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Parcoursup : à chaque université, sa formule

Laura Taillandier Publié le
Parcoursup :  à chaque université, sa formule
Alors que la mobilisation étudiante se poursuit, les universités mettent en œuvre chacune à leur manière la loi ORE. // ©  S. Laval / M. Muratet / C. Stromboni / B. Deroche
Définition des attendus, construction des parcours adaptés, préparation à l'examen des dossiers... À Marseille, Paris 13, Bordeaux, Brest, Poitiers et Mulhouse, présidents et vice-présidents de l'université font le point sur les différentes étapes de la mise en place de la réforme dans leur établissement. Ils mettent en avant les difficultés en termes de calendrier et de moyens, alors qu'une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme se déroulait mardi 10 avril.

Après la définition des attendus et la réflexion sur les parcours adaptés, les universités rentrent dans le vif de Parcoursup avec l'examen des vœux des candidats. Objectif : renseigner les résultats du travail des commissions avant le 18 mai.

Alors que le mouvement étudiant gagne du terrain et que des enseignants-chercheurs refusent de participer au tri des dossiers, les établissements poursuivent le chantier de la mise en place de la réforme pour la rentrée prochaine avec pour chacun des interrogations et des difficultés. Le point dans six universités : Bretagne occidentale, Poitiers, Bordeaux, Aix-Marseille, Paris 13 et Haute-Alsace.

À Mulhouse, une augmentation des candidatures

L'université de Haute-Alsace enregistre une hausse de 35 % des candidatures mais sa présidente se dit confiante sur l'issue du classement des vœux. "Nous n'avons pas eu de mal à trouver des volontaires pour composer les commissions", relève Christine Gangloff-Ziegler. Avec le jeu des candidatures multiples, "nous accueillerons au final l'ensemble des étudiants", assure-t-elle. Et si "certains enseignants se posent des questions en amont sur le travail que cela demande", poursuit-elle, "dans les filières qui ne sont pas en tension, le fait de classer les étudiants ne posera aucune question de sélection".

La présidente de l'université s'interroge également sur les mobilisations étudiantes : "Pourquoi ce mouvement, alors que la loi a été votée ? Ce n'est pas à ce stade que l'on peut faire évoluer le projet. Désormais, nous sommes tenus de l'appliquer. Ce mouvement me paraît être à contre-temps." Et d'insister : "Penser que la sélection n'existait pas est faux. Elle s'est toujours pratiquée au sein des universités, dans les IUT, les doubles cursus, les cursus préparatoires..."

À Poitiers, une opposition ferme à la réforme

À l'inverse, l'université de Poitiers affiche une opposition ferme à la réforme qui "ne changera rien" à la rentrée 2018, excepté en Staps. L'établissement ne proposera aucun attendu local pour ses formations ni de parcours adaptés à la rentrée 2018. Un "choix politique" pour Yves Jean, son président, qui s’interroge "sur le sens de la réforme et sur son calendrier totalement absurde". "La situation dans les universités est aujourd'hui préoccupante et, de ce point de vue, la mobilisation des étudiants a clairement un sens…", estime-t-il. Sa crainte ? "Assister à un jeu de concurrence entre les établissements."

Le choix de mettre en place la réforme a minima est aussi financier pour le président de l'université, qui déplore le manque de moyens. "Je trouve inadmissible que l’accueil des primo-arrivants soit soumis à un financement de ce type dans le cadre des nouveaux cursus universitaires et que le gouvernement ne fasse pas le choix de donner des moyens pérennes à l'ensemble des établissements, pour mettre en place les parcours adaptés."

À Bordeaux, une articulation avec les nouveaux cursus universitaires

Pour le président de l'université de Bordeaux, Manuel Tunon de Lara, cette réforme est justement en cohérence avec son projet sélectionné dans le cadre des NCU (nouveaux cursus universitaires), axé sur le premier cycle, la motivation des étudiants et l'adaptation des parcours. Même si les dispositifs de remédiation demanderont "encore deux ou trois années pour être installés". Pour les bâtir, l'université se basera sur un dispositif existant "en sciences et technologie" suffisamment "rodé" qui prévoit un semestre rebond.

Le président de l'établissement ne craint pas l'examen des dossiers d'entrée. "Ce n'est pas une nouveauté. Nous avons un gros IUT [institut universitaire de technologie] et plusieurs formations s'appuient sur cette démarche. Nous avons des éléments pour nous y aider : la fiche avenir, le projet de formation motivé, les notes…", souligne-t-il.

À Marseille, l'étape redoutée du tri des dossiers

À l'université d'Aix-Marseille, l'étape de l'examen des dossiers est davantage "redoutée". "Nous allons recevoir des milliers de dossiers que nous devrons classer, contrairement aux années précédentes. Ce n'est pas un algorithme qui s'en chargera", relève le vice-président en charge de l'établissement, Thierry Paul. Si un traitement automatique permettra d'effectuer un préclassement, "il faudra bien lire l'ensemble des appréciations des dossiers pour les trier". "Au final, le classement sera fait par les enseignants. Nous sommes novices en la matière."

Certaines facultés d'AMU ont également fait part de leur difficulté à distinguer les "oui" des "oui, si", notamment en lettres et sciences humaines. Aussi, les étudiants y seront tous accueillis et ne se verront proposer un dispositif de remédiation qu'après la rentrée lorsque les enseignants "verront comment ils s'en sortent". Dans les autres formations, l'université proposera "un pack en trois volets complémentaires" : une première année en deux ans, des modules transversaux et du tutorat.

À l'UBO, peu de parcours adaptés à la rentrée 2018

À l'université de Bretagne occidentale, les parcours adaptés "concerneront peu de filières cette année". "On ne forcera pas. Pour la rentrée 2018, nous les mettrons en place si nous sommes sûrs d'apporter un vrai bienfait aux étudiants", souligne son président, Matthieu Gallou. Et "là où la construction de ces parcours a déjà commencé, nous ne partons pas d'emblée sur l'idée de licences en quatre ans. C'est un vrai changement de fond, qui nécessite d'analyser avec précision les modifications apportées à l'arrêté licence", relève-t-il en plaidant pour le retour sur la table du contrôle continu intégral.

Dans son établissement comme dans beaucoup d'autres, la procédure de tri des dossiers "sera très différente" selon les formations. "Pour résumer, en mathématiques, ce sera plus facile qu'en psychologie…" Avec en creux une interrogation majeure : "Quel effet aura la mention 'en attente' sur les candidats ? Que fera le lycéen confronté à cette situation ? Se jettera-t-il sur un 'oui', même si ce n'est pas son premier choix ? Cela peut changer la donne."


Lire ou relire l'entretien. Matthieu Gallou : "Quel effet aura la mention 'en attente' sur les candidats ?"

À Paris 13, une régulation attendue des recteurs

En Île-de-France, l'université Paris 13, qui fait face à l'attractivité de ses voisines parisiennes, s'inquiète de la non-hiérarchie des vœux. "Pour nous, le risque est de voir, au final, les très bons étudiants partir dans ces universités et de devoir attendre la fin de la période des vœux des lycéens pour y voir plus clair. Nous classerons des dossiers sans savoir ce que les élèves ont en tête…" , relève le vice-président en charge de la formation, Olivier Oudar.

L'établissement attend donc beaucoup de la régulation opérée par le recteur que ce soit au travers des quotas de bacheliers hors académie ou de la commission d'accès à l'enseignement supérieur. Même si, reconnaît Olivier Oudar, "les discussions au sein de la commission avec le rectorat risquent d'être rudes. Parfois, l'équation sera impossible".

Laura Taillandier | Publié le