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La filière pharmaceutique s'organise en région Centre

Céline Authemayou Publié le
La filière pharmaceutique s'organise en région Centre
Le Bio3 Institute devrait ouvrir ses portes à Tours à la rentrée 2015. // © 
Première région manufacturière de médicaments en France, le Centre a fait de l’industrie pharmaceutique l’un de ses principaux axes de développement. Le secteur, qui emploie près de 16.000 personnes est en pleine mutation. Pour répondre aux nouveaux enjeux économiques, industriels et établissements d’enseignement supérieur s’organisent. Etat des lieux.

Dans quelques mois, en plein cœur de Tours sortira de terre le Bio3 Institute (voir encadré). Baptisé jusqu'à très récemment Institut français des biomédicaments et bioactifs cosmétiques (IFBC), ce centre de 2.000 m2, unique en France sera dédié à la formation en alternance aux métiers de la production des biomédicaments et de la bio-cosmétique. Les premiers étudiants rejoindront l'établissement à la rentrée 2015. Le projet, porté par le PRES Centre Val-de-Loire Université représente un investissement de près de 10 millions d'euros. Un dixième du coût total sera porté par les industriels régionaux, via la fondation partenariale Philippe Maupas, qui sera créée dans les prochaines semaines. Outre l'enjeu économique et stratégique d'un tel projet, la symbolique est forte. Le Bio3 Institute rassemble toute une filière autour d'une cause commune : l'avenir de l'industrie pharmaceutique locale.

Mutations technologiques et nouveaux enjeux

Avec un médicament français sur deux produits dans la région, le Centre abrite aussi bien des "Big pharmas" (Sanofi, Pfizer, Ipsen) que des PME de quelques salariés. La plupart sont des sous-traitants : ils produisent des médicaments pour le compte de laboratoires. La filière s'est développée dans la région après la Seconde guerre mondiale, lorsque la France découvre la pénicilline, utilisée par les soldats Américains. Une ancienne poudrerie royale située à Monts, près de Tours est choisie pour réaliser les premières cultures industrielles de l'antibiotique. Proche de Paris, offrant de larges parcelles de terre, la région ne tarde pas à attirer les industriels.

Soixante ans plus tard, le secteur doit désormais s'adapter à de nouvelles contraintes : réduction des dépenses de santé, concurrence des pays émergents, évolutions technologiques... "La pharmacie d'origine chimique a encore une vingtaine d'années devant elle, mais l'avenir se construira autour des médicaments issus du vivant, constate Patrick Hibon de Frohen, directeur général du groupe de formation IMT. Les entreprises vont devoir adapter leurs équipements et former leurs personnels. Il en va de leur survie économique". Un constat partagé par Loïc Vaillant, président de l'université de Tours et à la tête du PRES Centre Val-de-Loire Université. "Tout l'enjeu des futures années sera d'anticiper les besoins des entreprises pour pouvoir y répondre rapidement en termes de formations. Pour cela, les interactions avec les industries et la recherche sont cruciales."

Recherche : place aux partenariats public-privé

Côté recherche, justement, le Centre abrite plusieurs équipes. Alors que le secteur d'Orléans se tourne plus vers la cosmétique, Tours se consacre à la santé, à l'image du Laboratoire d'Excellence MabImprove. Issu d'un groupement de recherche du CNRS, le labEx, dont une partie de l'équipe est installée à Montpellier travaille sur les anticorps. "Aujourd'hui, il n'y a pas encore de grosses productions industrielles dédiées au sujet, concède Hervé Watier, chercheur à la tête de MabImprove. Mais les grands laboratoires sont en train de se convertir à ce domaine, car les champs d'application sont infinis." Les équipes d'Hervé Watier mènent leurs recherches en lien direct avec les entreprises. "Nous développons avec elles des brevets, nous répondons à leurs appels d'offres...Elles sont très demandeuses", constate le scientifique.

Autre exemple de partenariat public-privé : les CER. Ces centres d'études et de recherche ont été créés à l'université de Tours il y a huit ans. Le but : associer à un laboratoire de l'établissement une entreprise régionale pour mener des recherches communes. Parmi les six structures existantes, le CERP se consacre à un secteur de niche : l'imagerie moléculaire. Le projet, de 2,5 millions d'euros a été monté avec Cyclopharma, laboratoire spécialisé dans la médecine nucléaire et radiopharmaceutique. La petite fierté des universitaires ? L'entreprise a installé à Tours son unité de production, dans le cadre de ce partenariat. 80% des travaux sont menés avec et pour Cyclopharma. "C'est à la fois un mariage d'amour et de raison, note Denis Guilloteau, coordinateur du CERP. Nous avons besoin du privé pour adapter nos recherches aux attentes du secteur."

Formation : sensibiliser les étudiants aux opportunités

Dans ces deux projets de recherche, l'aspect formation reste présent. "Il est vrai que cette partie est encore peu développée, concède Hervé Watier de MabImprove, mais des projets de création de diplômes sont en cours. Le Bio3 Institute sera un sacré atout pour promouvoir ces filières." Deux licences professionnelles, un master pro... Avec ces nouvelles formations, établissements et enseignants entendent promouvoir auprès des jeunes des métiers encore peu connus. "Une situation très paradoxale, reconnaît Hervé Watier, car les besoins des industriels sont bien réels. Il y a quelques années, nous avions voulu créer un diplôme universitaire dédié aux anticorps. Faute d'étudiants, le cursus n'a jamais ouvert ses portes. "

Le Bio3 Institute sera un sacré atout pour promouvoir ces filières (H. Watier)

Ce travail de sensibilisation, Loïc Vaillant y travaille au sein du PRES. "En plus des forums emplois et des journées de sensibilisation, nous faisons intervenir les professionnels dans les formations." Actuellement, la fac de pharmacie travaille à la refonte de ses programmes. Les industriels ont été conviés autour de la table. "Nous avons évoqué la nécessité d'un module management ou droit du travail, explique Isabelle Piegu, directrice des ressources humaines du laboratoire Récipharm. L'idée étant de faire intervenir les professionnels dans les cours."

Cette culture revendiquée du partenariat public-privé, la région la doit notamment au groupe IMT, seul organisme de formation professionnelle de France dédiée aux industries pharmaceutiques et cosmétiques. Née au sein de l'Université de Tours, la structure associative a pris son indépendance en 1992. Elle est aujourd'hui membre du PRES Centre Val-de-Loire Université. Chaque année, l'IMT diplôme 500 étudiants, 160 apprentis et forme 3.500 salariés via la formation continue. "Nous ne sommes pas en concurrence avec l'université, bien au contraire, rappelle Patrick Hibon de Frohen, son directeur général. Nous formons du niveau V à bac+2. Ensuite, l'université prend le relais. Grâce aux liens étroits établis avec les industriels du secteur, nous connaissons leurs attentes mais aussi les nouvelles technologies qu'ils vont utiliser. Nous pouvons donc réagir très vite et adapter en fonction le contenu de nos formations." 95% des formateurs de l'IMT sont issus de l'industrie pharmaceutique ou cosmétique.

Groupement d'entreprises : "A plusieurs, on est plus fort"

Chez Récipharm, groupe pharmaceutique suédois dont le site de production est situé près de Tours, on connaît bien le groupe IMT. Actuellement, cinq apprentis de l'établissement sont accueillis au sein de l'usine et chaque année, des salariés bénéficient de formations. Spécialisé dans la sous-traitance de médicaments injectables, Récipharm vient de créer une nouvelle ligne de production de flacons. Des petites volumes, destinés aux essais cliniques. "Aujourd'hui, il est indispensable de trouver de nouveaux clients, de faire évoluer notre offre, note Isabelle Piegu, DRH du site. Ce qui nécessite de trouver de nouvelles compétences, ou de les faire évoluer." Cinq embauches sont prévues pour 2013. Vingt ont été signées en 2012. Chez Chiesi France, groupe implanté dans le Loir-et-Cher, l'heure est aussi au recrutement: 40 emplois vont être créés pour assurer le fonctionnement d'une toute nouvelle unité de production, qui ouvrira ses portes en 2015.

Selon l'enquête Besoin en main d'oeuvre de Pôle Emploi, près de 40% des entreprises régionales du secteur avaient des projets de recrutement pour 2012. "Les profils recherchés concernent notamment la qualité mais aussi la maintenance, la réglementation et la conduite de ligne", énumère Xavier Monjanel, président du Grepic. Créé en 1977, ce groupement régional des établissements pharmaceutiques industriels du Centre rassemble une quarantaine de laboratoires, pour les aider à échanger et à promouvoir leurs métiers. "L'idée de départ est très simple, constate Xavier Monjanel : à plusieurs, on est plus fort. Participation à des formations, à des rencontres, travail sur l'évolution de nos compétences... Tout ce travail a un but : faire en sorte que les étudiants aient toujours des interlocuteurs pour répondre à leurs questions. Il n'y a rien de pire qu'une industrie qui ne répond pas."

Le Bio3 Institute

Le Bio3 Institute est un projet retenu dans le cadre du programme "Investissement d'Avenir". L'établissement proposera dès la rentrée 2015 deux licences professionnelles et un master pro. Cette offre sera complétée par deux formations de techniciens spécialisés (bioproduction industrielle et maintenance des équipements industriels) dispensées par l'IMT. L'Institut disposera d'un restaurant universitaire et de 260 logements, réservés aux étudiants. Initialement prévue pour la rentrée 2014, l'ouverture des lieux se fera en septembre 2015, le financement ayant été validé fin 2012. La première pierre sera posée en 2013.

Céline Authemayou | Publié le