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Universités : le Sénat dénonce une autonomie mal accompagnée

Sophie Blitman Publié le
Un rapport du Sénat dresse le bilan des cinq années écoulées depuis le vote de la loi LRU (Libertés et responsabilités des universités). Sans remettre en cause la réforme elle-même, le texte met en avant la responsabilité de l'Etat qui n'a pas permis aux établissements de se doter des outils adéquats pour gérer leurs nouvelles compétences.

Les universités le disent depuis longtemps : elles ont été mal accompagnées dans leur passage aux RCE (Responsabilités et compétences élargies). Un rapport du Sénat, porté par Dominique Gillot (PS) et Ambroise Dupont (UMP), pointe le manque de préparation à cette réforme qualifiée de big bang.

"Il n'y a pas eu d'accompagnement de la part du ministère", martèle la sénatrice socialiste du Val d'Oise, qui relève aussi un "encouragement peut-être excessif pour que les derniers établissements passent à l'autonomie même si les critères préalablement définis n'étaient pas atteints". Une autonomie à marche forcée, donc, qui a rendu "l'entrée dans les RCE difficile", poursuit-elle.

Le rapport note tout de même une "avancée notable" depuis l'arrivée rue Descartes de Geneviève Fioraso, engagée, dès l'été 2012, dans "une véritable politique d’accompagnement des universités", concrétisée par la mise en place d'un "tableau de bord de suivi de la situation financière des établissements".

Pas d'outils adéquats

Car si avec l'autonomie les établissements ont "pris conscience de l'importance des fonctions supports", ils n'avaient en 2007, "sans offenser personne, aucune culture de la gouvernance opérationnelle, de la gestion prospective et du pilotage budgétaire et financier", écrivent les sénateurs.

Cinq ans plus tard, ils n'ont toujours pas les outils adéquats. En effet, "force est de constater que moins d’une dizaine d’universités françaises ont mis en place une comptabilité analytique". Et parmi elles, seules quatre "ont déployé la comptabilité analytique sur l’ensemble de leurs activités".

Concernant les personnels, "aucun outil de suivi et de support n’a été mis en place au niveau national afin d’accompagner les établissements dans la gestion d’une masse salariale transférée". Résultat : "certaines universités en sont encore réduites à constater des écarts dépassant le million d’euros entre les états prévisionnel et réalisé dans leur consommation de masse salariale".

Pas d'évaluation DU coût du passage aux RCE

Point crucial du rapport, les sénateurs dénoncent "l'absence d'évaluation sincère du transfert de charges liés à l'autonomie", selon la formule de Dominique Gillot qui ajoute à cela une difficulté supplémentaire rencontrée par les établissements : "l'efficacité du système de répartition des moyens Sympa n'a pas été au rendez-vous, faute de moyens supplémentaires".

Néanmoins, outre l'argent, le temps sera "déterminant dans la réussite de cette réforme", veut croire Ambroise Dupont, pour qui "l'autonomie ne se décrète pas mais s'acquiert, s'apprend". Reste à voir si la future loi sur l'enseignement et la recherche donnera aux universités les moyens nécessaires pour accélérer le tempo.

 

Quid de l'AERES ?

Si le rapport sénatorial se veut un diagnostic de l'application de la LRU, difficile de ne pas le lire à l'aune du projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche qui doit être examiné à partir du 13 mai 2013 au Parlement.

En particulier, la question de l'AERES (Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur) révèle une importante contradiction entre les deux textes. En effet, le projet de loi prévoit le remplacement de l'agence par un haut conseil. Mais "attention à 'ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain' ", préviennent de leur côté les sénateurs qui insistent sur la nécessité de conserver une instance d'évaluation indépendante. Si les critiques à l'encontre de l'AERES restent "fortes du côté des chercheurs, ce n'est pas le cas dans la communauté universitaire", souligne Dominique Gillot.

La sénatrice PS n'a cependant pas voulu se prononcer sur la future loi. "Il y a sujet de débats", glisse-t-elle. Quant à son homologue UMP, Ambroise Dupont, il botte carrément en touche, affirmant ne pas avoir encore lu le texte.

Sophie Blitman | Publié le