Quels sont les masters 2 qui pourront continuer de sélectionner ? La question fait polémique depuis plusieurs semaines, suite à la décision du Conseil d’État jugeant illégale toute sélection en master, en l’absence d’un décret établissant une liste limitative de ces formations pouvant sélectionner.
Le texte règlementaire, qu’EducPros s’est procuré, sera examiné en Cneser (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) le 18 avril 2016. Il liste environ 1.300 mentions de master 2 – sur les 3.000 qui existent – issues de 80 établissements (les universités, ainsi que l’EHESS, l’EPHE, l’Inalco, l’ENC, le Museum ou encore les Écoles normales supérieures). Pour certains, il s’agit d’une seule mention visée, quand d’autres émargent à une soixantaine, comme le mastodonte d’Aix-Marseille Université, ou à une quarantaine pour Grenoble-Alpes ou Paris-Saclay.
Dans ces masters, l’admission en deuxième année peut "dépendre des capacités d’accueil de l’établissement d’enseignement supérieur telles qu’il les a fixées et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat, selon des modalités définies par l’établissement", est-il indiqué dans le décret. Une liste qui sera "actualisée à chaque rentrée universitaire", est-il précisé.
Une autre forme de sélection pour les étudiants "extérieurs"
Le décret distingue une seconde situation où l’entrée en master 2 pourrait être limitée, pour l’ensemble des masters cette fois-ci, c'est-à-dire également pour ceux qui ne figurent pas dans la liste.
"L’inscription d’un étudiant désirant poursuivre sa formation de master à l’issue d’une année universitaire dans un établissement d’enseignement supérieur autre que celui dans lequel il était inscrit est subordonnée à la vérification, par le responsable de la formation de l’établissement d’accueil, que les unités d’enseignement déjà acquises dans son établissement d’origine sont de nature à lui permettre de poursuivre sa formation en vue de l’obtention du diplôme de master", est-il détaillé dans le projet de décret.
La même règle s’applique pour un étudiant issu d’une autre mention de M1. Le décret affirme s’appuyer sur l’article D. 612-36-2 du Code de l'éducation pour édicter ces deux possibilités.
C'est trop flou pour résister à des recours en justice bien ficelés.
(B. Sire)
Une règle valable juridiquement ?
"Juridiquement, cela me semble très fragile", estime Bruno Sire, président de l’université Toulouse 1-Capitole. Le juriste fait partie des présidents qui ont dénoncé, quelques jours plus tôt, au cours de la négociation autour de cette liste, l’absence de plusieurs de ses mentions qu’ils voulaient voir figurer sur ce décret.
Si le président toulousain a réussi à trouver un compromis à ce sujet pour son établissement, il reste perplexe devant cette nouvelle règle. "Ce décret sécurise un peu la situation pour la rentrée qui vient. Nous devrions pouvoir nous appuyer sur ces deux alinéas pour réguler les flux. Mais c'est trop flou pour résister à des recours en justice bien ficelés. Sans compter que cela va réduire la mobilité des étudiants entre établissements, et, en interne, entre mentions, ce qui est fort dommage. Dans tous les cas, cela ne peut être que provisoire", estime-t-il.
"Ce décret sécurise, a minima, la situation pour 2016, pour les mentions inscrites dans la liste, estime également Jean-Loup Salzmann, président de la CPU (Conférence des présidents d'université). Pour les autres, qui auraient besoin de sélectionner, cela ne change rien. Cette situation ne peut durer, cela oblige le gouvernement à trouver une véritable solution dans l'année qui vient."
Un débat à venir
Le secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur, Thierry Mandon, a justement annoncé, le 13 avril 2016, sur RTL, le lancement de la concertation sur le sujet pendant les quatre prochains mois. Une manière de signifier que la question de la sélection en master est loin d'être réglée.