comité interministériel de la jeunesse", justifie le ministère de la Jeunesse.
Pour être précis, ce changement de statut concerne seulement l'Observatoire de la jeunesse, soit une trentaine de chercheurs et personnels administratifs sur un effectif total d'une soixantaine de personnes. Pour la seconde composante de l'Institut qui est l'AFPEJA (Agence française en charge du programme européen "Jeunesse en action"A) plusieurs scénarios sont envisagés, allant d'un maintien d'une agence indépendante à un rapprochement avec l'agence du Service civique.
Inquiétudes des associatifs et des chercheurs
Avant même l'annonce officielle de ce changement, des associatifs et des chercheurs, parmi lesquels François Dubet, Cécile Van de Velde ou encore François de Singly, ont vivement réagi en publiant, le 20 juin 2013, une tribune dans Libération et mis en ligne une pétition.
"L'INJEP a une position originale entre l'administration, le monde de la recherche et celui des acteurs de la jeunesse, explique le sociologue Olivier Galland qui en préside le conseil scientifique. En devenant un service du ministère, il va perdre de son indépendance, voire de son regard critique. Il risque également perdre son rôle de diffusion de la recherche auprès des acteurs sur le terrain."
Même inquiétude parmi les représentants du personnel de l'INJEP : "C'est notre indépendance qui est menacée, estime l'un d'entre eux. Sous prétexte de modernisation de l'action publique, nous allons être la courroie de transmission du ministère, noyés dans les enjeux interministériels et perdant toute marge de manœuvre."
En devenant un service du ministère, l'INJEP va perdre de son indépendance, voire de son regard critique (O.Galland)
Un "pilier renforcée de la politique jeunesse"
Surpris par ces réactions, le ministère chargé de la Jeunesse les juge "légitimes mais infondées". Et insiste : "Non seulement l'INJEP est conservé, y compris son nom, mais ses missions seront renforcées et élargies."
Selon le ministère, cet INJEP nouveau statut devrait donc être "l'un des piliers de la politique jeunesse du gouvernement", qui "donnera les mêmes garanties aux personnels", et se dotera d'un "rôle d'évaluation des politiques", de "statistiques ministérielles" avec "des compétences nouvelles sur la vie associative" et des "effectifs renforcés". Il est en outre prévu que le conseil scientifique sera maintenu en l'état.
les personnels Echaudés par une précédente réforme
Malgré ces garanties apportées, la défiance semble s'imposer parmi les personnels de l'INJEP. Ils craignent "la fin de leur autonomie de fonctionnement" et se remettent tout juste d'un précédent bouleversement.
En 2009, la RGPP (Révision générale des politiques publiques) avait conduit à supprimer tout un pan de leur activité : l'accueil et l'hébergement pour des colloques, séminaires et autres formations des acteurs de la jeunesse et de la vie associative sur le très beau site du Val-Flory à Marly-le-Roi dans les Yvelines. Conséquences : les effectifs de l'INJEP sont passés de 120 à moins de 60 et l'institut a déménagé dans les locaux de son ministère de tutelle pour laisser la place au tout nouvel internat d'excellence de Marly-le-Roi.
l'InsEE citée en exemple
"Ce changement de statut arrive au moment où l'INJEP est sorti de ce passage difficile et a repris des forces en ayant fait la preuve de son utilité, à travers des enquêtes de qualité qui ont été bien reconnues", souligne un représentant du personnel. "Nous ne voulons pas être intégrés à une action politique globale pour devenir un joujou interministériel," souligne un autre chercheur.
Côté ministère, l'opération explication de texte est lancée pour témoigner qu' "un changement de statut n'est pas une mise sous la botte ministérielle" avec quelques exemples en appui : l'Insee pour le ministère de l'Économie, l'Onzus pour la Ville ou encore la DEPP pour l'Éducation nationale.