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À bout de souffle, les filières Staps confrontées au tirage au sort

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
À bout de souffle, les filières Staps confrontées au tirage au sort
En filière Staps, 29.000 premiers vœux ont été effectués sur le site Admission postbac pour 22.000 places disponibles dans les universités. // ©  Fred MARVAUX/REA
Alors que la troisième et dernière phase d'Admission postbac (APB) s'ouvre jeudi 14 juillet, la filière Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) reste sous tension. Malgré la mise en place d'une nouvelle procédure devant améliorer la situation, nombre de tirages au sort sont organisés face à l'afflux de demandes. Les doyens assistent au spectacle, démunis.

"Les pressions des rectorats et le surbooking de 20 % des filières Staps permettent d'éviter l'explosion sociale, mais tout cela ne règle pas le problème : nos filières restent largement sous tension, c'est un sentiment partagé par la plupart des doyens." Didier Delignières, président de la Conférence des doyens de Staps et directeur de l'UFR de l'université de Montpellier, est amer. Pour la première année, un tirage au sort sera organisé pour son UFR, tant le nombre de candidats dépasse celui des places disponibles. "Même en faisant passer ma capacité d'accueil à 650 places contre 550 normalement, je vais laisser près de 250 lycéens sur le carreau cette année", soupire Didier Delignières.

Le son de cloche est le même à l'université de Poitiers. Avec 300 places pour 650 vœux 1 de lycéens de l'académie, moins d'un étudiant sur deux sera admis en première année de licence Staps.

les effets de la réforme tardent à se faire sentir

Ces exemples reflètent l'immense décalage qui existe à l'échelle nationale entre les candidatures formulées et les places disponibles en Staps. Avec 29.000 premiers vœux effectués sur le site Admission postbac pour 22.000 places dans les universités, ce sont environ 7.000 jeunes qui seront obligés de changer d'orientation pour la rentrée 2016.

La nouvelle procédure de vœux groupés mise en place en 2016 devait pourtant permettre d'améliorer la situation dans les filières en tension (Paces, Staps, psychologie et droit), et c'est le cas, selon le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Dans son premier bilan des vœux APB publié en juin 2016, il évalue le nombre de filières Staps en tension à 28, contre 40 l'an dernier. En Corse, à Caen, au Mans, à Toulon, ou encore en Guadeloupe, tous les lycéens de l'académie ayant placé la licence Staps en vœu 1 ont été admis.

"Ici, pourtant, rien n'a changé, assure Aurélien Pichon, directeur de l'UFR Staps de l'université de Poitiers. Et mon collègue d'Orléans fait le même constat. La procédure de vœux groupés permet aux étudiants de classer les universités de la Comue [Centre-Limousin-Poitou-Charentes] proposant des Staps mais celles-ci sont toutes en tension ! s'exclame-t-il. Sans compter que les étudiants hors académie mais intra-Comue n'ont absolument aucune chance d'être admis."

La procédure de vœux groupés permet aux étudiants de classer les universités de la Comue proposant des Staps mais celles-ci sont toutes en tension. (A. Pichon)

À Paris-Sud, 30 % de demandes en plus

À l'université Paris-Sud, la situation est même qualifiée d'"extrême" par Christine Le Scanff, doyenne de l'UFR. Alors que la procédure de vœux groupés devait améliorer la répartition des effectifs à l'échelle de la Région Île-de-France, Paris-Sud s'est retrouvée confrontée cette année à une augmentation de 30 % des demandes.

"Nous disposons de 315 places et avons reçu 4.900 vœux 1, fait savoir Christine Le Scanff. C'est pour nous une souffrance de rejeter autant de jeunes, et surtout, de ne pas pouvoir les sélectionner sur dossier, de manière intelligente. D'autant plus que je reçois de nombreux mails et lettres recommandées de bacheliers scientifiques habitant juste à côté de l'université. C'est une aberration."

Et la directrice d'UFR de faire remarquer que la disparition programmée du département Staps de l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines – qui n'accueille plus d'étudiants en L1 depuis la rentrée 2014 – n'a été compensée ni en postes ni en moyens, dans les universités voisines. "Cette année déjà, nous avons accueilli 100 étudiants de plus, le tout à moyens constants", dénonce-t-elle.

Quelles solutions : orientation, nouvelles formations ?

Face à cet afflux d'étudiants, "il faut renforcer le travail sur l'orientation, martèle Didier Delignières. Nous recevons encore trop de jeunes qui pensent qu'ils vont s'amuser et faire du sport en Staps."

"L'offre de formation en Staps est tout de même très particulière", fait remarquer, de son côté, l'entourage de la ministre Najat Vallaud-Belkacem, qui pointe l'absence, sur ce secteur, d'autres formations de type BTS, DUT et licence professionnelle, ou encore de formations en écoles. "Cet enrichissement de l'offre permettrait de désengorger les licences."

L'université d'Amiens refuse d'instaurer des capacités d'accueil
Amiens fait partie des rares universités n'ayant pas instauré de capacités d'accueil à l'entrée de sa licence Staps. "Nous acceptons tous les étudiants de l'académie ayant choisi Staps en vœu 1. C'est un choix politique que nous assumons", fait savoir Arnaud Jaillet, directeur de l'UFR Staps de l'université de Picardie Jules-Verne (Amiens).

"Avec 55 % de boursiers parmi nos étudiants, nous ne pouvons pas nous permettre de les envoyer loin de chez eux", estime le doyen qui se retrouvera à la rentrée 2016 avec 700 étudiants en L1. 
Quel sort réservé au tirage au sort ? Le ministère ne fait pas appel
"Le ministère ne fera pas appel de la décision du tribunal administratif de Bordeaux. En revanche, le rectorat est en train de revoir sa copie afin de motiver sa décision à partir d'autres documents que le Code de l'éducation", indique à EducPros l'entourage de Thierry Mandon, secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur et à la Recherche.

Le tribunal administratif de Bordeaux a considéré en juin 2016 que le tirage au sort, par lequel un étudiant avait été refusé en première année de licence Staps, n'avait pas de fondement légal, du moins parmi les pièces fournies au dossier.

En effet, le Code de l'éducation est clair : tout bachelier peut normalement s'inscrire en première année de n'importe quelle licence. Le tribunal enjoignait donc le recteur à remotiver sa décision sans pour autant obliger l'université à inscrire l'étudiant dans la filière souhaitée.

Aurore Abdoul-Maninroudine | Publié le