"Quasiment toutes les universités de la LERU (League of European Research Universities) ont des archives ouvertes institutionnelles… sauf les françaises." Vice-président de l'université de Strasbourg, délégué à la recherche, Paul-Antoine Hervieux entend rattraper ce retard, grâce aux "AOC Alsace" (pour Archives ouvertes de la connaissance). Ce projet, mené par les universités de Strasbourg et de Mulhouse (UHA), auxquelles sont associés l'Insa et la BNU (Bibliothèque nationale et universitaire) de Strasbourg, vise à rassembler sur un même portail l'ensemble de la production scientifique des établissements, permettant d'accéder librement et gratuitement aux travaux des chercheurs. L'initiative s'inscrit ainsi dans la lignée du mouvement de l'open access qui organise la 7e édition de sa semaine internationale, du 20 au 26 octobre 2014.
Pour le vice-président strasbourgeois, l'intérêt est triple : "Valoriser le patrimoine intellectuel produit dans les établissements, l'archiver de manière pérenne tout en ayant une vision exhaustive de ce qui est publié, de manière à obtenir des indicateurs pour mieux définir la politique scientifique."
faire adhérer la communauté scientifique
Lancé il y a un an, le projet AOC démarre sa phase opérationnelle, dans le but de mettre en place des archives opérationnelles à la rentrée 2015, qui donneraient accès aux travaux publiés, en remontant si possible depuis 2009, date de la fusion des trois universités strasbourgeoises. À raison d'environ 2.500 publications par an, la tâche s'annonce ardue. Une enveloppe de 450.000 € a été attribuée par le ministère dans le cadre du contrat de site 2013-2017, qui prévoit notamment la définition d'un schéma directeur de la documentation en Alsace.
Ce qui nous importe avant tout, c'est de rendre la recherche alsacienne visible.
(Paul-Antoine Hervieux)
Néanmoins, "il a fallu un an de communication auprès des enseignants-chercheurs pour faire accepter le projet", raconte Paul-Antoine Hervieux. En effet, certains ont l'habitude d'utiliser d'autres plates-formes, comme HAL (Hyper articles en ligne) ou ArXiv, et ne voient pas toujours l'utilité de construire un autre portail, tandis que d'autres craignent que le recensement des publications ne donne lieu à un "flicage" par l'établissement.
un data-mining de la recherche alsacienne
"Ce n'est pas du tout notre intention", assure le VP. Ce qui nous importe avant tout, c'est de rendre la recherche alsacienne visible. Par ailleurs, nous nous sommes engagés à déposer automatiquement les publications sur les autres plates-formes. Nous le ferons à la place des chercheurs."
Et de dérouler son argumentaire : "À l'université de Strasbourg, seuls 30% des articles publiés se trouvent dans HAL, et qui plus est, il s'agit souvent de notices. Notre projet est de rendre disponible le texte intégral, sans pour autant nous substituer aux revues scientifiques : en fonction de leur politique éditoriale, nous pourrons mettre en ligne les articles au moment de la publication ou après une période d'embargo." L'intérêt selon lui ? "Pouvoir faire du 'data mining', autrement dit de l'exploration de données permettant, par exemple, de dénombrer les collaborations avec telle ou telle université étrangère."
En outre, les AOC doivent donner accès non seulement aux articles mais également aux données de la recherche. Validées mais généralement non publiées, celles-ci peuvent se révéler utiles à d'autres scientifiques, voire au grand public dans la perspective d'une recherche coopérative. L'initiative alsacienne pourrait ainsi contribuer à développer l'open science en France.
En mars 2013, l'université d'Angers a validé le projet de création d'une archive ouverte institutionnelle, baptisé Okina. Objectifs affichés : "Améliorer le signalement de la production des chercheurs de l’UA, et faciliter autant que possible la mise à disposition du contenu des publications."
Disponible depuis le printemps 2014 pour les membres de la communauté angevine, Okina doit être inaugurée d'ici à la fin de l'année, comme l'indique le blog consacré au projet.