La planète business schools est fiévreuse ! Signe de la nervosité qui s'est emparée du secteur, la valse des directeurs d'école enregistrée au premier semestre 2014 : une bonne douzaine d'entre eux ont quitté leur poste. “Nous sommes dans un secteur sans croissance sur le marché national, analyse Jérome Caby, directeur de l'ICN (Nancy, Metz). Jusqu'à il y a peu, nos écoles grossissaient à mesure que le marché s'étendait. Aujourd'hui, sur un marché mature, pour avoir un étudiant dans notre école, nous devons le ‘piquer’ à une autre.” Beaucoup d'établissements se tournent donc vers l'international.
Exister à l'international
“Toutes les écoles n'arriveront pas à survivre au niveau mondial dans les dix ans à venir”, prévient Bernard Belletante qui, après Kedge, a pris les rênes de l'EM Lyon en mai 2014. “HEC Paris et l'INSEAD ont déjà fait ce qu'il fallait. Il reste une ou deux places à prendre. Or nous sommes sept ou huit à être intéressées par la présence mondiale.” Le directeur de la Business School d'Écully parie sur les nations émergentes et va créer deux campus en Afrique francophone et dans le sud de la Chine. D'ici à 2019, l'EM Lyon veut passer de 2.800 à 10.000 étudiants dont 50% d'étrangers.
Cette course à l'international est symptomatique de la mondialisation de l'enseignement en management. Aujourd'hui, un étudiant à Sydney (Australie), Singapour ou Rio de Janeiro (Brésil), tablette en main, tape “master in management” dans Google et reçoit plusieurs milliers de propositions en une seconde. Pour sélectionner sa liste d'écoles, il regardera d'abord les accréditations (par exemple, les labels internationaux : AACSB, Equis...) et les classements.
Former des managers interculturels
Former des managers “globaux”, aptes à diriger des équipes et des entreprises dans un monde ouvert, est devenu un impératif. Près d'un diplômé sur quatre commencera sa carrière à l'étranger. Déjà 24% des jeunes managers diplômés en 2013 ont décroché leur premier emploi hors de France, selon l'enquête d'insertion 2014 de la CGE (Conférence des grandes écoles).
L'internationalisation revêt bien d'autres formes : renforcer les enseignements en langues vivantes, recruter plus de professeurs internationaux ou augmenter la durée de séjour obligatoire à l'étranger. L'ESC Rennes revendique 80% d'internationaux parmi les 75 professeurs permanents. Audencia rend obligatoire son stage à l'étranger pour tous les étudiants. L'ESC La Rochelle propose, depuis la rentrée 2014, une filière d'excellence internationale avec “trois expatriations d'un semestre dans des universités partenaires accréditées sur trois continents et dans trois langues différentes”, précise Daniel Peyron, le directeur.
Vers une pédagogie tout numérique
Second chantier de taille : le numérique. “La génération des digital natives [les 15-25 ans] a des attentes spécifiques. Nous devons modifier nos pratiques d'enseignement”, constate Jean-Guy Bernard, le directeur de l'EM Normandie, qui entreprend de numériser 20% des enseignements de son programme à travers le projet “Smart école” : 450 étudiants des campus du Havre et de Caen ont été dotés d'une tablette reliée à la plate-forme de ressources interactives de l'école. Une partie des cours en face-à-face a été transformée en cours multimédia et collaboratif. De son côté, l'EM Lyon signe un partenariat avec IBM pour refondre son système d'information et lancera en 2015 une bibliothèque numérique, le “learning hub”. Son objectif : “Favoriser le travail collaboratif, le partage de connaissances et l'innovation collective sans limite géographique”, explique Bernard Belletante, l'ex-directeur de Kedge.
Cette génération réclame aussi la personnalisation des cursus pour coller au plus près de ses projets professionnels. L'ESSEC a lancé à la rentrée 2014 une “carte cognitive” qui accompagnera les élèves pendant leur parcours personnalisé. “Cet outil recense les compétences et les expériences acquises et identifie celles qui restent à acquérir”, explique Jean-Michel Blanquer, son directeur. Autre nouveauté, les étudiants de dernière année peuvent se regrouper et demander des cours qui n'existent pas encore ! À charge pour les enseignants de les mettre au point pour les dispenser au dernier trimestre.
Se remettre à l'écoute des entreprises
La capacité des écoles à placer rapidement des jeunes managers bien formés semble intacte. Les salaires bruts annuels moyens des managers diplômés en 2013 dépassent toujours les 33.000 euros hors primes, selon l'enquête d'insertion 2014 de la CGE. Mais ces chiffres stagnent. Après plus d'une décennie de course à l'excellence académique, qui les a poussées à se lancer dans le “tout-recherche”, le moment est peut-être venu pour elles de réapprendre à cultiver leur proximité avec les entreprises, à redevenir des “schools for business”, comme le plaide Loïck Roche, directeur de Grenoble EM. “L'employabilité des étudiants doit rester au cœur de la pédagogie de nos écoles de commerce”, remarque Jacques Chaniol, directeur de l'INSEEC (Bordeaux, Paris).
Beaucoup s'activent déjà face aux évolutions de la société pour coller aux nouvelles attentes. Des spécialisations très demandées apparaissent en “web marketing” ou en “big data”. La pédagogie de l'apprentissage par la pratique (“learning by doing”) est renforcée : “HEC investit fortement dans la gestion des allers-retours entre la théorie et la pratique au sein de la scolarité sur le campus”, explique Eloïc Peyrache, le directeur délégué. L'école de Jouy-en-Josas a créé 30 “académies” : dans ces séminaires, les étudiants expérimentent la gestion de l'urgence avec le Samu (Service d'aide médicale urgente) ou l'art oratoire avec les avocats du barreau de Paris.
L'Etudiant donne à chacun la possibilité d'établir son classement des écoles de commerce mastérisées à partir d'une cinquantaine d'indicateurs sur des volets académique, international ou professionnel. - Lire la méthodologie