Dans le vaste hall d'accueil aux murs immaculés et au mobilier sobre et coloré, les étudiants affluent, seuls ou par petits groupes. En cette fin de matinée glaciale de janvier, certains viennent chercher un peu de chaleur autour d'un café. D'autres rejoignent la bibliothèque et les espaces de travail mis à leur disposition sur les trois niveaux qui composent Lilliad.
Dans ce bâtiment, reconnaissable à sa conception circulaire et aux claustras ornant ses baies vitrées, l'ambiance est à la fois décontractée et studieuse. Dehors, le métro passe devant les fenêtres de la grande rotonde, sans qu'aucun bruit ne vienne perturber le travail des étudiants. "Regardez, c'est tellement calme qu'ils arrivent à s'endormir sans problème", lance, goguenard, Julien Roche.
Le directeur de Lilliad connaît comme sa poche tous les couloirs du learning center de l'université Lille 1. Porteur du projet depuis dix ans, c'est un peu "son bébé" qu'il a ouvert au public à la rentrée 2016. Depuis, il multiplie les visites, sollicité par des établissements d'enseignement supérieurs français et européens, curieux de venir découvrir cette bibliothèque 2.0.
S'ouvrir sur la cité
Au sein des 12.600 mètres carrés qui composent Lilliad, les étudiants retrouvent une bibliothèque universitaire rénovée – le bâtiment avait été fermé en 2011 pour des raisons de sécurité. Aux rayonnages de livres, ont été ajoutés 54 salles de travail, des lieux de sociabilité, comme une cafétéria et plusieurs coins de détente, ainsi que, et c'est la nouveauté du lieu, un espace réservé à l'événementiel et un autre à la médiation scientifique.
"Lilliad a été pensé comme un lieu de rencontre et d'échanges, entre l'enseignement supérieur, la recherche, mais aussi le monde économique et le grand public", résume Jean-Christophe Camart, président de l'université Lille 1 depuis mai 2016.
L'exemple d'Xperium est emblématique. Au rez-de-chaussée du bâtiment, un hall présente au public – et notamment aux lycéens – des expériences scientifiques conçues par les équipes de l'université. Elles montrent de façon ludique les recherches partenariales menées dans les laboratoires maison. Chercheurs, partenaires industriels et grand public se retrouvent autour d'une même initiative.
Les cycles d'exposition, conçus à la suite d'un appel à projet lancé en interne, sont destinés à se renouveler tous les deux ans. "Xperium fait partie du changement d'image que nous souhaitons insuffler au sein de l'établissement, précise Julien Roche. Lilliad doit permettre à l'université de s'ouvrir sur la cité."
Pour accueillir les étudiants, 70 personnes travaillent à Lilliad. // © Atmosphère photo
Une décennie de projet
L'ambition et les objectifs de Lilliad ont été l'objet d'un travail long de plus de dix ans. En 2005, Lille 1 entame une grande réflexion sur le devenir de sa bibliothèque universitaire. Quelques années plus tôt, la seule rénovation du bâtiment avait fait l'objet d'une ligne budgétaire dans un CPER (contrat de plan État-Région) pour finalement être stoppée.
C'est sur cette base que Julien Roche et Philippe Rollet, alors président de l'université, dessinent les premières lignes de ce qui deviendra Lilliad. À la même époque, Daniel Percheron, alors président du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, souhaite créer un réseau de learning centers sur son territoire.
"Cette ambition politique, couplée aux volontés stratégiques de l'université, a créé un terrain favorable pour la mise en œuvre du projet", reconnaît Jean-Christophe Camart. En 2009, l'établissement est l'un des lauréats du plan Campus, ce qui lui permet de mobiliser des crédits pour financer les 35 millions d'euros de budget du projet.
Des innovations repérées ici et là
Espaces modulables, gestion poussée de l'acoustique, réservation des salles via une application mobile, prêt et dépôt automatisés des documents... Tous les services semblent avoir été pensés dans les moindres détails. Durant dix ans, Julien Roche a beaucoup voyagé, multipliant les visites de bibliothèques et de learning centers, en Europe et aux Etats-Unis. Il en a rapporté des bonnes pratiques, appliquées à Lilliad.
La salle d'innovation pédagogique, mise à disposition de tous les enseignants de l'établissement, lui a été inspirée par les Adicode, portés par Yncréa, ainsi que par la D-school de l'université de Stanford. Quant à la transformation du grand escalier en lieu de détente grâce à des coussins, c'est une idée rapportée d'une bibliothèque municipale allemande.
"On a des prises électriques !"
Depuis l'ouverture des lieux à la rentrée 2016, Lilliad, qui emploie 70 personnes, semble avoir trouvé son public. "Jusqu'à présent, je n'étais pas un grand adepte de la bibliothèque universitaire, concède Simon Colas, inscrit en licence 3 de biologie. Mais je viens ici très régulièrement pour travailler en groupe, mais aussi pour me détendre, lire la presse..." "Et trouver des prises électriques !" ajoute, pragmatique, Sarah Foudi, étudiante en licence de psychologie.
Avec une capacité de 1.500 places pour 20.000 étudiants inscrits à l'université, Lilliad a déjà connu des périodes de saturation, notamment avant les partiels de décembre. "En juin, nous devrons tirer un premier bilan de la fréquentation et de l'utilisation de l'espace", note Jean-Christophe Camart.
Julien Roche, quant à lui, a déjà prévu des évolutions. Il travaille avec une équipe de recherche de l'université sur un projet qui permettrait d'équiper chaque place de la bibliothèque de capteurs de présence. Via une application mobile, les étudiants pourraient ainsi connaître en temps réel le nombre de places disponibles. "Et ça, je ne l'ai encore jamais vu ailleurs", sourit le directeur.
L'ampleur du phénomène Lilliad en ferait presque oublier les autres projets portés par les universités de la ville. Lille 2 a également ouvert un learning center à la rentrée 2016, baptisé Learning center santé. Quant à Lille 3, un projet est en cours d'élaboration, pour une probable ouverture en 2020. Tous ces chantiers prennent une dimension particulière, dans la perspective de la fusion des trois universités lilloises en 2018.
Depuis 2013, plus de 100 responsables de l'enseignement supérieur français et professionnels de la formation ont participé aux Learning Expeditions EducPros.
Le 27 janvier 2017, dans le cadre de la prochaine conférence EducPros, ils viennent partager ce que cette immersion a changé pour eux, leurs équipes, ce qu'ils ont pu accélérer, développer et mettre en œuvre concrètement dans leurs établissements.