"Nous sommes plus nombreux que le 4 mai 2015", jauge une participante. Le colloque "Extrémismes et terrorismes, évolution des processus de radicalisation" est le second temps de réflexion organisé par la CPU (Conférence des présidents d’université), le 19 janvier 2016 à Paris, à la suite des attentats de Charlie Hebdo. Entre-temps, il y a eu ceux du 13 novembre.
"En consacrant un colloque à la radicalisation, vous opposez la pensée à la terreur", introduit Najat Vallaud-Belkacem, devant la centaine d’universitaires présents. Présidents d’université, chercheurs, référents "laïcité", ou encore les récents référents "racisme et antisémitisme" – nommés progressivement dans les universités à la demande du ministère – sont venus chercher des outils de compréhension.
Une radicalisation qui pose question aux universités
Qui sont ces jeunes qui se radicalisent ? Quels sont les processus menant au djihadisme ? Différents chercheurs, dont le sociologue Michel Wieviorka ou le directeur de recherche émérite du CNRS Alain Chouraqui, apportent tour à tour leur contribution.
Avec des terrains d'étude très différents : de la discussion de Mohamed Merah avec le Raid sous le prisme de la psychologie sociale, aux jeunes radicaux basques, en passant par le profil des djihadistes qui ont commis des attentats ces vingt dernières années. "Je n’excuse pas, j’explique", glisse le sociologue Farhad Khosrokhavar, en référence aux propos récents du Premier ministre.
"Nous avons besoin de réflexion et de recul par rapport à l’actualité", confie Olivier David, président de l’université Rennes 2, venu assister au colloque. "La radicalisation pose évidemment question à nos établissements, explique le professeur de géographie. Comment repérer ces processus ? Avec toutes les questions éthiques qu’il y a derrière, et les risques d’amalgames entre radicalisation et choix religieux. Comment aborder et accompagner un personnel ou un étudiant qui serait sur cette voie ?"
Réinvestir le terrain médiatique
Un participant interroge d'ailleurs directement les chercheurs sur le rôle que peut jouer l'université face à l'extrémisme. Pascal Marchand évoque un "réinvestissement du terrain de l’expertise". Pour le professeur en sciences de l'information et de la communication à l'université Toulouse 3, "le milieu universitaire a largement délaissé cet espace, dans les médias ou auprès des politiques."
Laissant la place "à d'anciens professionnels de terrain, des experts autoproclamés ou encore des personnes d’organisations difficilement traçables", déplore-t-il. Bien qu'il reconnaisse la difficulté de valoriser ce type d'engagement dans la carrière d'un enseignant-chercheur.
"Nous avons un public d'étudiants, souligne Jérôme Ferret, maître de conférences en sociologie à Toulouse 1. Notre travail consiste aussi à déconstruire l'idéologie et à développer leur capacité critique." Revenant à l'une des missions fondamentales de l'université : l'enseignement.
Najat Vallaud-Belkacem a souligné le soutien de son ministère à la recherche sur ces thématiques. "Agir pour la recherche, c’est aussi se donner les moyens de renforcer les domaines dans lesquels nous avons des manques, a-t-elle affirmé. C’est le sens de l’annonce fort bienvenue du président de la République d’augmenter les moyens de l’ANR pour dynamiser notre potentiel de recherche."
Un appel à manifestation d’intérêt, ouvert en décembre 2015, jusqu'au 15 janvier 2016, vise lui à soutenir l’enseignement et la recherche sur la radicalisation et l'islamologie, avec 10 emplois à la clé.
Le colloque du 19 janvier 2016 a été organisé par la CPU, en partenariat avec le Camps des Milles, ainsi qu’avec The Conversation France. Voir le programme