Moins de deux ans après la mise en place de la réforme des Espé (École supérieure du professorat et de l'éducation), Terra Nova doute de sa réussite : "en remplaçant les IUFM, qui n'avaient pas démérité et pouvaient encore évoluer, par des Espé [les concepteurs de la réforme] ont voulu afficher leur grande espérance : celle de faire radicalement évoluer le métier d'enseignant, notamment dans le second degré, pour l'adapter aux réalités des élèves et de la société d'aujourd'hui, et de lutter ainsi contre les inégalités et les discriminations sociales (...). À observer les deux premières années de mise en œuvre de cette réforme, on doit constater que ce combat est loin d'être gagné".
Rédigé par cinq experts es formation des enseignants, Jean-Pierre Obin, Jean-Louis Auduc, Philippe Watrelot, Gilles Langlois et Gérard Phelippeau, le rapport rendu public le 10 septembre analyse en une trentaine de pages les points faibles de la formation – initiale et continue – des différentes catégories de personnels de l'Éducation nationale, en commençant par les enseignants.
Des pratiques pédagogiques à revoir
Le rapport s'interroge en premier lieu sur la "formation des formateurs" et "la pédagogie pratiquée dans les Espé" : "on forme les élèves comme on a été soi-même formé", écrivent-t-ils. "En d'autres termes, les pratiques pédagogiques des formateurs (en ÉSPÉ, en établissement) influent fortement sur les pratiques pédagogiques de stagiaires qui auront tendance à reproduire ce qu'ils ont vécu et observé. Or, force est de constater que les pratiques des formateurs en Éspé relèvent souvent de la pédagogie frontale". Le rapport préconise donc des dispositifs de formation plus coopératifs et actifs.
Le contenu des épreuves de concours, trop disciplinaires, doit être revu pour des épreuves plus professionnelles. Enfin, les épreuves d'admissibilité des concours devraient être placées en fin de M1 et les épreuves d'admission en fin de M2 et la titularisation placée au terme d'une première année d'enseignement à temps plein.
Les Espé au sein des Comue
Autre difficulté de taille : "la viabilité administrative, financière et pédagogique d'institutions conçues sur des principes contraires entre lesquels il faudrait trancher ; des institutions souvent divisées, et auxquelles on devrait permettre de trouver une unité, une simplicité, et donc une efficacité au service de ce grand projet national". En d'autres termes, les Espé, rattachés aux universités, souffrent de "graves difficultés" de gouvernance.
Au nombre de ses propositions, le rapport de Terra Nova préconise donc de leur conférer le statut d'établissement public dans le cadre d'une Comue, "sans lequel elles resteront des cadres vides ou des structures balkanisées, (...) en guérilla permanente avec des universités qui contrôlent les inscriptions administratives et pédagogiques des étudiants, disposent des moyens d'enseignement et, pour certaines, convoitent leurs locaux pour les affecter à d'autres usages".