C'est le dernier acte d'une affaire qui fait couler beaucoup d'encre depuis 2011. "Je n’ai jamais trahi, ni l’idée que je me fais de l’université, ni les statuts de Sciences po". Jean-Claude Casanova a clamé son innocence devant la CDBF (Cour de discipline budgétaire et financière), le 6 novembre 2015.
Le président de la Fondation nationale des sciences politiques a été renvoyé devant l’instance par le procureur général, suite au rapport de la Cour des Comptes de novembre 2012, qui constatait un certain nombre d’irrégularités dans la gestion de l’IEP (institut d’études politiques) parisien.
Le principal grief à son encontre porte sur le montant de la rémunération de Richard Descoings – qui atteignait par exemple 500.000 euros en 2011 – et la manière dont elle a été fixée alors, via la commission des rémunérations de la fondation. Second motif de la poursuite : les 600.000 euros de la mission menée par Richard Descoings sur le lycée, mis au budget de l’institut.
Michel Pébereau, Louis Schweitzer et Olivier duhamel à la barre
Le procureur a requis contre Jean-Claude Casanova une amende de 3.000 euros et la publication de cette décision au JO, pour avoir ignoré les pouvoirs du conseil d’administration - un "manquement inacceptable au vu de son expérience".
Les avocats du président de la FNSP ont avancé divers arguments juridiques pour contredire le caractère irrégulier de ce fonctionnement, et plaidé la relaxe. Avec à l’appui plusieurs personnalités appelées à la barre comme témoins.
Dont Michel Pébereau, à la tête du conseil de direction de l’institut durant les années visées, Louis Schweitzer, alors membre de la commission des rémunérations, ou encore Olivier Duhamel, professeur de l’institut alors membre du conseil d’administration. Frédéric Mion, l'actuel administrateur-directeur, a également été auditionné.
L'ancien PDG de BNP Paribas a communiqué une lettre signée de plusieurs membres éminents de la commission des rémunérations : Hélène Gisserot, Henri de Castries et Louis Schweitzer, dans laquelle ces derniers confiaient toute leur surprise de voir Jean-Claude Casanova ainsi poursuivi, et défendaient la régularité des procédures alors mises en œuvre.
Une rémunération "méritée"
Au-delà des questions de droit, celles portant sur la légitimité et la justification d’une telle rémunération n’ont pas manqué de ressurgir dans les débats. Avec, du côté de plusieurs témoins, une succession de discours louant la révolution inédite menée par Richard Descoings à la tête de la rue Saint-Guillaume.
L’augmentation des effectifs étudiants, l’internationalisation, la création des campus en région, la mise en place d’une voie d’entrée pour les lycéens d’établissements défavorisés, la professionnalisation des formations… "À ma connaissance en France, personne n’a réalisé la transformation d’un établissement d’enseignement supérieur comparable à ce qu’a fait Richard Descoings, a insisté Michel Pébereau. L’ampleur de l’œuvre de cet homme est exceptionnelle." "On compte sur les doigts d’une main ceux qui ont su innover comme lui", a également estimé Jean-Claude Casanova.
Des comparaisons loin des universités françaises
Et pas question de comparer sa mission – et par là-même, sa rémunération – à celles des présidents d’université français : les "responsabilités" étant très différentes, a soutenu le président de la FNSP. "C’était sans commune mesure", a également justifié le professeur Duhamel. Qu’il s’agisse du "temps de travail" ou de "l’énergie déployée" pour les nombreuses réformes portées. "La comparaison doit se faire avec les institutions mondiales", a soutenu l’enseignant.
L’un des avocats de Jean-Claude Casanova, Nicolas Baverez, a d'ailleurs déroulé la rémunération des présidents d’institutions internationale, comme la LSE (London school of economics), équivalente pour sa part fixe seulement à celle de Richard Descoings. "Il faut rendre son honneur et rendre justice à Jean-Claude Casanova", a-t-il conclu.
Verdict de la Cour dans les semaines qui viennent.
Aurélien Krejbich, directeur des ressources humaines de l’institut parisien durant la période visée, s’est également défendu devant la Cour de discipline budgétaire le 6 novembre 2015. Il était poursuivi concernant les irrégularités constatées dans les services des enseignants-chercheurs de Sciences po : cumul d’heures complémentaires et de décharges d’enseignement, sous-service des professeurs agrégés, décharges supérieures aux deux tiers du service d’enseignement, etc. Un "défaut de vigilance" lui a été reproché par le procureur, qui a requis une amende de 500 euros.
Une vigilance qui ne relevait pas de la direction des ressources humaines, a soutenu à l’inverse l’avocat de l’intéressé, plaidant la relaxe. Cette direction ne s’occupait que des salariés de droit privé relevant de la fondation nationale des sciences politiques, a-t-il développé. La seule direction qui avait la main sur le service des enseignants-chercheurs étant celle des études et de la scolarité — donc aucun responsable n’a été poursuivi devant la Cour.