Ne prononcez pas le mot "fusion". Les présidents des universités Pierre-et-Marie-Curie et Paris Sorbonne - Paris 4 préfèrent souligner qu'ils vont "construire ensemble une nouvelle université". "Nous n’employons pas le mot fusion car notre projet ne consiste pas en la disparition des parties en un tout, mais au maintien des parties dans un nouvel ensemble", explique Jean Chambaz, à la tête de l'UPMC.
Derrière la traditionnelle querelle sémantique, c’est l’ouverture d’un chantier sensible qui se profile. L’université de lettres et sciences humaines et celle de sciences et médecine ont annoncé, le 15 septembre 2015, leur volonté de ne faire plus qu’un. L’objectif : créer une grande université de recherche pluridisciplinaire, de rang international.
Le temps est venu de passer un cap supplémentaire, les communautés sont mûres, estiment Jean Chambaz et Barthélémy Jobert, président de Paris 4, après plusieurs années de travail en commun au sein du pôle Sorbonne Universités. La création de ce nouvel établissement permettra de "faire tomber les barrières de papier artificielles" dues à l'existence de deux entités, souligne Thierry Tuot, à la tête de la Comue (Communauté d’universités et établissements) parisienne.
Et ce n'est pas pour convaincre le jury de l'Idex (Initiative d'excellence), devant lequel Sorbonne universités devra repasser en 2016 que les deux établissements s'engagent dans ce projet "mais parce qu’étant donné l’état des coopérations, créer une nouvelle université est nécessaire pour avancer", estime Jean Chambaz.
Un projet à l'épreuve des urnes
C'est cette proposition d'université unique que portera chacun des présidents devant leurs communautés lors des élections de février 2016. S’ensuivra une année de préparation à la fusion, avec des groupes de travail sur la recherche, la formation, la vie étudiante et la gouvernance du futur établissement. Puis une élection des conseils de la nouvelle université en décembre 2017, avant l'avènement de ce mastodonte de 54.000 étudiants, 5.600 enseignants-chercheurs et chercheurs, et 4.200 personnels administratifs en 2018.
Ce serait une première dans le paysage parisien, où le seul projet de fusion universitaire – entre Paris 3, 5, 7 et 13 – avait finalement été écarté, tandis que de nombreuses universités ont déjà emprunté ce chemin en région, à Strasbourg, Aix-Marseille, Bordeaux ou Montpellier, et que d'autres le préparent également, à Lille, Grenoble et entre Créteil et Marne-la-Vallée en Île-de-France.
Un amphi de licence 1 d'histoire à l'université Paris 4 (site de Clignancourt) ©EV&CS 2013
trois facs très autonomes
Pas de nom prévu pour l’instant, ni de plan précis d’organisation des futurs services centraux. "Ce sont nos communautés qui vont discuter et décider du modèle le plus efficace", explique Barthélémy Jobert. Les présidents s’avancent en revanche sur un point : la future université sera constituée de trois facultés (sciences, médecine, lettres et sciences humaines) dotées d’une large autonomie. Ils envisagent comme garantie la mise en place de contrats d’objectifs et de moyens entre ces composantes et la nouvelle université.
De même, "l’organisation actuelle des services, le régime indemnitaire et les modalités actuelles de gestion des carrières des personnels" seront préservés. "Les changements induits par la création de la nouvelle université n’interviendraient que progressivement, à partir de 2018, dans le cadre d’une négociation collective", assurent-ils prudemment, dans le mail envoyé aux personnels le 15 septembre. L’articulation avec la Comue Sorbonne universités, qui compte neuf autres établissements, sera elle aussi précisée au fur et à mesure de l’avancée du chantier.
Quid de Paris 2 ?
Quant à l’épineuse question de la place de Paris 2 dans cette future université, les présidents laissent la porte ouverte. Les juristes de la rue d’Assas ont quitté le regroupement Sorbonne universités en 2013, avant d'y revenir en tant qu’associé. "Il y a une place naturelle pour le droit, mais il faut que les communautés soient prêtes", explique Barthélémy Jobert. "Paris 2 accède à la stabiblité institutionnelle et il me paraît prématuré d'envisager autre chose pour l'instant", répond sobrement le président d'Assas, Guillaume Leyte.
L'UTC (université de technologie de Compiègne), membre de Sorbonne universités, est également la bienvenue, soulignent les présidents de l'UPMC et de Paris Sorbonne.
- Le courrier des présidents de l'UPMC et de Paris Sorbonne envoyé à leurs communautés (pdf) (15 septembre 2015)
- La biographie EducPros de Jean Chambaz
- La biographie EducPros de Barthélémy Jobert