Entreprises recherchent salariés. Dans un contexte économique morose, l'annonce paraît irréaliste. Et pourtant... Dans le Sud-ouest de la France, entre Lot, Aveyron et Corrèze, des sociétés peinent depuis plusieurs années à recruter. Regroupées au sein du cluster Mecanic Vallée, elles sont spécialisées dans le travail du métal et de la mécanique. Elles travaillent majoritairement pour l'aéronautique, mais aussi pour les secteurs de l'automobile ou encore des machines-outils.
En 2013, entre 250 et 300 embauches sont prévues dans l'une des 127 sociétés du regroupement. Problème : les candidats manquent à l'appel. Chaque année, 150 jeunes diplômés sortent des formations de la région (bac pro, BTS, licence pro). Encore trop peu pour satisfaire toutes les demandes. "Aujourd'hui, dans le domaine de la chaudronnerie, il y a quatre postes d'opérateurs pour un candidat", constate Guy Aldebert, chef des travaux au lycée polyvalent La Découverte, à Decazeville (12). Dans ce contexte, entreprises et établissements se mobilisent pour attirer les salariés.
La formation interne, pour diversifier les profils
Les besoins de main-d'œuvre concernent en grande majorité des profils bac professionnels : opérateurs sur machine, soudeur, formeur de métaux... "Contrairement aux idées reçues, ces métiers ne sont pas uniquement manuels, précise Béatrice François-Baretta, directrice des ressources humaines de Figeac Aéro. Ils nécessitent de bonnes compétences en conceptualisation, pour manier des machines de plus en plus techniques." La société, qui emploie 800 personnes sur son site de Figeac prévoie d'embaucher une centaine de salariés en 2013. Un chiffre constant depuis plusieurs années. Pour pallier au manque de salariés qualifiés, Figeac Aéro est devenue il y a trois ans organisme de formation. Deux formateurs ont été embauchés : des candidats sont recrutés puis menés jusqu'au bac professionnel Technicien d'usinage (en apprentissage ou en contrat de professionnalisation).
Grâce à la formation interne, les entreprises élargissent leur champ de recrutement. Chez Metrasur, PME de Figeac spécialisée dans le traitement de surface, on accueille ainsi anciennes couturières, secrétaires, ouvriers de maintenance... "Il existe très peu de filières formant à nos métiers, constate Hervé Larrieu, directeur général de la société. Il faut donc s'organiser pour permettre aux salariés d'acquérir les compétences requises."
Contrairement aux idées reçues, ces métiers ne sont pas uniquement manuels (B. François-Baretta)
Les établissements misent sur l'apprentissage
Si la pénurie de candidats touche les entreprises, elle concerne aussi les établissements scolaires de la région. Depuis plusieurs années, les effectifs en bac pro et en DUT sont en baisse. Tant et si bien que certaines sections ont été menacées de fermeture. "Les entreprises se sont alors mobilisées auprès du rectorat pour que ces filières perdurent", raconte Guy Aldebert. Pour attirer de nouveaux étudiants, cet établissement mise sur l'apprentissage : dès la rentrée prochaine, deux de ses BTS devraient être ouverts aux apprentis. "Cette formule attire des jeunes qui ont connu un échec en filière générale et qui souhaitent se réorienter, tout en finançant leurs études", constate Guy Aldebert. Cette année, un étudiant de médecine a ainsi rejoint l'établissement. L'argument préféré des professeurs : les étudiants obtiennent un poste avant même la fin de leur formation.
"Dès le collège, travailler notre communication"
Aujourd'hui, la situation se stabilise tout doucement. Il faut dire que depuis quelques années, les établissements et les entreprises multiplient les efforts de sensibilisation auprès des collèges de la région. Les premiers présentent leurs diplômes quand les seconds parlent de leurs métiers. "Si nous sommes arrivés à cette situation de pénurie, c'est par manque de communication, avoue Hervé Larrieu, de Metrasur : il faut donc convaincre et séduire les jeunes. Les professeurs ont aussi un rôle à jouer. Je ne parle pas des enseignants techniques. Mais je rêve d'accueillir dans ma société des professeurs de français, de mathématiques, pour leur faire connaître la réalité du secteur et pour que leur discours évolue. Ils sont encore trop nombreux à pousser les jeunes vers les filières générales. Je milite pour que tous les professeurs lisent le rapport Gallois sur la compétitivité et prennent conscience des possibilités de développement de nos entreprises" !
Si nous sommes arrivés à cette situation de pénurie, c'est par manque de communication : il faut donc convaincre et séduire les jeunes. (H. Larrieu)
L'approche territoriale, pour séduire
Dans ce contexte, le cluster Mecanic Vallée joue le rôle d'entremetteur. Mise en réseau des annonces, diffusion des CV sur une plateforme dédiée... "Ce travail de tricotage ne peut s'inscrire que sur le long terme, explique Hervé Danton, animateur du cluster créé il y a quinze ans. Nos entreprises ne sont pas situées dans de grands centres urbains. Il faut donc adapter notre discours et attirer les personnes sensibles à une certaine qualité de vie." Stéphane, jeune salarié de l'entreprise Ratier-Figeac, plus grosse entreprise de la région avec 1.000 salariés n'est pas insensible à cet argument. "Certes, les salaires ne sont pas mirobolants, note l'opérateur sur machine qui gagne 1.800€ bruts par mois après dix ans d'expérience. Mais la qualité de vie est un sacré argument, auquel s'ajoutent un treizième mois, des intéressements financiers et des possibilités d'évolution interne."
Aux côtés des entreprises, les collectivités locales, à l'image du Conseil Général de l'Aveyron et de sa cellule "Vivre et travailler en Aveyron" mettent en place des structures pour aider à l'installation des salariés venus de toute la France. "Notre région est magnifique et offre un cadre de vie agréable, note Philippe Atrous, DRH de Ratier-Figeac. Mais cela ne doit pas éluder certaines difficultés. Pour atteindre nos objectifs, il est donc essentiel d'avoir une approche groupée et territoriale".