Dissolution de Sorbonne Universités et de l’Université de Champagne, départ de membres du regroupement aquitain et à Hésam, redéfinition du périmètre en Centre-Val de Loire et à Paris-Saclay, révision des statuts à l'Université Bretagne-Loire... Cinq ans après l’entrée en vigueur de loi ESR, exhortant les établissements à se regrouper sur leur territoire, le bilan des Comue (communauté d'universités et établissements) est plus que mitigé.
Sur les 21 Comue recensées par le ministère de l’Enseignement supérieur, une dizaine sont en processus de disparition ou ont vu un ou plusieurs de leurs membres fondateurs se retirer.
Un modèle vertueux par endroits
Sur certains sites, ce modèle a trouvé sa place. Comme à Nice, où l'Université Côte d'Azur, créée en février 2015 autour de l'université de la ville, a décroché le label Idex début 2016. "Quand il n'y a qu'une seule université au sein de la Comue et que cette dernière porte l'Idex, cela fonctionne bien", souligne Emmanuel Roux, président de l'université de Nîmes et président de la commission juridique de la CPU (Conférence des présidents d'universités). À Grenoble également, "la Comue a toujours bien fonctionné, sans rapport de concurrence, mais dans une perspective de fusion", ajoute-t-il, attribuant le succès de ces projets à une coordination territoriale accrue.
"Cela a permis de faire travailler les établissements ensemble sur le plan de la gouvernance, mais aussi de procéder au lissage des offres de formation. Un point qui ne relevait pas de la compétence des Pres (pôles de recherche et d'enseignement supérieur). Les Comue ont favorisé les réseaux, ne jetons donc pas le bébé avec l'eau du bain !" tempère le président de l'université de Nîmes.
Le test de résistance des fusions
Pour autant, le modèle de la communauté d'établissements n'a pas été aussi satisfaisant pour tous les sites. En 2013, la loi ESR, dite "Fioraso", entre en vigueur. Elle prévoit plusieurs modalités de regroupements : la fusion, l'association à l'établissement chargé de la coordination et la participation à une Comue.
"Comme cela avait été le cas pour la loi Chevènement sur les intercommunalités, en 1999, il a fallu trouver le modèle le moins mauvais, analyse Emmanuel Roux. Sur chaque site, les établissements ont dû répondre à cette injonction très précise de la loi, qui exigeait une forme d'organisation très contraignante, avec en toile de fond le PIA (programme d'investissements d'avenir). Pour certains, la Comue a été vécue comme un non-dit, comme un outil préfigurant une fusion. Ce qui a généré de la suspicion."
Pour certains, la Comue a été vécue comme un non-dit, comme un outil préfigurant une fusion. (E. Roux)
Ce n'est donc pas une surprise si plusieurs Comue n'ont pas résisté aux fusions de leurs établissements membres. C'est le cas de Sorbonne Universités, dissoute le 1er janvier 2018, après la création de Sorbonne université, établissement regroupant l'UPMC et Paris-Sorbonne. Un scénario similaire pourrait s’écrire du côté de l'USPC (Université Sorbonne-Paris-Cité).
En décembre, le regroupement déposait en effet un nouveau dossier de candidature Idex, incarné par la fusion annoncée entre Paris 5 et Paris 7 pour donner naissance à l'université de Paris. "Si nous estimons que la valeur de la structure institutionnelle est limitée, nous dissoudrons la Comue et la remplacerons par une convention entre l'université cible et les partenaires associés", affirmaient sans ambages les porteurs du projet, dans le dossier de candidature Idex remis le 18 décembre 2017 au jury international.
Une contrainte administrative supplémentaire
Sur certains sites, ayant fait le choix de conserver leur Comue malgré un processus de fusion engagé entre les universités, cette nouvelle strate administrative a pu être perçue comme une contrainte supplémentaire, provoquant "un décalage avec la dynamique de fusion et parfois des situations de coexistence complexe entre la Comue et les établissements", rapporte Emmanuel Roux.
À Bordeaux, le président de l'université, Manuel Tunon de Lara, n'a jamais caché ses doutes quant à l'intérêt d'une Comue sur le territoire aquitain. Le regroupement est né un peu plus d'un an après la fusion de trois universités de la ville (Bordeaux 1, Bordeaux 2 et Bordeaux 4). En décembre 2017, l'université de Bordeaux, par la voix de son président, a annoncé son départ du regroupement, regrettant qu’il n'ait pas répondu aux attentes de ses membres.
"Après trois ans de fonctionnement et à l’instar d’autres Comue du pays, la Comue d’Aquitaine n’a pas atteint les objectifs qu’elle s’était fixés et n’a pas su répondre aux attentes de l’université de Bordeaux en termes d’appui à la politique de site prévue par la loi, en dépit de moyens spécifiques importants accordés par l’État", indiquait alors l'UB.
Le choc du redécoupage des régions
En 2015, le redécoupage induit par la réforme territoriale des régions est venu également rebattre les cartes. Le cas le plus emblématique de cette situation est celui de la Comue Léonard-de-Vinci. Déjà affaiblie par son échec dans la compétition Idex, celle-ci a subi au cours des derniers mois plusieurs départs (universités de La Rochelle, Tours, Orléans et Insa Centre Val-de-Loire). Si le redécoupage régional n'explique pas tout, il a tout de même changé la donne.
Début 2016, le président de la Région Aquitaine, Alain Rousset, avait rapidement émis le souhait que les universités de La Rochelle, Poitiers et Limoges, désormais dans son périmètre, intègrent la Comue Aquitaine. "Alors que la région Aquitaine finance l'enseignement supérieur et la recherche à hauteur d'une centaine de millions d'euros par an, il n'est pas aberrant que les régions émettent des souhaits dans ce domaine", insistait Gérard Blanchard, vice-président en charge de l'enseignement supérieur et la recherche en Nouvelle-Aquitaine et ancien président de l'université de La Rochelle. Ce dernier précisant toutefois que "les universités qui ne sont pas dans la Comue continueront de recevoir des financements régionaux."
Vers un retour au modèle du Pres ?
Dans ce contexte, les Comue peuvent-elles encore tirer leur épingle du jeu ? Les prochains mois seront décisifs. Plusieurs sites, pour ne pas dire une majorité, attendent de pied ferme la possibilité d'expérimenter de nouvelles formes de regroupements. Cette possibilité est directement liée au projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, qui autorisera, via son article 28, le gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance sur le sujet.
"Les Comue seront les premières intéressées, prédit Emmanuel Roux, tout en mettant un bémol. L'ordonnance pourra remettre en cause le concept de chef de file et, par là, la notion même de coordination territoriale. Il faudra faire dans la dentelle pour éviter de tomber dans des organisations mal ficelées."
Selon lui, des modèles proches des Pres pourraient ainsi réapparaître, sous la forme d'un regroupement ne débouchant plus forcément sur la création d'un établissement public. Ce qui est sûr, c'est qu'en attendant la promulgation de la loi – examinée au Sénat mi-mars 2018 – les regroupements continuent de plancher sur leur futur modèle.
Comue par Comue : les dernières évolutions
- Aquitaine : l'université de Bordeaux, membre fondateur, a annoncé son intention de quitter la Comue Aquitaine, présidée par Vincent Hoffmann-Martinot.
- Bretagne-Loire : Pascal Olivard, son président, a indiqué réfléchir à un nouveau statut juridique faisant évoluer la Comue actuelle vers un établissement public administratif, rapportait Ouest-France le 16 janvier 2018. L'Université Bretagne-Loire a connu des échecs successifs aux appels à projets des PIA, puis a été confrontée courant 2017 au départ du CNRS, ainsi qu’à la volonté affiché par six acteurs rennais de créer un nouvel établissement.
- Centre-Val de Loire : Depuis le 1er novembre 2017, les universités de Tours et Orléans sont réunies au sein de la toute nouvelle Comue Centre-Val de Loire. Cette dernière, qui réunit cinq établissements du secteur, acte le recentrage régional des regroupements du secteur.
- Champagne : la Comue Université de Champagne regroupait l’université de Reims, l’UTT (université technologique de Troyes), l’ESC Troyes, l’EPF, l’Esad (École supérieure d’arts et de design) de Reims, Arts et métiers et l’IRTS (institut régional du travail social) de Champagne-Ardenne. Elle a disparu au 1er janvier 2018.
- Hésam : Fin 2016, Hésam a perdu sa seule université membre, Paris 1-Panthéon-Sorbonne.
- Léonard-de-Vinci : en août 2017, les nouveaux statuts de la Comue Léonard-de-Vinci ont été publiés au Journal officiel. Ils ont acté le départ des universités de Tours, Orléans, La Rochelle et de l’Insa Centre-Val de Loire, provoqués notamment par la redécoupage des régions. La Comue regroupe désormais les universités de Poitiers, de Limoges et l’ISAE-ENSMA.
- Saclay : En octobre 2017, Emmanuel Macron officialisait la séparation en deux entités du projet initial de regroupement. D’un côté New Uni, regroupant Polytechnique, Télécom ParisTech et SudParis, Ensta ParisTech et Ensae ParisTech et de l’autre Paris-Saclay, regroupant les autres membres historiques de la Comue.
- USPC : l'université de Paris, réunissant Paris 5 et Paris 7, doit prendre la tête du projet Idex s'il est validé par le jury international. L'avenir de la Comue est donc sur la table. “Si nous estimons que la valeur de la structure institutionnelle est limitée, nous dissoudrons la Comue et la remplacerons par une convention entre l'université cible et les partenaires associés”, est-il affirmé dans le dossier de candidature.
- Sorbonne Universités : la naissance de Sorbonne université a signé la fin de la Comue de Sorbonne Universités au 1er janvier 2018. La Comue, qui abritait les deux établissements fusionnés, ainsi que l’UTC (université technologique de Compiègne), ou encore l’Insead (Institut européen d’administration des affaires), a été dissoute, suite à un décret publié le 18 décembre 2017.