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Loi ESR : ces universités qui ne veulent pas faire "communauté"

Camille Stromboni Publié le
Loi ESR : ces universités qui ne veulent pas faire "communauté"
Aix-Marseille université - Saint-Charles - bibliothèque - décembre 2012 – ©C.Stromboni // © 
Un pôle urbain avec une grande université et une université de petite taille sur un même territoire. Les trois académies qui entrent dans ce schéma (Aix-Marseille, Nice, Strasbourg) n'envisagent pas de créer une communauté, telle que prévue par le projet de loi ESR. Elles devraient préférer, plutôt par défaut, l'option "rattachement". Avec en toile de fond, la question des contrats de site.

"La question que je pose est simple : qu'est-ce que cela pourrait apporter de plus à mon université ?" Emmanuel Ethis, à la tête de l'université d'Avignon, résume bien l'état d'esprit des présidents de la région PACA, qui ne veulent pas d'une communauté d'universités, nouveau format prévu par la loi ESR. "Je n'ai pas d'argent à mettre dans une nouvelle structure, d'autant plus en ce moment où l'Etat m'en retire", soutient Yvon Berland, président d'Aix-Marseille.

Yvon Berland - président université Aix-Marseille - ©C.Stromboni - décembre 2012En PACA : navigation à vue

Toulon, Nice, Aix-Marseille, Avignon… Le Sud-Est possède cette particularité de ne pas avoir constitué de PRES (pôle de recherche et d'enseignement supérieur), au moment où la nouvelle loi sur l'enseignement supérieur et la recherche prévoit la transformation de ces derniers en "communauté d'universités", à même de recevoir des financements, et future interlocutrice pour le contrat de site.

"La communauté peut servir à des établissements qui ne collaborent pas. Mais nous, nous travaillons depuis très longtemps ensemble, pour éviter les recoupements notamment," ajoute Emmanuel Ethis. "Tant que l'université d'Aix-Marseille ne sera pas achevée, il n'est pas raisonnable de se lancer dans une superstructure supplémentaire", s'énerve Yvon Berland. D'autant que nous avons gagné énormément en visibilité avec l'université unique,  au niveau national et international. Cela n'apporterait que de la confusion."

Emmanuel Ethis - président université Avignon - ©C.Stromboni - 2012Côté niçois également, les dents grincent. " Depuis les RCE (Responsabilités et compétences élargies), il a fallu chercher sa place sur le territoire. Au moment où l'on est en train d'affirmer nos identités, on nous demande de les refondre", déplore Frédérique Vidal, à la tête de l'université de Nice Sophia Antipolis.

Quid du contrat de site…

Une autre option est néanmoins ouverte par la loi : le rattachement, que le président d'Avignon envisage avec Aix-Marseille, comme un conventionnement. "Nous ne sommes pas du tout dans une logique de résistance à la loi", souligne Emmanuel Ethis, qui se dit plutôt perplexe.

Dominique Vidal - Université de Nice - Avril 2013 ©C.StromboniCar l'état d'esprit du texte de loi, et surtout l'idée que seuls 30 pôles subsisteront dans la carte de l'ESR français, avec la mise en place des contrats de site uniques, font naître certaines craintes.

"Nous sommes quatre présidents d'université en PACA, aucun ne souhaite signer un contrat unique. Nous voulons bien sûr travailler ensemble, ce que nous avons déjà commencé à faire, mais il est important de garder un contrat par université pour prendre en compte les spécialités de chacun. Et si le contrat unique n'est qu'une superstructure, qui décline nos quatre contrats, quel est l'intérêt ? On sent bien que si l'on ne met rien en commun au niveau de la communauté, on sera pénalisé puisque la loi prévoit que de nouveaux moyens pourront leur être attribués…", s'alarme la présidente niçoise.

Pour le président de l'université du Sud Toulon-Var, Marc Saillard, "les discussions avec les autres universités régionales n'en sont qu'aux prémices. La notion de rattachement fait elle-même encore l'objet d'évolutions de la part du ministère. Il est donc prématuré d'annoncer une quelconque préférence de notre part."

Si le contrat unique n'est qu'une superstructure, qui décline nos quatre contrats, quel est l'intérêt ? (F. Vidal - UNS)


Alsace : le rattachement déjà à l'ordre du jour

Christine Gangloff-ZieglerCôté alsacien, les perspectives sont plus claires. L'université de Strasbourg et sa voisine l'université de Haute-Alsace, avaient déjà acté un rattachement de la seconde à la première, avant la réforme. "Avec le projet de loi, nous avons reposé la question de la communauté mais Strasbourg ne la souhaite pas. Nous nous sommes ralliés à cette vision, notamment pour éviter une certaine lourdeur de fonctionnement", explique Christine Gangloff-Ziegler, présidente de l'UHA.

"C'est une question de schéma. Quand il y a communauté, il y a plus de deux universités, de taille relativement équivalente, estime son homologue alsacien Alain Beretz. Ce n'est pas le cas chez nous."

"Il était hors de question de faire un PRES ou une communauté, ajoute le professeur, sachant que nous venons de faire l'effort de la fusion."

Alain Beretz - université de StrasbourgLe terme "rattachement" reste néanmoins délicat. "Nous avions suggéré 'association', mais cela n'a pas été retenu par le ministère", explique la présidente de l'UHA, qui réfute l'idée d'une subordination. "Ce n'est pas notre vision. Nous sommes attentifs à rester de vrais partenaires", assure-t-elle.

"Ce n'est pas une question de sémantique ou de formulation, ajoute Alain Beretz. La politique de site sera avant tout ce que les acteurs veulent en faire."

Quant au contrat de site alsacien, il est, lui, envisagé à quatre : les deux universités, l'INSA et la BNU [Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg], qui est, elle, déjà rattachée à l'université de Strasbourg. Avec un comité de pilotage réunissant les exécutifs de chaque établissement . "Il s'agit d'une instance de dialogue et de concertation. Il y aura un retour devant les conseils d'administration respectifs pour les aspects décisionnels", précise la présidente de l'UHA. Une configuration déjà dénoncée par les syndicats FSU.

Reste à savoir si le débat parlementaire fera évoluer les termes et les modes de regroupements. "L'association" devrait y trouver une place.

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