Installé dans un immeuble du centre-ville de San Francisco, le siège de l'université Minerva a tout l'air de celui d'une start-up, avec son vaste open space, sa cuisine, ses "standing desks" et ses salles de réunion vitrées. Ce lundi matin, quelques étudiants sont venus y étudier, ordinateur sous le bras, et partagent l'espace avec les équipes de Minerva : 70 personnes au total, dont neuf professeurs permanents. Un chiffre amené à grossir au fil des ans.
Après une phase de test en 2014, la première vraie promotion de 111 étudiants a fait sa rentrée en première année en septembre 2015. 80% d'entre eux sont étrangers, un tiers vient d'Asie.
Les débuts sont prometteurs : 11.000 jeunes se sont portés candidats, partout dans le monde, séduits par le projet de l'école : un Bachelor "d'élite" au prix abordable et très international.
Minerva a réussi à débaucher des universitaires solides : le doyen de la faculté est un ancien de Harvard. Surtout, elle a des caisses bien remplies. L'institution, créée par Ben Nelson, un ancien patron de Snapfish, a réalisé deux levées de fonds pour un total de 95 millions de dollars.
La classe inversée à grande échelle
La vision pédagogique de Minerva, sans être follement novatrice, est en phase avec son temps : pour former les dirigeants de demain "à des métiers qui n'existent pas encore", l'université mise sur la culture générale, les travaux de groupe, les modules interdisciplinaires favorisant la créativité, la communication, l'esprit critique, etc.
Ce sont les moyens mis en œuvre qui sont plus originaux. Les conférences et les cours magistraux ont été jetés aux oubliettes. À Minerva, les étudiants acquièrent les savoirs avant le cours, via des Mooc, des lectures etc.
Les cours sont assurés par des professeurs, en petits groupes d'une dizaine d'étudiants, et sont centrés autour des discussions et réflexions, selon la pédagogie de la classe inversée. Des cours qui ont lieu aussi en ligne.
Nous n'avons pas de stade, pas d'orchestre, pas de gymnase, pas de bâtiments universitaires. Nos campus, ce sont les villes. (S. Kosslyn)
Une technologie maison
La botte secrète de Minerva : sa technologie, dont elle est propriétaire. Avec son équipe de douze ingénieurs, Minerva a développé sa plateforme qui reproduit l'intimité d'une classe en ligne, et "l'augmente" via diverses applications.
Le professeur est face à son ordinateur, et voit chaque élève de sa "classe virtuelle" dans des petites vignettes. Les étudiants, chacun devant leur écran, peuvent parler à leur enseignant ou entre eux, tandis que le professeur peut les sonder avec des quiz, assigner des travaux différents à chaque élève, leur monter des documents, leur faire écouter des extraits sonores... Minerva utilise les données recueillies par son logiciel pour améliorer la pédagogie.
Un semestre par campus
Autre élément différenciant : l'international. Après une première année à San Francisco, les élèves vont changer chaque semestre de campus pendant les quatre années du bachelor : Buenos Aires puis Berlin la deuxième année, une troisième année entre Séoul et Bangalore, et la quatrième année entre Londres et Istanbul.
Alors que les étudiants américains sont peu nombreux à voyager pendant leurs études, le concept tranche. Objectif : former des jeunes ouverts, curieux et "globalisés". "Dans les différents campus, les élèves ont aussi tout un programme de visites d'institutions, d'entreprises, de rencontres et conférences, et doivent réaliser des travaux en rapport avec le pays", ajoute Stephen Kosslyn, le doyen de la faculté.
Minerva entend aussi apporter une réponse au débat sur les frais de scolarité aux États-Unis. Alors que les universités américaines prestigieuses, avec lesquelles Minerva entend être en compétition, proposent des Bachelors à 50.000 ou 70.0000 dollars l'année tout compris, Minerva coûte 23.000 dollars par an logement inclus (10.000 dollars hors hébergement). Du "low cost" aux États-Unis.
Stephen Kosslyn l'explique : "Nous n'avons pas de stade, pas d'orchestre, pas de gymnase, pas de bâtiments universitaires. Nous avons seulement des résidences, louées partout dans le monde. Nos campus, ce sont les villes." Une souplesse qui devrait permettre à Minerva, si la mayonnaise prend, de grossir rapidement.
Minerva a fait partie des visites de la Learning Expedition EducPros dans la Silicon Valley début novembre 2015. La délégation s'est également rendue à Stanford, Berkeley, Autodesk, Techshop, Coursera...
Véritable plongée au cœur de l'innovation et de l'écosystème de la côte Ouest, ce voyage d'études a été l'occasion pour les participants de nouer de nouveaux partenariats et de faire émerger de nombreux projets.