"Mon salaire est à pleurer, et pourtant ce boulot est passionnant, motivant et extraordinaire." Comme cet enseignant-chercheur, près de 72% des sondés du baromètre Educpros sur le moral dans l’enseignement supérieur et la recherche ne s’estiment pas correctement rémunérés.
Selon notre échantillon, près de 60% touchent moins de 2.500 euros net mensuel, 43% se situent dans la fourchette comprise entre 1.600 et 2.500 euros. Plus d’un quart des sondés gagnent entre 2.600 et 3.500 euros net par mois. À l’université, les personnels des services administratifs centraux, dont le niveau d’études est le moins élevé, sont toujours les moins bien payés : 78,5% d’entre eux gagnent moins de 2.500 euros net mensuel.
L'insatisfaction des enseignants-chercheurs au sujet de leurs rémunérations ne peut pas être considérée comme "une plainte rituelle", selon François Sarfati, chercheur au Centre d'études de l'emploi. "Les enseignants-chercheurs ont eu à subir, comme toute la fonction publique, la baisse du point d’indice. Des travaux évoquent une baisse du pouvoir d’achat de l’ordre de 20% au cours des 20 dernières années." En outre, "le niveau d’insatisfaction est encore plus fort chez ceux qui sont le moins bien rémunérés, comme les fonctions administratives et les débuts de carrière. C’est bien la preuve que cette insatisfaction est justifiée."
INDIVIDUALISATION DU TRAVAIL ET DE LA RÉMUNÉRATION
Face à l’abaissement des salaires, "l’individualisation des rémunérations à travers le recours aux heures complémentaires et primes s’accentue", constate François Sarfati. 44% des sondés de notre baromètre déclarent toucher des primes et heures complémentaires.
Plusieurs raisons à cela : "Les enseignants-chercheurs, dans les grands centres universitaires comme dans les établissements de proximité, constatent simplement que pour faire tourner la boutique, il faut qu’ils assurent davantage d’heures. Deuxième chose, les enseignants-chercheurs se voient confier de plus en plus de tâches, comme la responsabilité d’un département, d’un master ou encore la prise en charge du développement de l’apprentissage. En conséquence, ces tâches sont rémunérées par de nouvelles primes."
Pour faire tourner la boutique, il faut que les enseignants-chercheurs assurent davantage d’heures.
(F. Sarfati)
L'accumulation des tâches administratives, souvent subies, revient régulièrement dans les témoignages des sondés : "Je suis en charge d'un master, et en raison des sous-effectifs du personnel administratif, je m'occupe des réservations de salle, la gestion des modifications d'emploi du temps, la vérification des services des enseignants, le calcul des moyennes des étudiants... Autant de tâches qui m'ont été gentiment déléguées par mes collègues (…) et qui ne me semblent pas être le cœur du métier d'enseignant-chercheur.”
Toutefois, nuance François Sarfati, l’attribution des primes est très inégalitaire en fonction des établissements : "Tel établissement bien doté peut rétribuer les responsabilités pédagogiques tandis que tel autre peut exiger des heures complémentaires non rémunérées." Les sondés issus de l'université sont ceux qui touchent le plus de primes (50%), loin devant ceux des écoles (38%) ou des organismes de recherche (28%).
Pour autant, les montants de ces rémunérations complémentaires restent modérés. 22% des sondés touchent entre 1.000 et 5.000 euros de primes par an, "un montant de l’ordre d’un 13e mois", illustre François Sarfati. Sans oublier, pointe François Sarfati, que 57% n'en touchent pas du tout.
DES RÉMUNÉRATIONS EXTERNES FAIBLES
Les rémunérations complémentaires (droits d'auteur, conférences, missions de conseil, par exemple), réalisées en dehors de l’établissement, restent, elles, très à la marge. Seuls 12,5% des sondés déclarent en toucher : dans 7,4% des cas, ces revenus sont inférieurs à 2.000 euros, et dans 5,2% des cas ils sont au-dessus de 2.000 euros, dont 1,3% dépassent 10.000 euros.
C’est en droit, économie, gestion que les revenus complémentaires, notamment dans le cadre de missions de conseil, sont les plus élevés. Alors qu’en moyenne seul 1,33% des enseignants-chercheurs touchent plus de 10.000 euros de revenus complémentaires, dans ces disciplines ils sont 5,41%.
Selon les champs disciplinaires, des différences peuvent être constatées. En droit, économie, gestion, mais aussi dans les domaines des sciences et technologies et de la santé, à peu près la moitié des enseignants-chercheurs gagnent plus de 2.500 euros net mensuel, l’autre moitié se situant en dessous. En SHS, près de 70% ont un salaire inférieur à 2.500 euros net par mois, et 63% des sondés des disciplines arts, lettres et langues sont en dessous de ce seuil. Parmi les hauts salaires (plus de 3.500 euros net mensuel), le secteur de la santé arrive en tête avec plus d’un quart des sondés au-dessus de ce seuil, devant les disciplines du droit, économie, gestion (17,4%), les sciences et technologies (16,7%), loin devant les sciences humaines et sociales (10,6%) et les Arts, lettres et langues (10,6%).