D'abord il y a la relation client (tous les échanges d'une entreprise avec ses clients) ; ensuite il y a la gestion de la relation client (la stratégie et l'organisation pratique de cette relation, en anglais, le CRM, Customer relationship management) ; et enfin, il y a l'outil de CRM (le logiciel qui recense, harmonise, trie tous les échanges avec les clients).
Le marché des logiciels CRM représentait plus de 23 milliards d'euros en 2015, dominé par cinq grands éditeurs, Salesforce, SAP, Oracle, Microsoft et IBM, suivis d'innombrables moyens et petits éditeurs. Déjà longue, la liste de leurs adeptes s'est enrichie récemment de nouveaux venus : les grandes écoles et les universités.
Des informations centralisées
Les établissements d'enseignement supérieur ont besoin de ces logiciels, très répandus dans le secteur commercial, pour centraliser les informations relatives aux entreprises partenaires, aux fournisseurs, aux alumni, aux étudiants, aux prospects en formation initiale, aux stagiaires de la formation continue ; connaître à tout instant l'état de leurs relations avec tous ces contacts, communiquer de façon homogène vers tous ces "clients" et archiver tous les échanges.
Sans oublier de mesurer l'efficacité d'une action (mailing, présence sur un salon) grâce aux fonctions statistiques de l'outil. Bref, le logiciel CRM centralise et organise toutes les informations qui entrent et sortent de l'établissement.
Certains de nos contacts en entreprise recevaient cinq messages de l'école qui, non seulement pouvaient se chevaucher et n'étaient pas harmonisés.
(J.-F. Fiorina)
"En s'équipant d'un outil CRM, le but était d'unifier nos bases de données, explique Jean-François Fiorina, directeur adjoint de Grenoble École de management. Nombreuses sont nos formations, nos actions auprès des entreprises, nos données sur les prospects étudiants. Auparavant, chaque direction devait gérer son portefeuille clients, avait sa propre base et pouvait, en toute bonne foi, contacter un même interlocuteur avec plusieurs objectifs. Résultat, certains de nos contacts en entreprise recevaient cinq messages de l'école qui, non seulement, pouvaient se chevaucher mais n'étaient pas harmonisés."
Aujourd'hui, GEM abrite un service de trois personnes à temps plein, gérant les opérations CRM et les bases de données du groupe. Coût annuel : "plusieurs centaines de milliers d'euros, comprenant les trois salaires, le coût du logiciel, les mises à jour et le développement." Mais le retour sur investissement est certain.
UN Gain de temps
Plus récemment, en octobre 2015, l'EISTI, l'école d'ingénieurs de Cergy-Pontoise – déjà équipée d'un outil CRM pour ses relations entreprises – a fait le choix d'un autre outil, Oscar Campus, dédié à son recrutement en formation initiale.
"On avait un fichier Excel, raconte Jérôme Morges, le directeur des opérations, mais on avait dépassé les 9.000 prospects. Le logiciel ne répondait plus à nos besoins : connaître leur profil, savoir d'où ils viennent, pourquoi ils s'intéressent à nous."
Avant, lorsqu'on revenait d'un forum ou d'un salon, il fallait une journée pour intégrer les informations sur les prospects, contre deux heures aujourd'hui.
(J. Morgues)
Les premiers résultats satisfont le directeur : "Avant, lorsqu'on revenait d'un forum ou d'un salon, il fallait une journée pour intégrer les informations sur les prospects, contre deux heures aujourd'hui, sans compter que les e-mails peuvent être envoyés directement depuis le logiciel. Tout cela dégage du temps pour la personne du service commercial, qui dispose de plus d'éléments pour ses relances téléphoniques."
À l'IAE Paris Panthéon-Sorbonne, l'outil CRM a été adopté exclusivement par les services financiers. "Ils s'en servent pour gérer les conventions de formation professionnelle et le suivi de facturation, détaille Dominique Rivière, directeur des services, car nous proposons beaucoup de formations en apprentissage, qui concernent plus de 1.300 élèves."
UN Coût médian DE 15.000 euros la première année
L'apprentissage est d'ailleurs à la base des outils CRM dans l'enseignement supérieur. "Historiquement, c'est pour des besoins de collecte de la taxe d'apprentissage que les établissements se sont équipés, se souvient Séverine Vidal, responsable du pôle enseignement supérieur de l'éditeur de logiciels CRM Eudonet. Et puis d'autres besoins se sont ajoutés."
La directrice, qui revendique une centaine de clients dans le secteur, donne ses chiffres. "Le coût médian des projets dans ce secteur est de 15.000 euros la première année, suivis de 5.000 euros à 8.000 euros les années suivantes. Mais un petit projet peut tourner autour de 4.000 euros tout compris. Si l'établissement veut acheter la solution, il faudra compter le triple des tarifs indiqués."
Ce qui fait varier un prix ? Le nombre de modules, la couverture du projet, le nombre d'accès "utilisateurs" ou "administrateurs". Par exemple, à l'IAE de Paris, client d'Eudonet, chaque nouvel utilisateur est facturé 800 euros, et l'indispensable journée de formation au logiciel 960 euros.
Une formation nécessaire
À l'ESAIP, école d'ingénieurs située à Angers, Aurélie Hardouin, responsable du recrutement des étudiants et de la promotion, utilisatrice du CRM Oscar Campus, remarque que "lorsqu'on sait se débrouiller avec les outils informatiques, c'est simple d'utilisation. L'inconvénient, c'est que c'est une base commune. Si un utilisateur fait une erreur – et c'est facile d'en faire une – cela touche tous les autres. Nous avons donc réservé les accès, certains utilisateurs ne peuvent que consulter."
Dominique Rivière confirme : "La première année, cela a fonctionné couci-couça, parce que l'on demandait aux agents opérationnels – les gestionnaires de formation – de réaliser des saisies alors qu'ils n'en avaient pas les compétences. C'était une erreur de notre part."
La phase projet doit être de trois mois en moyenne, depuis le lancement du projet jusqu'à la formation des utilisateurs. Un projet trop long à mettre en place freine les utilisateurs.
(S. Vidal)
Plusieurs autres facteurs freinent le développement du CRM. "Les réticences au partage de données sont encore présentes, remarque Séverine Vidal, car les utilisateurs se vivent propriétaires de leurs données. Mais ce n'est pas propre à l'enseignement supérieur."
Ses conseils : "Démarrer sur le périmètre le plus simple possible, et le plus compréhensible pour tous les utilisateurs. Par exemple, les relations entreprises. De même, il faut inciter les utilisateurs à recourir aux fonctionnalités standards de l'outil. La phase projet doit être courte, trois mois en moyenne, depuis le lancement du projet jusqu'à la formation des utilisateurs. Un projet trop long à mettre en place freine les utilisateurs."
Dominique Rivière en a tiré des enseignements : "Nous avons voulu aller trop vite. Les chefs de service n'en ont pas compris l'intérêt. Pour eux, le report de données dans l'outil représentait juste une charge supplémentaire. Or, comme dans tout projet, il faut que les gens voient les bénéfices de l'outil pour y adhérer." Des conditions indispensables pour ne pas transformer le logiciel en usine à gaz que personne ne renseigne... et dont personne ne se sert.
Les universités françaises ne sont pas uniformément touchées par le CRM. Il y a trois ans, l'Amue (Agence de mutualisation des universités et établissements) a mené une étude visant à développer un CRM dans les établissements.
"Nous avons constaté que c'étaient des composantes type IAE, BAIP [Bureau d'aide à l'insertion professionnelle] ou fondation qui s'équipaient, mais jamais toute l'université, se souvient Gin Lopinto, consultante CRM à l'Amue. Les DSI [directeurs des systèmes d'information] que nous avons interrogés jugeaient en effet compliquée la mise en place d'un tel outil, parce qu'il était difficile de tracer les contacts de tous les personnels d'une université."
Certaines, comme l'université de Nantes, se sont équipées de leur propre CRM, fait maison. "Cela peut se faire, poursuit Gin Lopinto, mais la tendance que nous avions observée était plutôt au recours à des logiciels externes." Le projet d'un CRM commun aux universités n'a pas abouti pour le moment.