"Patience et longueur de temps. Font plus que force ni que rage." Dix mois après l'annonce par la CCI de Pau-Béarn de son retrait du projet FBS (France business school), et de son rapprochement avec BEM (Bordeaux école de management), l'ESC Pau semble avoir fait sienne la maxime. Depuis, l'alliance avec BEM a évolué vers un arrimage au projet KEDGE, qui intègre Euromed et BEM. Mais préoccupée par l'idée de conserver son ancrage territorial, elle y va piano. "Nous apprenons à nous connaître", résume Stephen Platt, directeur par intérim de l'ESC Pau.
Objectif 2015
Le travail commun a vraiment démarré en juillet 2012. Après une série de réunions, les partenaires se sont mis d'accord début janvier 2013 sur un calendrier : la décision de procéder ou non au rapprochement de l'école paloise avec KEDGE, qui, elle, ouvrira ses portes à la rentrée 2013, n'interviendra pas avant le 1er janvier 2015.
D'ici là, "un plan de restructuration et de mise à niveau de l'ESC Pau doit être effectué sur trois axes : pédagogique, organisationnel et financier, estime Bernard Belletante, directeur général d'Euromed. La décision d'intégrer le groupe KEDGE sera prise en fonction des travaux effectués." Le directeur de l'ESC paloise évoque, quant à lui, une réflexion volontaire pour "prendre le temps d'intégrer KEDGE de manière dynamique s'il s'agit bien évidemment du meilleur choix pour le groupe ESC Pau".
Renforcer le corps professoral
La mue de l'école devra aussi passer par la consolidation de ses points forts : l'apprentissage qui concerne 45% des étudiants en 2e et 3e année et fait l'objet d'un suivi minutieux, l'accompagnement des étudiants, mais aussi d'un développement de son activité de recherche. "De manière assez traditionnelle dans ce type de projet, l'école devra commencer par un travail sur son corps professoral permanent", remarque Bernard Belletante.
L'embauche de 12 nouveaux professeurs permanents entre 2012 et 2016 va permettre d'améliorer le taux d'encadrement, avec l'objectif d'un enseignant pour 17 élèves étudiants en 2016 (contre 20 aujourd'hui), et le pourcentage de docteurs : "72% des professeurs permanents seront titulaires d'un Ph.D. en 2016, contre 50% aujourd'hui", prévoit Stephen Platt.
Quelle place pour le programme grande école
"Dans la mesure où les campus de Bordeaux et Marseille constitueront les deux navires amiraux de KEDGE, les autres campus doivent coller au mieux à la réalité territoriale", estime Bernard Belletante, qui envisage l'ESC paloise comme un campus spécialisé, accueillant "un bachelor, très certainement un morceau de programme grande école sur une spécialisation et de la formation continue".
Si l'ESC Pau envisage en effet un effort de spécialisation autour de ses atouts régionaux (l'aéronautique, la fibre carbone, les géosciences, l'agroalimentaire ou encore le sport), le scénario est tout de même un brin prématuré pour l'établissement, très attaché à la formation de managers sur son territoire. "La seule exigence aujourd'hui est que Pau ait un programme grande école, sous quelle forme, il est encore trop tôt pour le dire", assure son directeur par intérim.
Croissance de 20% du pôle bachelor
Alors que le PGE palois devrait peu évoluer en termes d'effectifs d'ici à 2015, l'école mise sur une croissance d'environ 20% de son programme bachelor d'ici 3 ans (192 aujourd'hui à 230 étudiants en 2016).
La formation continue constitue également un axe de développement important. "Entre l'industrie chimique, l'aéronautique, le sport et le tourisme, il y a des choses exceptionnelles à faire en matière de formation professionnelle", estime Bernard Belletante. L'objectif est de passer de 1,7 million d'euros de chiffre d'affaires annuel à 2,1 millions d'ici à 2016, explique Stephen Platt. Dès la rentrée, le programme bachelor sera ouvert à la formation continue diplômante.
"Rien n'est calé"
Toutefois, malgré ces contacts rapprochés, la relation entre KEDGE et l'ESC Pau reste ouverte : "Les projets de fusion dont on parle beaucoup dans la presse sont complexes par nature, impliquant plusieurs acteurs éloignés géographiquement et parfois culturellement, analyse le directeur de l'école paloise. On insiste sur les notions de taille critique, du nombre de publications, de visibilité à l'international, du chiffre magique des 100 millions d'euros, mais quid des collaborateurs et des étudiants ?"
Le rapprochement avec KEDGE n'est ainsi aujourd'hui pour l'école de commerce qu'une "option sérieuse", dont les modalités pratiques aussi restent à définir. "Il y a plusieurs manières d'appréhender un rapprochement : une fusion comme FBS, une alliance comme Reims et Rouen, ou une collaboration via par exemple des doubles-diplômes. Pour l'instant, absolument rien n'est calé... ", confie Stephen Platt.
Et dans tous les cas, sa mise en œuvre est soumise à la nécessité pour l'école de continuer à remplir sa mission territoriale : "Si au bout de deux ans et demi de travail ou même avant, la tutelle estime que la fusion ou le rapprochement ne crée pas de valeur ajoutée pour l'école, on renoncera. FBS nous a appris ça !", conclut-il.
Même prudence du côté de KEDGE. "Ce travail ne présume pas du résultat. Il y a du boulot, c'est pour ça qu'on a pris du temps, mais on n'a pas construit KEDGE en trois jours", sourit Bernard Belletante. Et de rassurer : "On n'aurait pas ouvert le dossier si on ne pensait pas qu'il y avait un avenir commun."
Quand on l'interroge sur le retrait de l'école paloise du projet FBS, alors qualifié de "mauvais coup" par François Duvergé, président de l'Escem et initiateur de France Business school, le directeur par intérim de l'ESC Pau, arrondit les angles : "Il n'y a pas de remise en cause du projet FBS, mais il allait trop vite pour notre tutelle [...]. La dimension "risque" est très importante dans un projet de cette envergure."
"Alors que nous en étions encore au stade d'étude, FBS nous a proposés un paquet à prendre ou à laisser, ajoute Patrick de Stampa, président de la CCI de Pau Béarn. Or, lorsqu'on aborde un projet, il faut qu'il intègre l'avenir du territoire."