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Licence santé : zoom sur trois projets d’expérimentation

Céline Authemayou Publié le
Licence santé : zoom sur trois projets d’expérimentation
Les jardins de l'UPMC // ©Camille Stromboni // ©  Camille Stromboni
Alors que l'article 22 du projet de loi ESR est examiné mardi 23 avril par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, les universités réfléchissent d’ores et déjà à l'ouverture de l'expérimentation dans les filières santé, rendue possible par ce texte. Plusieurs établissements travaillent ainsi à l’élaboration de nouveaux cursus, permettant à un public plus large de rejoindre les études sélectives de santé. Avec un objectif : préférer l’orientation à la réorientation. Zoom sur trois projets.

Diversifier les profils, réduire le taux d'échec en PACES (première année commune aux études de santé), amener les étudiants au niveau master... Quels que soient les projets, les objectifs sont les mêmes. Sans attendre la promulgation de la loi ESR, certaines universités travaillent depuis plusieurs mois à des projets de nouveaux cursus, visant à "corriger" les défauts de la première année commune aux études de santé. "Ces défauts ne sont plus à démontrer, constate Jean-François Girard, président du PRES Sorbonne Paris Cité. Les études de santé sont trop isolées des autres disciplines et il n'existe aucune perméabilité."

Autre critique : le fort taux d'échec en fin de PACES, qui laisse sur le carreau près de 80% des étudiants. "Il faut arrêter de se demander comment réorienter les jeunes après un échec mais au contraire réfléchir à des solutions pour les mener au mieux jusqu'au master", insiste Isabelle Richard, doyen de la faculté de médecine d'Angers, très déçue par la PACES.

PRES Sorbonne Paris Cité, Bordeaux et Strasbourg : un dispositif Passerelle

L'expérimentation n'existe encore que dans ses grandes lignes. Porté à l'origine par l'université Paris XIII, le projet regroupe aujourd'hui le PRES Sorbonne Paris Cité (auquel appartient Paris XIII) mais aussi l'université de Strasbourg et la future université de Bordeaux. "Le fait de ne pas être seul permet d'expérimenter plusieurs hypothèses simultanément", constate Jean-François Girard, président du PRES francilien. Le projet porte sur un dispositif "passerelle" permettant à des étudiants de licence de rejoindre les études médicales sans forcément passer par la PACES.

A l'heure actuelle, deux pistes sont envisagées : créer une nouvelle licence ou s'appuyer sur les cursus existants, à l'image des licences proposées par l'UFR Santé, médecine biologie humaine de l'université Paris XIII, par exemple. "La première année d'études après le baccalauréat doit servir d'orientation, souhaite Jean-François Girard. Avec ce projet, les étudiants seront assurés d'obtenir une licence – à condition qu'ils travaillent ! -, même s'ils échouent au concours de médecine."

Conservation des deux parcours

Côté calendrier, les établissements partenaires espèrent pouvoir proposer ce cursus expérimental aux étudiants dès la rentrée 2014. La voie "classique", à savoir la PACES sera maintenue, pour que chacun puisse choisir son parcours. "Tout l'enjeu est d'offrir les mêmes possibilités et les mêmes droits aux jeunes, qu'ils décident de s'inscrire en PACES ou d'opter pour cette expérimentation", note Jean-François Girard.

Pays de la Loire : une licence "sciences de la vie, sciences humaines et ingénierie appliquée à la santé"

Initié par l'université d'Angers, le projet réunit aujourd'hui de nombreux établissements de la région Pays de la Loire : les universités du Maine et de Nantes, mais aussi les écoles d'ingénieurs (Mines, Centrale, ESEO, ESA, Oniris) et les écoles de commerce (Essca entre autres). "Tous les directeurs et présidents des établissements publics et privés de la région ont été invités à rejoindre le groupe de travail", explique Isabelle Richard, doyen de la faculté de médecine d'Angers.

La future licence pourra être proposée au sein des différentes universités partenaires. L'UFR de rattachement reste à déterminer et les équipes pédagogiques seront pluridisciplinaires. "Cette licence dépasse le seul public de la PACES, affirme Isabelle Richard. Les étudiants inscrits dans ce cursus pourront évidemment poursuivre leurs études en santé mais aussi en master ou en écoles d'ingénieurs."

Passerelles pour la médecine en L1 et L2

Pour accéder à la L1, un avis favorable sera donné à tous les titulaires d'un baccalauréat L ou ES mention bien et très bien et à tous les titulaires d'un baccalauréat S mention assez bien. "Cette licence s'adresse aux bons élèves et nous assumons ce côté élitiste", note Isabelle Richard. Durant cette première année, les cours couvriront trois grands domaines : les sciences de la vie et de la santé ; les mathématiques, physique, informatique et sciences pour l'ingénieur et les sciences humaines et langues vivantes. Un module de découverte des métiers de la santé sera également au programme. La mise en commun des contenus pédagogiques est envisagée : des MOOCs (Massive online open courses) seront développés pour réserver le temps présentiel aux travaux dirigés.

A l'issue de la L1, les étudiants pourront tenter les concours de médecine, pharmacie, dentaire ou vétérinaire. Le nombre de places réservées à ces étudiants reste à déterminer. En fin de L2, une passerelle permettra également de rejoindre les études médicales, directement en troisième année ou d'intégrer des filières courtes type institut de formation en soins infirmiers (IFSI). Quant aux étudiants obtenant leur licence "sciences de la vie, sciences humaines et ingénierie appliquée à la santé", ils pourront rejoindre un master, comme tout diplômé de L3. Après une année 2013-2014 consacrée à la définition précise du projet, les établissements devraient pouvoir proposer cette licence nouvelle dès la rentrée 2014.

L'UPMC et l'UPEC pour une "une licence santé-sciences-humanités"

La future licence pourrait bien s'intituler "santé-sciences-droit-humanité", si les universités Paris 2 – Panthéon-Assas et Paris 4 Paris-Sorbonne - membres du PRES Sorbonne Université tout comme l'UPMC - rejoignent l'aventure. L'UPEC, pourtant membre d'un autre PRES, est déjà impliquée.

Le projet, porté à l'origine par l'UPMC entend proposer aux étudiants un cursus pluridisciplinaire. "L'idée est simple, note Serge Uzan, doyen de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie. Il s'agit d'aider les jeunes à trouver leur voie, grâce à un parcours préférant l'orientation à la réorientation." En fin de L1, un premier concours sera proposé aux étudiants souhaitant rejoindre les études de santé (médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique). S'ils échouent, ils pourront poursuivre en L2. Un second concours sera proposé en fin de premier semestre, avec un contenu différent pour éviter le bachotage. "Notre objectif est de proposer des passerelles, pas des contournements au système actuel, tient à rappeler Serge Uzan. Les études de santé sont déjà assez longues, nous voulons privilégier le parcours le plus direct possible."

Vers un remplacement de la PACES

Pour l'instant, le nombre d'étudiants sélectionnés en L1 et L2 reste à déterminer, mais une séparation du numerus clausus est envisagée : 40% des étudiants pourraient être admis en deuxième année de médecine après la L1 et 30% après le premier semestre de la L2 (les 30% restants étant ouverts à des passerelles). Tous les autres pourront poursuivre vers la troisième année de licence.

Outre la volonté affichée d'en finir avec le fort taux d'échec en fin de PACES, ce projet entend ouvrir les formations de santé à des profils diversifiés, qu'ils soient scientifiques ou littéraires.

Du côté de la mise en œuvre de cette nouvelle licence, elle pourrait intervenir à la rentrée 2016. Temps nécessaire pour construire les programmes et faire valider les contenus au Cneser. Des mesures transitoires devront être trouvées pour les étudiants actuellement engagés en filière santé. A terme, et si la loi ESR permet bel et bien ces expérimentations, l'UPMC, qui s'associera à l'UPEC dans le cadre d'un futur "collegium", souhaite franchir un cap symbolique : remplacer la PACES au profit de cette nouvelle licence.

Céline Authemayou | Publié le