C'est un peu l'histoire des deux parallèles qui finissent par se rejoindre. À Reims, le 15 janvier 2014, sur le campus de Neoma, Franck Bostyn, le directeur de l'école, et Lissan Afilal, le vice-président de l'URCA (université Reims Champagne-Ardenne), ont officialisé la mutualisation de leurs moyens au sein d'une chaire commune en ESS (économie sociale et solidaire).
“On oppose souvent universités et business schools. L'économie sociale et solidaire fournit un bon thème pour nous unir au-delà de nos différences”, souligne Laëtitia Lethielleux, 36 ans, maître de conférences en sciences de gestion à l'URCA, titulaire de la chaire ESS.
Adoubée à ce poste par les deux établissements, cette normalienne agrégée d'économie-gestion, juriste et docteur en sciences de gestion, était depuis 2009 en charge du master 2 management des entreprises de l'économie sociale et solidaire à l'université. Depuis 2010, elle est également responsable du contrat de recherche qui lie l'université à la Croix-Rouge française.
“Fixer” les diplomés dans la région
L'économie sociale et solidaire dans la région Champagne-Ardenne pèse un poids important : elle y représente déjà 11,1 % de l'emploi salarié (soit 47.500 personnes) selon l'INSEE, contre 10,3 % de l'emploi au niveau national. Les entreprises coopératives, par exemple, y sont aussi plus nombreuses en proportion que sur le reste du territoire.
En outre, le secteur de l'économie sociale et solidaire est en expansion constante depuis plusieurs années, en France comme à l'étranger. Rien que dans l'Hexagone, les prévisions tablent sur la création de 600.000 emplois d'ici à 2020.
Entre autres défis, la chaire devra s'enraciner davantage dans le terreau socio-professionnel régional pour retenir les étudiants en Champagne-Ardenne et faciliter leur insertion dans ce secteur. “Ceux qui choisissent cette filière veulent donner du sens à leur vie professionnelle. Nous devons leur montrer que l'on peut faire carrière dans l'économie sociale et solidaire”, observe Laëtitia Lethielleux.
Nous devons créer dans la région des emplois durables et non délocalisables pour garder les diplômés et donner envie de travailler dans la région
Renforcer l'attractivité des formations des deux établissements
Forte désormais de 19 enseignants-chercheurs (sociologues, économistes, historiens, linguistes…) provenant des “deux mondes”, la nouvelle chaire commune veut renforcer l'attractivité des formations proposées par les deux établissements. Parmi les actions déployées pour y parvenir : développer des programmes de recherche montrant la diversité des entreprises du secteur, instiller les valeurs de l'économie sociale dans les enseignements à travers des électifs spécialisés et diffuser une sensibilisation au management des associations, coopératives ou mutuelles.
Formaliser des relations anciennes
Pour spectaculaire qu'il soit, ce rapprochement ne doit rien au hasard ni à la précipitation. L'URCA propose depuis 2000 divers enseignements comme un diplôme d'administration et gestion des entreprises d'économie sociale et solidaire (DAGEES, une formation diplomante bac+2 à destination des bénévoles), une licence professionnelle ou encore un master 2. “Nous formons chaque année 60 étudiants à ces trois diplômes”, précise l'enseignante.
De son côté, l'ex-Reims management school devenue Neoma a mis en place depuis six ans des enseignements électifs, sous forme de sessions de 45 heures sur des thèmes comme travailler ou entreprendre dans l'économie sociale et solidaire. La business school avait même créé dès 2008 sa chaire dans ce secteur.
“De manière informelle nous entretenions déjà des rapports, confie Laëtitia Lethielleux. Notamment grâce à François Rousseau, le précédent titulaire de la chaire, aujourd'hui décédé, qui venait nous voir fréquemment à l'université. Il avait juste la rue à traverser.” Précision géographique : le campus principal de Neoma à Reims est situé au 57, rue Pierre-Taittinger, l'université au 59 de la même rue !