"Notre attractivité s'affaiblit." C'est le constat dressé par Campus France, la CGE (Conférence des grandes écoles), la Cdefi (Conférence des directeurs d'écoles françaises d'ingénieurs) et la CPU (Conférence des présidents d'université), dans une note commune dédiée au rayonnement international des établissements d'enseignement supérieur français.
Dans ce document, remis à la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation Frédérique Vidal, le 3 juillet 2017, à l'occasion des deuxièmes Rencontres de la recherche et de l'innovation organisées par Campus France, ces acteurs émettent six propositions visant à améliorer l'attractivité de la France.
Faire face à une concurrence exacerbée
"Nous n'avons pas de lacune particulière. Nous nous sommes beaucoup améliorés mais nous avons encore des nœuds à défaire progressivement", résume Thierry Valentin, directeur général adjoint de Campus France. En 2015, 235.000 étudiants internationaux étaient présents en France, dont 73 % dans les universités et 27 % dans les écoles, selon les chiffres de l'Unesco. La France est désormais à la quatrième place derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, et l'Australie, quant à l'accueil d'étudiants étrangers.
L'excellence ne suffit plus pour attirer les étudiants étrangers. Il faut une politique pour se faire connaître et améliorer notre accueil.
(J.-L. Nahel)
"Nous avons une bonne place mais la concurrence est forte", complète Jean-Luc Nahel, coordinateur des activités internationales à la CPU. "Aujourd'hui, nous comptons entre 5 et 6 millions d'étudiants en mobilité internationale. À l'horizon 2025, ils seront 20 millions. Tous les établissements se battent pour accueillir les meilleurs étudiants", détaille-t-il. "
Nous ne sommes plus dans la concurrence Europe/États-Unis. De nouveaux compétiteurs apparaissent : il y a dix ans, la Chine n'était pas encore référencée comme pays d'accueil", ajoute-t-il. Selon lui, "l'excellence ne suffit plus pour attirer les étudiants étrangers. Il faut une politique pour se faire connaître et améliorer notre accueil."
"Entrer en résonance avec l'appel du président"
Avec ces six propositions, "l'idée est de lancer une stratégie. De poser les bases d'une discussion en début de quinquennat pour avoir le temps des arbitrages et de l'action. C'est le bon moment, observe Thierry Valentin. On entre en résonance avec l'appel du président de la République qui créé une visibilité globale du pays."
Début juin, Emmanuel Macron lançait une invitation à destination des chercheurs américains menacés par la politique climatosceptique du président Donald Trump. Un site Internet, intitulé "Make our planet great again" porte l'initiative. "Que ce soit en Chine, en Inde ou au Brésil, les chercheurs ont entendu parler de cet appel alors qu'ils n'étaient pas les destinataires initiaux du message", souligne Thierry Valentin.
En ouverture des Rencontres de la recherche et de l'innovation, Frédérique Vidal confirme le succès de l'opération : "Plus de 3.000 réponses sont en cours d'analyse. C'est un chiffre bien au-delà de nos attentes." "Mais ce programme d'accueil géré par le CNRS ne pourra pas répondre à toutes les demandes. L'Allemagne souhaite d'ores et déjà s'y joindre", expose-t-elle. Pour le directeur adjoint de Campus France, cet appel va permettre "à terme, d'amener d'excellents chercheurs étrangers aux côtés des chercheurs français. Ce sont des profils intéressants. Ces arrivées vont vivifier et internationaliser les équipes."
Simplifier les processus administratifs
"Il y a trois priorités pour améliorer l'attractivité des établissements français : mieux communiquer, renforcer les bourses et simplifier l'accueil et le séjour des étudiants", pointe Thierry Valentin. Dans leur note commune, Campus France et les trois conférences proposent en effet d'engager "une bataille de communication en développant un marketing de la destination France". "Des moyens fléchés seront nécessaires", alertent ces acteurs, qui plaident également pour une "simplification des processus de candidature" et du séjour en France des étudiants et jeunes chercheurs étrangers.
Un appel entendu par la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, qui proposera "aux autres ministères un travail pour lever les obstacles administratifs aux mobilités entrantes et sortantes". Interrogée sur cette simplification, Frédérique Vidal précise : "Il s'agit par exemple de sécuriser l'accueil dans les laboratoires des étudiants qui sont boursiers dans leur pays." "Il y a également un travail à faire sur les visas de circulation pour les docteurs, pour faciliter les allers et retours en France", renchérit Thierry Valentin.
Campus France, agence nationale de la mobilité sortante ?
Campus France, la CPU, la CGE et la Cdefi souhaitent aussi un "renforcement des bourses du gouvernement français", "divisées par deux en 12 ans". "Nous préconisons un retour des moyens à un niveau égal à celui de 2004", soit 133 millions, écrivent-ils. "Il faut travailler sur le nombre de bourses", insiste Jean-Luc Nahel. "À titre d'illustration, la France offre sept bourses en Ethiopie quand l'Allemagne en propose 500", relève-t-il.
Dans cinq ans, 60 % des étudiants français doivent avoir fait un séjour à l'étranger.
(J.-L. Nahel)
Mais cette mobilisation sur l'attractivité de la France doit aussi, selon eux, se traduire par une amélioration de la mobilité sortante des étudiants français. "Plus de 80 % des élèves en écoles d'ingénieurs connaissent cette expérience internationale contre environ 25 % des étudiants à l'université. Il faut considérablement améliorer ce pourcentage pour arriver, dans cinq ans, à 60 % d'étudiants ayant effectué un séjour à l'étranger", table Jean-Luc Nahel.
Une mobilité sortante, qui, selon Campus France, doit nécessairement se structurer. "Il n'y a pas de dispositif national pour piloter ces échanges aux côtés d'Erasmus + ou des collectivités", argumente Thierry Valentin. Une mission que Campus France souhaiterait prendre en charge.
Campus France, la CPU, la CGE et la Cdefi plaident pour :
- le renforcement des bourses du gouvernement français
- une campagne de communication
- une augmentation des moyens alloués aux établissements pour l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers
- une simplification des processus de candidature et le développement de formations innovantes
- une simplification du séjour des étudiants et jeunes chercheurs étrangers
- le développement de la mobilité sortante des étudiants français.