Lors de la clôture de votre congrès, Geneviève Fioraso a salué les rapprochements entre les universités et les grandes écoles "sans affaiblir la diversité et les spécificités de l'offre". Faites-vous le même constat ?
J'ai surtout retenu de son discours qu'elle reconnaissait la diversité de l'enseignement supérieur français, qui ne représentait pas une anomalie à l'international.
Elle a aussi réaffirmé le fait que les écoles doivent être respectées dans les Comue (communautés d'universités et établissements), pour que ces regroupements ne soient pas une uniformisation et que les écoles ne soient pas en position de dominées. Elle a conscience que certains établissements sont tenus à l'écart des regroupements, mais, pour elle, il faut se donner le temps.
Le thème du congrès était "Regroupement de site : à la recherche d'un équilibre entre uniformité et diversité". L'équilibre est-il atteint dans les Comue ou non ?
L'enjeu des écoles est de rester visibles, or, si elles se retrouvent noyées dans de grands ensembles universitaires, elles le seront moins pour leurs interlocuteurs.
Les écoles en grande majorité ont clairement réaffirmé pendant le congrès leurs inquiétudes sur ce qui est mis en place. Elles n'ont pas l'impression d'avoir la place qu'elles méritent. Elles ont eu la faiblesse de penser qu'elles n'auraient pas une position minoritaire dans les Comue. Beaucoup d'établissements sont marginalisés, notamment ceux de statut privé, consulaire, associatif ou même public mais rattachés à d'autres ministères que celui de l'Enseignement supérieur.
Quelles sont les conséquences de cette marginalisation ?
Il en ressort de la frustration, car nous dépensons beaucoup d'énergie pour structurer sans produire forcément de valeur ajoutée. Nous regrettons que les questions de structure soient beaucoup plus mises en avant que celles de dynamique de projet. Il n'y a pas de programme, la loi est seulement une loi d'orientation, l'objectif des regroupements n'est donc pas clair. Fait-on un regroupement pour améliorer la réussite des étudiants de premier cycle ou bien pour davantage briller en recherche et dans le classement de Shanghai ? Ce sont des questions encore à trancher.
Nous regrettons que les questions de structure soient beaucoup plus mises en avant que celles de dynamique de projet.
La secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur et à la Recherche s'est positionnée en faveur du développement de l'alternance dans les grandes écoles, partagez-vous cette volonté ?
Nous sommes satisfaits du soutien exprimé à l'égard de l'alternance, au moment où l'apprentissage dans l'enseignement supérieur est en danger, car son financement est en retrait. Est-ce qu'ensuite ce discours sera suivi de faits réels, c'est autre chose. Ce sont les régions qui auront surtout la main pour les subventions, et ces choix se feront région par région, ce qui reste problématique.
Geneviève Fioraso souhaite également que la formation continue devienne une "mission de vos établissements", êtes-vous d'accord avec elle ?
Globalement, nous sommes d'accord. Mais il y a sur ce sujet à la fois un paradoxe et un malentendu. L'État veut que l'on puisse accéder à la formation tout au long de la vie, mais aussi que la formation initiale soit diplômante au plus haut niveau possible. Ces deux priorités sont paradoxales.
L'idée que la formation continue constitue un nouvel eldorado pour les établissements est une idée fausse, car les écoles n'en dégagent pas une grosse manne d'argent. Faire de la formation continue pour des raisons de rentabilité serait donc une erreur.
La formation continue diplômante va se développer, contrairement à celle non diplômante et courte. Je pense que le développement de cette dernière est une chimère, car l'architecture de l'enseignement supérieur n'est pas faite pour cela, à part peut-être dans quelques niches. Il est cependant vrai que notre proximité avec les entreprises donne à penser qu'il y a davantage de faisabilité avec les écoles dans ce domaine-là.
Les écoles connaissent pour la plupart des difficultés budgétaires, dues en partie à la baisse des subventions publiques, êtes-vous inquiet pour l'équilibre budgétaire de vos établissements ?
Nous subissons d'une part les problèmes structurels du financement de l'éducation dans le pays. En termes de priorité de budget, l'État sous-investit le primaire et l'enseignement supérieur. D'autre part, les difficultés sont aussi d'ordre conjoncturel, les baisses de subventions publiques ont lieu pratiquement dans tous les établissements, avec une décroissance régulière. S'y ajoute la réforme de la taxe d'apprentissage qui réduit également nos financements.
Aujourd'hui, l'augmentation des frais d'inscription est la seule manœuvre possible, mais elle demeure impossible à tenir politiquement. On se retrouve donc dans un étau, la situation est vraiment critique.
Aujourd'hui, l'augmentation des frais d'inscription est la seule manœuvre possible, mais elle demeure impossible à tenir politiquement.
Avez-vous le sentiment que l'État favorise les universités par rapport aux grandes écoles ?
Les universités reçoivent plus de dotations mais elles ont aussi des charges plus lourdes. L'État doit mieux financer l'enseignement supérieur, plutôt que de prendre aux uns pour donner aux autres. Dans les regroupements, il faudra être vigilant à ne pas être dans une situation où on mélange les acteurs riches et pauvres, puis où l'on prend aux riches pour donner aux pauvres. Cela ne donnera comme résultat que des pauvres.
Sur la question des masters internationaux, le ministère a récemment fait un geste en donnant la possibilité aux écoles sous statut d'EPA d'en délivrer. Êtes-vous satisfait ?
Cela reste insuffisant, il faut que toutes les écoles puissent délivrer des masters internationaux. Geneviève Fioraso a déclaré que les discussions allaient se poursuivre. Elle n'est pas dans une position où elle cède sur une petite partie pour pouvoir en rester là. De notre côté, nous continuerons d'être revendicatifs.