CentraleSupélec affiche son ambition : faire de l'établissement une école de premier plan international. Et pour soutenir cet objectif, la fondation CentraleSupélec poursuit une campagne de levée de fonds, intitulée "Demain est IngénieurS".
Le but : collecter 100 millions d'euros, avec un objectif atteint, en juin 2024 à 51%.
Le plan stratégique de l'établissement approuvé en 2022 prévoit, en effet, de doubler le nombre de diplômés, qui passerait de 2.000 à 4.000. Pour ce faire, CentraleSupélec veut "attirer les meilleurs étudiants internationaux", détaille Romain Soubeyran, directeur général de CentraleSupélec, avec comme ambition qu'ils atteignent 40% de l'effectif en 2032.
Ouvrir des formations pour accueillir davantage d'étudiants
L'école mise, par exemple, sur une nouvelle offre de six bachelors, dont deux ont été lancés l'an dernier : le bachelor of global engineering, en collaboration avec l'université canadienne McGill et le bachelor en Intelligence artificielle, sciences des données et du management, avec l'Essec.
Ces formations, dispensées entièrement en anglais, attirent un nouveau public, avec notamment 39% de femmes, soit quasiment deux fois plus que dans l'effectif du cycle ingénieur classique.
Or, pour développer ces formations, le soutien de la Fondation est indispensable. Si l'objectif est d'atteindre l'autofinancement puis de générer des ressources pour l'établissement, la fondation a investi près de 800.000 euros pour lancer le projet.
Une stratégie fine d'ajustement des frais de scolarité
"La fondation est un facteur de flexibilité de l'école", souligne Bernard Gault, président de la Fondation, dans un système de service public qui lui est "contraint".
Alors que les droits d’inscription du cycle ingénieur sont fixés par arrêté -3.500 euros par année du pour les étudiants de l'Union européenne, 5.900 pour les autres-, CentraleSupélec applique pour les bachelors un système inspiré de ce qui se fait aux États-Unis : 25% des recettes collectées pour les bachelors sont utilisés pour verser des bourses à des étudiants aux ressources financières modestes.
C'est le cas pour son bachelor of global engineering dont l'année coûte 7.900 euros aux étudiants européens et canadiens et 44.000 euros pour les internationaux. Les bourses concernent donc 20 à 40% des étudiants inscrits dans ce cursus. En 2023-2024, ce sont 18 étudiants sur les 83 de la promo qui en ont bénéficié. "Aux États-Unis, seulement environ un tiers des étudiants paient l’entièreté des frais", rappelle Nathalie Bousseau, directrice de la Fondation.
Un programme de bourses pour diversifier le vivier d'étudiants
La fondation a un programme spécifique de bourses, doté de 600.000 euros annuels, qui assure des bourses de vie, d'excellence mais aussi des bourses spécifiques pour les jeunes femmes.
En 2023, le centre des diversités et de l'inclusion a été créé pour atteindre l'objectif de 30% de boursiers et 30% de femmes en 2032, contre respectivement 17% et 19% actuellement.
"Le sujet de la diversité est le plus difficile à traiter, constate Bernard Gault. Nous savons donner des bourses, financer des programmes de recherche. Mais, dans ce domaine, nous ne savons pas si les efforts que nous fournissons fonctionnent".
"Les quatre cinquièmes d'une promo viennent de classes préparatoires, rappelle Romain Soubeyran, donc nous ne sommes pas maîtres de notre vivier." Or, les dernières réformes du lycée ont été très défavorables pour les filles, bien moins nombreuses en filières scientifiques. Quant aux élèves d'origine modeste, "ils peuvent moins supporter l'incertitude de la classe prépa", estime Bernard Gault.
CentraleSupélec propose notamment des summer camps entre la seconde et la première, pour les filles et les jeunes d'origine modeste. Un nouveau programme de coaching en prépa sera lancé en 2024.
Fidéliser les mécènes
Dans ce domaine, s'ajoute la difficulté de convaincre les mécènes sans pouvoir donner d'éléments fiables de résultats, qui sont difficiles à quantifier. Or, "il est important de montrer à quoi sert cet argent pour la régularité du don. Celle-ci est un élément important du financement, surtout que les gens ont tendance à donner davantage, au bout d'un certain nombre de dons", explique Nathalie Bousseau.
En effet, 60 à 70% des donateurs renouvellent leur don chaque année. Les sommes les plus importantes viennent des pays anglosaxons, où sont établis certains alumni, qui ont une acculturation beaucoup plus forte sur le mécénat qu'en France.
Convaincre de nouveaux donateurs
Pour inciter encore de nouveaux donateurs, Flavien Kulawik, président du comité de campagne, compte sur la "fierté" des alumni, qui sont sensibles aux causes défendues par l'école, et sa volonté d'innovation.
Ainsi, l'école restructure ses activités autour du développement durable, de la santé, et des souverainetés numérique, industrielle, alimentaire et va ouvrir, à la rentrée 2025, six cursus d'ingénieur spécialisé (électronique, informatique, cybersécurité, génie physique, génie électrique et systèmes numérique).
La progression du nombre de dons peut se faire sur les individus, qui représentent environ 45% de la somme totale. L'objectif est d'atteindre 5.000 donateurs privés, contre 2.800 actuellement. Les près de 180 entreprises mécènes, elles, financent davantage la recherche et la formation pour répondre au besoin d'ingénierie.
Toutes les activités de l'école irriguées par ces dons
Sur les 100 millions visés par la collecte, la moitié va financer la recherche. Par ailleurs, 15 millions seront consacrés à la formation et 15 autres millions à l'entrepreneuriat, un marqueur fort de l'école, qui veut multiplier par trois le nombre de start-up incubées.
Mais la fondation permet aussi des actions concrètes en faveur de la vie étudiante et notamment pour le logement.
À Saclay, où la pénurie de logements étudiants est criante, son investissement permet de proposer à tous les étudiants de première année de loger sur le campus. Elle participe également à la rénovation de bâtiments et continue d'investir dans d'autres projets immobiliers.
Si la fondation "n'a pas vocation à se substituer aux financements de l'État", comme le rappelait Bernard Gault, elle est donc bien un atout indispensable pour développer de nouveaux projets.