Mercredi 3 septembre 2014. À Saint-Denis, le campus de Paris 8 est quasiment désert. Les inscriptions administratives n'ont pour la plupart pas encore recommencé, et seuls quelques étudiants arpentent les couloirs. Au premier étage du bâtiment B, un petit amphi est pourtant déjà au travail. Deux semaines avant leur rentrée officielle à l'université, une trentaine d'étudiants de L1 informatique volontaires participent au stage intensif animé par Jean-Jacques Bourdin, coresponsable de la licence.
Au programme : quatre ou cinq heures de cours le matin, suivies de travaux pratiques l'après-midi, qui pourront se prolonger par des exercices à faire chez soi. Lancée il y a une vingtaine d'années, l'initiative a évolué au fur et à mesure, de manière à constituer aujourd'hui une véritable introduction à la programmation.
Plonger les nouveaux étudiants dans le bain universitaire
Pour cette première séance, l'enseignant débute par une présentation de l'université et une petite histoire de l'informatique, truffée d'anecdotes : Intel, les premiers PC, Apple, mais aussi Bill Gates et la manière dont IBM a refusé d'acheter le logiciel Microsoft, préférant acquérir une simple licence. Une manière de contextualiser la discipline dans laquelle se sont inscrits les étudiants de Paris 8, certains par conviction, d'autres un peu par hasard ou par curiosité.
Deux heures plus tard, on plonge dans le vif du sujet avec les premières notions de syntaxe nécessaires à l'élaboration d'un programme informatique. "Osons !" : c'est ainsi que Jean-Jacques Bourdin a baptisé cette partie du cours, désireux de voir les étudiants se lancer. Quitte à se tromper. "Des fautes vous pouvez en faire, et vous en ferez !" Et d'inciter, d'un air malicieux, les étudiants qui réussiraient à faire tous les exercices de l'après-midi directement sans erreur à lui envoyer un mail…
Régulièrement, l'enseignant revient sur l'importance du travail à fournir tout au long de la L1. Avec, toujours, un ton légèrement ironique et des conseils dont certains ne savent pas bien s'ils doivent être pris à la lettre : "Ne travaillez pas plus de 100 heures par semaine !", lâche-t-il devant les visages mi-circonspects, mi-amusés.
"Le prof est parti fort dès ce premier cours !", lâche en sortant Khaleed, titulaire d'un bac pro SEN (systèmes électroniques numériques). "Je vais aller sur le site où il met des cours et des exercices", promet Jonathan, bachelier STI2D (sciences et technologies industrielles et du développement durable), qui "apprécie d'être mis dans le bain tout de suite", tout en restant prudent et "en espérant que ça ira".
Donner de bonnes habitudes
En tout cas, le message semble passer auprès des étudiants, dont beaucoup s'accordent à dire qu'"il faut s'accrocher". Une qualité qui sera "essentielle dans leur vie d'informaticien, affirme l'enseignant. Il faut que les jeunes gens s'habituent à reprendre et reprendre encore leur code jusqu'à ce que ça marche".
"Le stage intensif donne tout de suite de bonnes habitudes, en nous incitant à avoir un rythme sérieux et régulier. C'est une bonne base de départ, pour l'informatique et plus largement pour les études à la fac", raconte Nizar, qui a suivi ces cours il y a trois ans, et s'apprête désormais à entrer en master à l'UPMC.
Des résultats jugés satisfaisants
Côté résultats, "environ un tiers des L1 viennent en cours intensifs, et ils représentent 80% des étudiants qui obtiennent leur licence en trois ans", relève Jean-Jacques Bourdin. Tout en reconnaissant que "la statistique est biaisée puisque les moins motivés ne participent pas au stage", elle est selon lui "suffisamment massive pour être parlante".
De fait, "les étudiants commencent à apprendre à cogérer des projets", souligne-t-il. Un travail en commun qui a aussi l'avantage d'éviter aux plus timides de se retrouver seuls pendant leurs premiers jours à l'université.
Commencer directement à programmer permet aussi de "voir si on a vraiment envie de faire de l'informatique", poursuit Nizar. Conséquence : "Ceux qui ne sont pas motivés ou qui viennent pour jouer aux jeux vidéo abandonnent." "Pour certains, ce stage a aussi une fonction de réorientation précoce", confirme le responsable, plutôt satisfait de voir des étudiants rejoindre une autre filière "sans avoir perdu un seul cours". Pour les autres, cette prérentrée ouvre la voie à "des choses de plus en plus complexes", observe le jeune homme, souriant : "C'est le début des problèmes !"