Ils sont venus chercher au sein de la formation des bases solides pour monter leur projet. La vingtaine d'élèves inscrits à la rentrée 2014 au parcours "entrepreneuriat technologique et industriel" du master 2 management de la technologie de l'UTBM (université de technologie de Belfort-Montbéliard) espèrent tous porter sur le marché leur produit, qu'il s'agisse d'un sac connecté ou d'un bac à rétention d'eau.
Au cours du premier semestre, les étudiants – pour la plupart des élèves-ingénieurs – ont accepté de répondre aux questions de Laurent Auzoult, maître de conférences à l'université de Franche-Comté et intervenant au sein de l'incubateur local. L'enseignant en psychologie les a interrogés sur leur intention d'entreprendre. Le but : disposer d'une analyse de long terme, pour observer la fluctuation de ce désir. Pour cela, les élèves ont répondu chaque mois à un questionnaire élaboré par Laurent Auzoult. À la fin du semestre, les conclusions ont été livrées aux étudiants : plus le projet se concrétise, plus l'intention d'entreprendre des porteurs de projet diminue.
Soucis financiers et motivation des proches
Si le résultat semble paradoxal, il n'étonne pas l'enseignant, qui avait déjà observé le phénomène au sein de l'incubateur. "Deux éléments expliquent cette frilosité, énumère Laurent Auzoult. Le premier, c'est l'attitude. Lorsque le passage à l'acte se rapproche, les difficultés deviennent bien réelles : complexités administratives, soucis financiers... La question de l'argent est cruciale : le porteur de projet se demande comment il va survivre deux à trois années sans aucune rentrée d'argent.
Le deuxième élément, c'est l'entourage. En France, les attentes sont faibles de la part des amis, de la famille, des proches. Ces derniers nivellent vers le bas l'envie d'entreprendre car ils n'y croient pas forcément et ne motivent donc pas les porteurs de projet. C'est d'autant plus vrai pour des jeunes ingénieurs, qui peuvent trouver très facilement un emploi salarié."
une envie d'entreprendre plus mûre
À l'heure où les modules, les cours de sensibilisation et autre accompagnement à l'entrepreneuriat se développent, faut-il remettre en cause toutes ces initiatives pédagogiques ? "Les résultats de l'enquête pourraient le laisser penser, mais il faut se placer dans un contexte de long terme, analyse Laurent Auzoult. Certes, les élèves sont moins motivés pour créer leur activité dès la sortie de la formation, mais leur intention perdure et elle est plus construite, plus planifiée. Et donc plus qualitative. Finalement, on les a fait 'dé-rêver'".
Katy Cabaret, enseignante à l'UTBM et référente du master 2, ne dit pas autre chose. Si certains de ses étudiants veulent créer leur entreprise coûte que coûte, d'autres préfèrent se laisser un peu de temps, passer par la case salariat pour acquérir de l'expérience et se lancer ensuite. "Un sujet comme celui proposé par Laurent Auzoult a le mérite d'ouvrir la réflexion et de sensibiliser les jeunes à la psychosociologie de l'entrepreneur", se réjouit l'enseignante.
À l'heure actuelle, quelques étudiants volontaires, partis en stage en entreprise, poursuivent le travail d'étude. Cette collaboration devrait d'ailleurs perdurer avec la prochaine promotion du master.