Ce ne sont que 27 pages sur les 621 du "rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale" rendu public le 17 septembre 2013. Mais elles sont lourdes de critiques sur le mode de gestion "singulier et peu encadré" des mutuelles étudiantes, leur "gouvernance peu satisfaisante" et leur "qualité de service très insuffisante". L’analyse porte en particulier sur le mode de gestion de trois mutuelles étudiantes : la LMDE et deux mutuelles régionales, la SMEREP et VITTAVI, "qui représentent les deux tiers des affiliés à la sécurité sociale étudiante".
Sous-affiliation et manque d'objectifs
Sur le mode de gestion, les membres de la Cour des comptes pointent d’abord la sous-affiliation des étudiants : par extrapolation, les magistrats estiment que près de 40.000 personnes qui devraient l'être ne sont pas affiliées à la sécurité sociale étudiante. Ce phénomène jugé "regrettable" serait dû à une mauvaise coordination entre la direction de la sécurité sociale et la direction générale pour l'enseignement supérieur et l’insertion professionnelle (DEGESIP).
Par ailleurs, sur la gouvernance, le rapport souligne l’absence de convention d’objectifs et de gestion entre l’Etat et les mutuelles, ce qui se traduit, notamment de la part de la LMDE, par une tendance à "l’auto-assignation des objectifs" : "Les mutuelles étudiantes poursuivent dès lors des objectifs qui ne leur ont été fixés ni par les services de l’État ni par la CNAMTS (Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés) ni au demeurant par l’ensemble de la population qu’elles gèrent."
Une qualité de service en défaut
Sur la qualité de service, le constat est sévère et tranche avec les enquêtes de satisfaction auto-produites par les mutuelles. Selon l’enquête de la Cour, la SMEREP et la LMDE recueillent les plus mauvais scores de satisfaction, respectivement 2,3/5 et 2,5/5 de satisfaction.
"L’insatisfaction des étudiants a des causes objectives", notent les magistrats qui font état des dysfonctionnements liés à la carte Vitale (exemple : "un quart des étudiants déclarent de fait avoir bénéficié d'une carte Vitale en état de fonctionnement moins d'un mois après leur affiliation quand 10% n'en étaient toujours pas dotés neuf mois plus tard") et des relations difficiles avec les affiliés par téléphone, courrier ou accueil physique (exemple : à la LMDE, le nombre d’appels a été multiplié par 3,7 entre 2008 et 2012 avec croissance des réclamations liées à des retards dans le traitement des feuilles de soins (près de 200.000 en stock en 2011).
Trop cheres, pas assez productives
Enfin, la Cour des comptes fait état de coûts de gestion élevés, avec une "rémunération trop avantageuse" et des "niveaux de productivités faibles". "A périmètre comparable, les mutuelles étudiantes paraissent significativement moins productives que les caisses primaires" note le rapport en précisant que cet état de fait tient en partie à la gestion des nouveaux affiliés (un tiers de nouveaux chaque année). Si les magistrats de la Cour saluent les efforts de réorganisation de la première mutuelle étudiante depuis une dizaine d’années, ils pointent la "situation préoccupante de la LMDE" qui affichait en 2011 un déficit de 23 millions d’euros.
En conclusion, la Cour des comptes recommande de "reconsidérer le maintien de la gestion déléguée de l’assurance maladie des étudiants" et "dans l’immédiat" de "permettre aux étudiants, à cotisation inchangée, d’opter chaque année jusqu’à 28 ans entre le maintien du rattachement au régime de leurs parents et l’affiliation à la sécurité sociale étudiante" ce qui, selon les auteurs de ce rapport, permettrait "69 millions d'euros d'économies".