Afficher une rentrée universitaire 2018 sans encombre, après les couacs du tirage au sort l'an passé : c'est l'objectif qu'entend tenir le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Cette rentrée sera un test pour la mise en œuvre de la réforme du premier cycle, et pour mettre de l'huile dans les rouages, le gouvernement met sur la table une enveloppe de 25 millions d'euros, en tiers d'année. Ces moyens doivent notamment permettre la création de 22.000 places à la rentrée 2018, dont a minima 3.000 places en BTS et le reste dans les filières identifiées en tension.
Des ajustements au fil de l'eau
Ces moyens ne seront pas alloués définitivement mais au fil de l'eau jusqu'à l'été pour procéder à d'éventuels ajustements, en fonction des souhaits des bacheliers sur Parcoursup, explique le ministère. Si la somme de 15 millions d'euros supplémentaires avait été précédemment avancée, c'est le chiffre de 25 millions d'euros qui est désormais présenté aux différents acteurs, comme lors de la dernière séance du Cneser, mardi 16 janvier, à l'occasion d'un point sur Parcoursup.
"On parle aujourd'hui de 25 millions d'euros en tiers d'année. Personne n'a les mêmes informations et on manque de précisions sur les critères à partir desquels vont être répartis ces moyens et dans quelle mesure cela prendra en compte le financement des parcours adaptés", déplore Pierre Chantelot, secrétaire national du Snesup-FSU. "Tout se fait dans la précipitation et semble très mal ficelé, l’objectif étant de colmater les brèches dans l'urgence", abonde Stéphane Leymarie, le secrétaire général de Sup-Recherche-Unsa.
Une enveloppe répartie entre les rectorats
Cette enveloppe de 25 millions d'euros – 15 millions auxquels s'ajoutent "10 millions supplémentaires pris sur le programme 150" de la mission Mires – sera répartie en trois grands blocs, expose Jean-François Balaudé, président de l’université Paris-Nanterre, à la tête de la commission des moyens et des personnels de la CPU (Conférence des présidents d'université). La première partie, qui s'élèverait à 13 millions d'euros, regrouperait plusieurs postes de dépenses : 7 millions d'euros pour accompagner l'augmentation des capacités d'accueil et 6 millions d'euros pour financer les heures complémentaires.
Le deuxième bloc, à hauteur de 6 millions d'euros, serait consacré aux dépenses d'investissement et le dernier volet de 6 millions d'euros devrait permettre de financer la gestion des dossiers de candidature (accompagnement administratif, financement des tuteurs et des directeurs d'études par exemple).
La première enveloppe de 13 millions d'euros serait répartie entre les rectorats, qui doivent à leur tour procéder à son allocation en fonction des besoins des établissements. "Cette répartition doit se faire dans le cadre d'un dialogue avec les présidents d'université sur la base de projections établies à partir de l'augmentation des effectifs et de la répartition des vœux l'an passé", précise Franck Loureiro, le co-secrétaire général du Sgen-CDFT.
"Tout se joue en ce moment"
"C'est en ce moment que tout se joue", relève Jean-François Balaudé. Les universités doivent en effet renseigner les capacités d’accueil sur la plate-forme Parcoursup au même titre que les attendus pour intégrer les formations. Or, selon le président de l’université Paris-Nanterre, la situation diffère selon les territoires. "Certains établissements ont déjà une idée de ce qu'ils recevront de la part du rectorat quand d'autres sont encore en attente de cette notification."
Alors que le vote des capacités d'accueil se termine dans les universités, les inquiétudes de certains syndicats sur une baisse volontaire pour pouvoir mettre en tension certaines formations semblent calmées. "Les établissements jouent le jeu. À Versailles, a priori, l'augmentation des capacités d'accueil dans les cinq universités devrait s'élever au total à 1.000 places", illustre Jean-François Balaudé.
Le budget 2019 en ligne de mire
En revanche, les syndicats s'interrogent sur le redéploiement des 130.000 places restées vacantes l'an passé, également évoquées par le ministère. "Si on a 30 places vacantes en philo, comment les redéployer ? L'enseignant est spécialisé, on ne va pas l'affecter sur n'importe quelle autre formation en dehors de ses compétences. Les enseignants sont rattachés à des laboratoires de recherche... Je ne vois pas comment ce redéploiement est possible d'une année sur l'autre ", questionne Pierre Chantelot. "C'est une réflexion à mener sur l'offre de formation au global sur un territoire sur le long terme", ajoute Franck Loureiro.
Nous avons envie que la réforme réussisse mais le compte n'y est pas. (J.-F. Balaudé)
L'ensemble des acteurs du Cneser s'accordent également sur un point : redéploiement ou non, les moyens sont insuffisants pour mettre correctement en place la réforme à la rentrée. "Nous sommes aux limites de nos capacités pour faire face. Nous avons envie que la réforme réussisse mais le compte n'y est pas, insiste Jean-François Balaudé. À défaut d'avoir été suffisamment entendus au moment de l’élaboration de la loi de finances 2018, nous allons marteler la nécessité d'un prochain budget à la hauteur des besoins."
La principale inquiétude porte sur la construction des parcours adaptés qui seront proposés aux bacheliers, dans le cadre des "Oui, si". Pour le ministère, ces parcours ont notamment vocation à être financés dans le cadre du nouvel appel à projets sur les cursus universitaires. Mais, "il faut du temps aux équipes pour répondre à ce type d'appel à projets et les équipes en manquent, objecte Franck Loureiro. Le cœur de la réforme est en danger".
Mobilisation contre la réforme le 1er février
Neuf organisations syndicales dont l'Unef, l'UNL, la FSU ou encore la CGT appellent les lycéens, les étudiants, les personnels des universités et des établissements du second degré à une mobilisation contre le Plan étudiants le 1er février 2018.
Deux mots d'ordre notamment : "l’exigence d’ouverture massive de places supplémentaires en premier cycle postbac et le refus de toute sélection à l’entrée à l’université".