Aller sur l'Etudiant Newsletter Mon compte

Nom de code : SimplonMars

Céline Authemayou Publié le
Nom de code : SimplonMars
Première promotion de SimplonMars // ©  École Centrale Marseille
L’école d’ingénieurs Centrale Marseille a ouvert le 2 mars 2015 une toute nouvelle formation. Créée en partenariat avec Simplon, "fabrique sociale de codeurs", SimplonMars entend former gratuitement des développeurs web issus des quartiers prioritaires de la ville. Une façon pour l’école d’ingénieurs de poursuivre son "open innovation sociétale".

Certains ont décroché un bac professionnel, d'autres une licence pro. Une bonne partie n'a pas le bac. Parmi les 24 élèves ayant rejoint le 2 mars 2015 la première promotion de SimplonMars, les parcours sont hétérogènes. Mais un point commun transparaît : tous les jeunes sont issus des quartiers prioritaires de la ville et connaissent des difficultés d'insertion professionnelle.

Né d'une rencontre inédite entre un établissement d'enseignement supérieur et les équipes de Simplon il y a plusieurs mois, ce nouveau cursus vise un double objectif : répondre aux besoins des entreprises du numérique, qui peinent à trouver des profils qualifiés. Mais aussi et surtout offrir l'opportunité à des jeunes de se construire un parcours professionnel et de s'insérer sur le marché du travail. "La formation est implantée au cœur de notre écosystème, au sein duquel cohabitent PME [petites et moyennes entreprises], grands groupes, associations, etc., constate Guillaume Quiquerez, à la tête du "labo sociétal" de l'École centrale, lieu de réflexion consacré aux innovations sociales en matière d'éducation. L'idée est d'immerger les élèves dans un bain nouveau pour élargir leur champ des possibles."

Quand l'implantation territoriale nourrit un projet social

Pour mener à bien ce projet, Centrale s'est donc associée à Simplon. L'école de développeurs, créée en 2013 à Montreuil (93), porte dans son ADN cette dimension sociale. Son but : offrir à de jeunes décrocheurs la possibilité de construire un projet en lien avec le numérique. La pédagogie par groupes y est légion, la formation par les pairs une seconde nature.

Lauréat 2014 de l'initiative gouvernementale "La France s'engage"
, Simplon est reconnue "entreprise sociale et solidaire" par l'État. Financée notamment par du mécénat d'entreprise et des subventions publiques, la structure essaime à vitesse grand V en France et à l'international, de l'Ardèche à Roubaix, en passant par la Roumanie ou encore la Guadeloupe. "Pour la dizaine de projets en cours, nous nous reposons sur une structure locale qui connaît parfaitement les enjeux territoriaux, explique Laure Pichot, responsable de l'essaimage chez Simplon. Le recrutement et l'orientation pédagogique s'adaptent ainsi aux besoins des lieux." En Ardèche par exemple, le projet est porté par la communauté de communes et s'adresse à un public en phase de reconversion professionnelle.

À Marseille, la volonté était claire dès le début. "L'école bénéficie d'une implantation originale, au cœur des quartiers Nord, rappelle Frédéric Fotiadu, directeur de l'établissement. De cette singularité, nous avons fait un vrai projet. Il se concrétise par diverses initiatives portées par le labo sociétal. Avec SimplonMars, nous poursuivons ce travail." "Si Centrale apporte son expertise en matière de formation plus académique, Simplon met à disposition sa méthodologie, sa pédagogie originale et sa force de frappe", note Laure Pichot. "Plus que d'une association de marques, il s'agit avant tout d'une association de savoir-faire", complète Frédéric Fotiadu.

"Explorer une pédagogie de rupture"

Depuis le 3 mars et durant six mois, les 24 élèves vont être sensibilisés et formés à la logique de la programmation informatique. Après une première évaluation des projets, les élèves seront orientés vers une coloration de leur formation : développeur web pour les uns, référent digital pour les autres. "Outre les conférences de professionnels, nous leur proposerons par exemple des cours de français ou d'anglais, explique Guillaume Quiquerez. Notre volonté est de leur apprendre à être agiles, pour qu'ils sachent répondre très vite, une fois sur le marché du travail, à de nouvelles problématiques." Après les six mois de la formation – réalisée par un ancien "simplonien" devenu formateur –, les élèves partiront en entreprise, où ils mèneront leur propre projet entrepreneurial, pendant six mois ou un an. Pour l'instant, la formation simplonienne n'est pas reconnue. Mais la structure vient de lancer les démarches pour obtenir un CQP (certificat de qualification professionnelle).

La formation, dont le budget est estimé à 100.000 euros, est à ce jour financée par des partenaires publics, dont la préfecture des Bouches-du-Rhône dans le cadre du pacte pour la sécurité et la cohésion sociale à Marseille. Très vite, l'établissement d'enseignement supérieur entend solliciter les sociétés de la région. Dans une zone géographique qui connaît un fort développement numérique, labellisée FrenchTech  il y a quelques mois, le cursus pourrait devenir l'un des éléments indispensables de cet écosystème. C'est en tout cas le souhait de l'école.

Quand le coût de formation par élève est d'environ 15.000 euros en école d'ingénieurs, il est estimé ici à 4.000 euros. "Nous ne voulons pas excéder ce coût, estime Frédéric Fotiadu.C'est un projet particulièrement frugal. Cela tient à la nature même de la formation mais aussi au projet global de Centrale. Dans un contexte budgétaire complexe, il est important d'optimiser l'utilisation des deniers publics. Cette initiative permet de réinterroger les modèles existants de formation. C'est pour nous une façon de poursuivre notre exploration de la pédagogie de rupture."

50 écoles du numérique d’ici à octobre 2015
Annoncé par François Hollande en février 2015, le projet de "grande école du numérique" se transformera en "écoles du numérique". La secrétaire d’État chargée du Numérique Axelle Lemaire a indiqué les objectifs du gouvernement vendredi 6 mars sur Europe 1. "Il ne s’agit pas de créer une nouvelle institution élitiste qui exclurait certains jeunes, a tenu à préciser Axelle Lemaire. Cette école se déploiera sous des formes multiples dans tous les territoires, à partir de ce qui existe déjà."

Le but est de répondre aux attentes des employeurs, qui "n’arrivent pas à remplir tous les postes disponibles et de réintégrer des jeunes, très en phase culturellement avec le numérique mais qui ont été exclus des parcours classiques." D’ici au mois d’octobre, le gouvernement entend labelliser 50 formations déjà en place, à l’image de Simplon, cité en exemple par la secrétaire d’État.

Le label n’octroiera pas un diplôme "classique" de l’Éducation nationale ou de l’Enseignement supérieur. Mais il devrait permettre aux recruteurs d’être rassurés quant à la légitimité de la formation. "Nous devons sortir du schéma traditionnel pour gagner de la souplesse", a précisé Axelle Lemaire. Les formations seront gratuites et accessibles à tous, sans condition de diplôme. "Le but est de s’adresser en particulier aux jeunes situés dans les quartiers d’éducation prioritaire, notamment aux jeunes filles."

Céline Authemayou | Publié le