À combien peut-on évaluer les montants levés par les écoles et les universités par la voie du financement participatif (crowdfunding) ? "100.000 euros ? Peut-être 200.000 ?", estime Max Anghilante, président de l'Iffres (Institut français des fondations de recherche et de l'enseignement supérieur) et initiateur de la plateforme de financement participatif DaVinciCrowd. Quelle que soit la réponse, les sommes paraissent bien dérisoires par rapport aux quelque 200 millions d'euros donnés par les entreprises aux établissements en 2014 sous forme de mécénat ; dérisoires également par rapport aux centaines de milliers d'euros que lèvent les (rares) projets à succès sur les plateformes de crowdfunding grand public telles que KissKissBankBank ou MyMajorCompany.
Même si les sommes récoltées sont peu élevées, des écoles et universités se lancent dans le financement participatif. "Dans l'enseignement supérieur et la recherche, les utilisations sont souvent les mêmes, estime Marianne Iizuka, experte auprès de la Commission européenne sur le crowdfunding, auteur de "Crowdfunding : les rouages du financement participatif" (éditions Edubanque, 2014). En dehors du prêt étudiant, il y a le financement d'études statistiques et le financement de projets de recherche."
Le financement participatif permet aussi de porter une campagne de communication, de combler à la marge le budget d'un projet de recherche, de permettre aux étudiants de créer leur entreprise ou encore de diffuser sa marque sur les plateformes grand public.
Don, prêt ou entrée au capital : le choix crucial du statut
Des plateformes dédiées à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR), il en existe une bonne douzaine en France, sur environ 300 plateformes tous sujets confondus. Toutes n'ont pas choisi la même formule.
Il faut distinguer celles qui ont opté pour le don avec contrepartie (en échange d'un don, vous offrez par exemple un livre ou une journée avec une personnalité, comme 40% des plateformes dans le monde), le don sans contrepartie (19,8%), le prêt avec intérêts (17,7%), et la souscription au capital d'une start-up ou d'une PME portée par l'établissement (15,7%). Le choix du statut est dicté par l'objectif de la campagne, car tous les statuts ne sont pas soumis aux mêmes règles fiscales (TVA, déductions, droits de donation) et ne permettent pas d'atteindre les mêmes montants.
Alors que les montants sur les plateformes de don avoisinent les 3.000 ou 4000 euros, en souscription au capital, on peut atteindre 100.000 euros. (A. Chelly)
Ainsi, l'école de commerce EDC Paris, qui vient de lancer sa propre plateforme, a opté pour la souscription au capital. Le but étant de financer les projets d'entreprise d'étudiants sélectionnés. "Alors que les montants récoltés sur les plateformes de don avoisinent les 3.000 ou 4000 euros, en souscription au capital, on peut atteindre 100.000 euros", estime Amine Chelly, responsable de l'entrepreneuriat à l'EDC Paris. L'école a donc sollicité un prestataire et demandé la réalisation de la plateforme en interne et en marque blanche (l'internaute ne voit pas qui a réalisé le site).
Le prestataire en question, c'est Raizers : une plateforme qui a également le statut de conseiller en investissement participatif. Ce statut, né en 2013 et qui compte encore peu de titulaires, est réglementé et contrôlé par l'Autorité des marchés financiers. Grégoire Linder est le cofondateur de Raizers. Il explique que ses cibles prioritaires sont les grandes écoles de commerce et d'ingénieurs.
"Pour que l'on crée une plateforme en marque blanche, il faut que l'établissement ait des entrepreneurs en interne et un réseau. Cela n'aurait pas de sens dans le cas des petites écoles ou des universités les moins avancées, avec lesquelles nous ne travaillons pas encore", précise-t-il.
Le prix ? "Tout dépend de la personnalisation de la plateforme par rapport à notre modèle de base, indique Grégoire Linder. Disons que cela va de 4.000 à 10.000 euros, montant dans lequel nous comptons la charte graphique, les URL, la campagne de com et de marketing, le système de paiement à distance, la gestion des bulletins et l'ouverture du compte de séquestre nécessaire à l'accumulation des dons."
Quand on a beaucoup d'alumni, est-ce qu'on a besoin d'aller sur une plateforme grand public ? (M. Iisuka)
Une plateforme en adéquation avec la cible
Le choix d'une plateforme en interne – c'est-à-dire abritée sur le site de l'école et uniquement dédiée au réseau de l'école – ou grand public s'est posé à l'EDC. "Le fait que la plateforme soit en interne facilite la communication car on dit bien que c'est par et pour EDC Paris, insiste Amine Chelly. Sur un site comme Ulule, on sait que la plateforme est complètement ouverte et qu'on va se retrouver en concurrence avec d'autres projets."
Et Marianne Iizuka de poser la question : "Quand on a beaucoup d'alumni, est-ce qu'on a besoin d'aller sur une plateforme grand public ? En y allant, on prend le risque que les alumni financent d'autres projets présentés sur le site. Et pourquoi donner son réseau à la plateforme en plus des 5% de commission alors qu'on peut essayer de lancer une plateforme en interne ? C'est l'état de la réflexion dans les établissements."
S'engager dans le crowdfunding, c'est aussi se préparer à beaucoup communiquer. Max Anghilante le constate à travers la quarantaine de projets publiés sur DaVinciCrowd : "Si la structure ne fait pas de communication sur le web, si elle ne conduit pas d'action en dehors du web en lien avec la campagne, si sa campagne n'est pas intégrée à une campagne globale de levée de fonds, rien ne se passe." Chacun s'entend enfin à dire qu'il est vain d'espérer des dons si l'on communique simplement sur sa marque (le nom de l'établissement) plutôt que sur un projet précis. Le prestige du nom, ça eût payé...