Des coussins géants et multicolores sont disposés par terre, dans la pièce en arc-de-cercle ouverte sur les tours de la Défense. Deux étudiants s'y sont confortablement calés, ordinateur portable sur les genoux. Face à eux, des sièges "demi-debout" font face à un immense tableau blanc.
Ils sont ici dans "l'espace créatif" du "K Center" (Knowledge Center) de Skema Business School. "La station debout favorise la créativité", fait remarquer Sophie Gay Anger, directrice adjointe du programme grande école, et directrice du "K Center".
Des espaces pour TOUS LES modes de travail
Ce centre de ressources et de coworking a été conçu en différents espaces flexibles et connectés, optimisant chaque forme de travail : individuel, collectif, en groupe ou en projet ... Le hall d'entrée voisin, appelé "Agora", avec son canapé en hémicycle et sa mezzanine faisant face à un grand écran, accueille jusqu'à 130 personnes lors de visioconférences. Ouvert à tous, il est équipé d'un matériel audiovisuel de pointe, un investissement de 500.000 euros pour le campus parisien de Skema.
"Nous y organisons nos événements en multiplex, avec nos autres campus de Lille, Sophia-Antipolis, Suzhou (Chine), Raleigh (États-Unis) et Belo Horizonte (Brésil)", explique Sophie Gay Anger. Les salles avoisinantes, réparties sur deux niveaux, accueillent également un "espace de réflexion", avec de longues tables soulignant les vastes fenêtres, des "salles de travail collaboratif", pour faire travailler les étudiants par petits groupes et en projet. L'écran situé au bout des tables permet de partager facilement leur travail. Enfin des salles de classe modulables, à l'étage, sont équipées d'autant d'ardoises blanches que d'étudiants.
Les nouveaux espaces allient apprentissage et convivialité. // © Géraldine Dauvergne
Faciliter l'apprentissage actif
"Notre objectif a été de dessiner des espaces et des mobiliers permettant l'apprentissage actif", précise Sandrine Cardinale, spécialiste du secteur "éducation" chez Steelcase, qui a conseillé les responsables de Skema et conçu le mobilier. "La configuration des lieux doit désormais s'adapter à la pédagogie pratiquée et aux technologies utilisées."
L'aménagement des espaces est vraiment en retard sur les pédagogies pratiquées.
(S. Cardinale)
C'est encore loin d'être le cas partout ! Steelcase a mené une étude ethnographique dans 12 écoles et universités, en s'appuyant sur des photos et des entretiens. Le constat est sans appel. "Aujourd'hui, l'aménagement des espaces est vraiment en retard sur les pédagogies pratiquées", résume Sandrine Cardinale.
"Les pièces comportent des rangées de tables et de chaises faisant face à une estrade. Un tiers de l'espace est réservé à l'enseignant, les deux tiers aux étudiants, qui restent passifs. Beaucoup ne 'reçoivent' pas l'information divulguée. Quant aux bibliothèques, elles restent conçues strictement pour les livres et l'étude silencieuse", ajoute-t-elle.
Dans les salles de cours, la disposition en rangées des tables complique le partage de documents et les discussions de groupes. En amphithéâtre, le matériel fixé au sol est un obstacle supplémentaire à toute pédagogie autre que le cours magistral. Sans parler des sacs et effets personnels posés au sol faute d'espaces de rangement, et des ordinateurs portables sur les genoux, les tablettes écritoires étant trop étroites.
L'influence de la CLASSE INVERSée
Or, avec l'influence des nouveaux modes d'enseignement tels que la classe inversée ou les Mooc, les enseignants utilisent de plus en plus les discussions et l'apprentissage en groupe. Les bibliothèques deviennent le lieu de rencontre des étudiants pour le travail en mode projet, la concentration individuelle ou même la détente.
"À l'UPMC, nous avons conçu un espace réunissant plusieurs petites bibliothèques, afin de permettre la collaboration et la socialisation, et capable d'accueillir tout au long de la journée les étudiants, souvent domiciliés en lointaine banlieue," précise Sandrine Cardinale. "Nous avons aménagé de petites alvéoles pourvues d'accès à l'électricité pour recharger les appareils, des salles de travail fermées, ainsi que des canapés pour la convivialité et la relaxation."
Avec l'Iram (International Rhône-Alpes Média), plate-forme universitaire d'innovation, d'expérimentation et de formation aux usages et pratiques numériques de Télécom Saint-Étienne et de l'Université Jean-Monnet de Saint-Étienne, le learning lab de l'École centrale de Lyon et l'EM Lyon ont fondé le "LearningLab Network", sur la base d'une charte en six points, fixant les caractéristiques du "LearningLab", de l'innovation pédagogique à la recherche, en passant par l'existence d'un espace innovant, ouvert et accueillant.
Une cinquantaine d'institutions, universités, écoles publiques, privées, Comue ou entreprises, ont rejoint le réseau. Des établissements secondaires pourraient bientôt en faire autant. Un premier LearningLab a vu le jour en mars 2015 au collège Jean-Philippe Rameau, à Champagne-au-Mont-d'Or (69).